Une tribune pour les luttes

Dimitris Koufontinas est toujours en grève de la faim

Émeutes à Athènes : la tension continue de monter en Grèce

Yannis Youlountas

Article mis en ligne le mercredi 10 mars 2021

Émeutes à Athènes, le Conseil d’État rejette à son tour la demande de Koufontinas, Rouvikonas dans le collimateur du pouvoir

Par Yannis Youlountas · Publié 10/03/2021 · Mis à jour 10/03/2021

Mardi 9 mars 2021. Dimitris Koufontinas est encore vivant. Les révoltes se multiplient contre l’arrogance du pouvoir et la répression féroce. Les blessés sont nombreux, dont un policier gravement..

Alors que les médecins s’inquiètent de l’épuisement du gréviste de la faim (depuis 61 jours), le Conseil d’État a rejeté aujourd’hui l’examen de son transfert à la prison de haute-sécurité de Domokos (demande d’ordonnance temporaire pour geler la décision). Il s’avère de plus en plus que cette décision était bien purement politique, prise en haut-lieu, et rien d’autre. Le gouvernement s’acharne sur le prisonnier pour le pousser à bout, privé de la possibilité de retourner voir son fils, parmi d’autres souffrances, alors qu’il est en prison depuis 19 ans après s’est livré lui-même à la police(1). Comble de l’ironie, malgré la situation de Dimitris Koufontinas plus que jamais à l’article de la mort et l’affaire d’État qu’est devenue ce sujet, la Cour de Cassation prétend ne pas pouvoir examiner sa demande avant le 2 avril, c’est-à-dire dans 3 semaines !

Le gouvernement semble également chercher à neutraliser Rouvikonas, à commencer par deux de ses membres les plus actifs : Giorgos et Nikos. Parmi d’autres menaces, un procès de toutes pièces est en train d’être monté contre nos deux compagnons de lutte, pour les désigner coupables de l’assassinat du dealer Habibi à Exarcheia. De quelle façon ? Nous venons d’apprendre que des (faux) témoins ont été rassemblés parmi des trafiquants de drogues notoires qui ont bizarrement été libérés aussitôt après leurs dépôts contre Giorgos et Nikos. On nage en plein délire ! Les colonels seraient-ils revenus au pouvoir avec leurs manigances du même tonneau à l’époque ? Ces jours-ci, le groupe Rouvikonas est plus surveillé que jamais, sans doute aussi pour tenter de gêner sa participation à la révolte qui s’étend..

Autre fait majeur en Grèce : comme je vous l’annonçais il y a deux mois, l’arrivée du transfuge de l’extrême-droite(2), Makis Voridis, à la tête de la police grecque n’a fait que renforcer sa férocité contre nous et contre les migrants. La répression des manifestations a atteint un seuil que nous n’avions pas connu depuis longtemps. Mais une goutte d’eau a fait déborder le vase : l’agression contre des gens qui se reposaient paisiblement dans un parc du quartier de Nea Smyrni, sous prétexte de non respect du confinement (qui est encore en vigueur en Grèce). Il faut savoir que, nuit et jour, les voltigeurs tournent partout dans Athènes, frappent au hasard et joue à la chasse à l’homme pour tout et n’importe quoi. Nos aînés ont l’impression d’être 50 ans en arrière..

Cela ne peut plus durer : la révolte s’intensifie et la résistance se diversifie, de jour comme de nuit. Athènes s’enflamme(3). Ce soir, une émeute a éclaté à Nea Smyrni. Les affrontements entre policiers et émeutiers étaient au corps à corps, mettant finalement les policiers en fuite. Parmi les blessés, un policier est gravement blessé à la tête. Ailleurs dans Athènes, la police use de représailles grotesques et honteuses sur des auteurs de tags, par exemple.

La tension continue de monter en Grèce. Un séisme a récemment frappé le centre du pays ; un autre, social cette fois, commence à faire trembler le pouvoir.
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Yannis Youlountas
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(1) Je vous raconterai demain le contexte de se reddition en 2002, vidéo de l’époque à l’appui.
(2) http://blogyy.net/2021/01/11/extreme-droitisation-du-gouvernement-et-autres-nouvelles/
(3) « Athènes s’enflamme » comme je le titrais il y a 4 jours, non pas qu’elle brûle massivement bien sûr ! (j’ai reçu deux mails à ce sujet) En français, s’enflammer ça veut dire également se mettre en colère, y compris au moyen d’attaques incendiaires contre des ministères, des distributeurs de billets, etc. C’est aussi le retour massif des cocktails Molotov, comme ce soir. Il ne s’agit donc pas d’un « grand incendie » dans la ville, mais de multiples et incessantes ripostes contre l’arrogance du pouvoir et de ses hommes de main. Cependant ces petits feux qui éclatent un peu partout, ainsi que cette colère à bout, commencent à augurer d’autre chose.


Nouveau refus du tribunal et multiplication des attaques nocturnes contre le parti au pouvoir

par Yannis Youlountas · 08/03/2021

8 mars 2021. Dimitris Koufontinas est encore vivant. Bien que très fragile, sa santé s’est un peu stabilisée, pour l’instant, grâce à l’effet du sérum depuis trois jours. Mais le risque de mort subite reste très élevé.

Il y a quelques minutes, le Conseil judiciaire de Lamia a rejeté la demande d’annulation de son transfert à la prison de haute sécurité de Domokos. Les avocats de Dimitris Koufontinas se trouvent dans l’impasse face à l’influence du premier ministre sur les organes de décision sollicités, (les principaux interlocuteurs appartiennent souvent au parti de droite Nouvelle Démocratie) et du fait du refus d’intervenir de la présidente de la République hellénique, alors qu’elle censée être la garante du respect de la constitution.

Cette nuit à Athènes, les ripostes se sont poursuivies, un peu partout, malgré de nombreux barrages policiers dans les artères principales de la capitale. Parmi les attaques recensées, la plupart ont visé le parti du premier ministre. Plusieurs bureaux ont été attaqués, tagués, défoncés ou visités. Proche de Mitsotakis, le député d’Athènes Vassileos Spanakis (cf. photo) a été pris pour cible : sa maison secondaire a été saccagée cette nuit. Spanakis avait tenu des propos virulents contre le gréviste de la faim dans le cadre de la propagande médiatique. Ces derniers jours, plus de 300 ripostes nocturnes ont été recensées à Athènes et une centaine d’autres ailleurs en Grèce, aux dires des médias du pouvoir.

Depuis 24 heures, plusieurs rassemblement ont eu lieu, mais avec de grandes difficultés du fait des violences policières systématiques (plusieurs nouveaux scandales ont éclaté, en particulier concernant des agressions de voltigeurs sur des passants paisibles dans un parc du quartier de Nea Smyrni). Les interpellations et arrestations se multiplient et, surtout, les amendes pour non respect des mesures anticovid19 sont lourdes : 300 euros en Grèce contre 135 euros en France, alors que le salaire moyen est inférieur de moitié en Grèce).

La question principale maintenant est : que va faire Dimitris Koufontinas ? Va-t-il continuer au risque de mourir bientôt ? Pour l’instant, excepté dans les actions clandestines nocturnes, le mouvement social commence à être étranglé par la répression, à la fois physique, judiciaire et financière. La dérive autoritaire du gouvernement Mitsotakis suscite beaucoup d’interrogations en Grèce, à commencer par la première de toutes, la plus ancienne et la plus cruciale, sur laquelle tout le monde n’est pas d’accord : comment résister ?

Yannis Youlountas

P.-S.

Pour suivre l’actualité de la situation en Grèce : http://blogyy.net/author/yannis-youlountas/

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