Une tribune pour les luttes

De l’autre côté de la frontière européenne, il y a ceux qui demandent un laissez-passer pour ne pas mourir.

Article mis en ligne le lundi 22 novembre 2021

De l’autre côté de la frontière européenne, il y a ceux qui demandent un laissez-passer pour ne pas mourir.

Depuis quarante jours, devant les bureaux du HCR à Tripoli, environ 4 000 personnes campent en signe de protestation, demandant à être évacuées immédiatement de Libye vers des pays sûrs. Beaucoup sont arrivés après une série d’attaques du gouvernement qui ont commencé le 1er octobre, de véritables rafles au cours desquelles au moins cinq mille personnes, dont des familles entières avec femmes et enfants, ont été arrachées de force à leur domicile ou dans la rue, emprisonnées dans des centres de détention et soumises à des violences et des tortures. Depuis le début de la garnison, largement ignorée par les ONG et les médias, les épisodes de violence sont nombreux et quasi quotidiens : de la mort d’un jeune Soudanais actif dans la protestation, battu par des hommes masqués, aux attaques des agents de sécurité dans le bâtiment où se trouve le bureau de l’agence des Nations unies.
Après l’évasion d’environ deux mille personnes de la prison d’Al Mabani, la police a tiré sur la foule, tuant un nombre indéterminé de personnes (au moins 34) et en blessant des centaines, avant de réarrêter de nombreuses personnes. Les survivants et les personnes déplacées sont descendus dans la rue devant le siège du HCR, demandant à être enregistrés comme réfugiés et évacués.
Le HCR, en effet, observe, tandis que l’UE fait semblant de ne pas voir les épisodes de ces dernières semaines, préoccupée seulement par la stabilité politique du pays, fonctionnelle au contrôle des frontières et au maintien des intérêts économiques (comme on le dira aujourd’hui à Paris à la conférence pour « stabiliser la Libye »), y compris ceux de l’Eni en tête. En bref, il faut que le gaz passe, que les personnes ne soient sélectionnées que de manière correcte et brutale, prêtes à être exploitées dans les campagnes du Made in Italy.
Les bateaux de ceux qui tentent d’atteindre les côtes italiennes continuent d’être rejetés par les garde-côtes libyens et presque tous ceux qui débarquent en Libye après avoir échoué à franchir la frontière sont emprisonnés. Tout cela se passe légitimé par le gouvernement italien (et la Commission européenne), qui avec le protocole d’accord signé en 2017 avec le gouvernement libyen (mais rappelons qu’il s’agit d’une politique qui trouve ses racines dans l’époque des accords entre Berlusconi et Kadhafi) joue en fait un rôle clé pour repousser les gens à la mer, en continuant à fournir des financements importants aux garde-côtes libyens, qui sont donc aussi l’entité qui encourage les débarquements illégaux, à un prix très élevé.
Pendant ce temps, à la frontière orientale de l’UE entre la Pologne et le Belarus, la folie de la violence frontalière a déjà tué des dizaines de personnes piégées et hibernant dans les forêts vers lesquelles elles sont repoussées par les soldats polonais. Il y a deux jours, 50 personnes ont été arrêtées à la frontière pour avoir franchi la clôture de barbelés, et tandis que les soldats polonais tirent, les soldats biélorusses empêchent ceux qui fuient de rentrer. Ici aussi, les migrants font l’objet d’un marché politique cruel. L’Europe pointe du doigt le despote biélorusse Loukachenko, accusé d’utiliser les migrants comme une arme humaine pour se venger des sanctions européennes. Il ne parle pas du sort de ceux qui luttent contre deux armées et le froid pour survivre, sauf pour parler de murs et de rapatriements forcés.
En réponse à ces rapports dramatiques, les communautés de la diaspora de nombreuses villes se sont mobilisées pour protester et faire pression sur les gouvernements européens, qui sont restés silencieux jusqu’à présent, alors qu’ils sont les principaux et les plus grands responsables – au nom des grands intérêts économiques dont ils sont l’expression – des morts et des violences ainsi que des crises économiques, politiques et climatiques qui poussent les gens à risquer leur vie pour traverser la mer ou les forêts.
Mais le silence sur ce qui se passe est trop général, une barrière d’indifférence aussi complice que meurtrière, non seulement de la part des institutions, mais aussi de la part de la » société civile » européenne, à quelques exceptions près.
La faible attention générale se concentre actuellement sur les frontières orientales de l’Europe, et il n’est pratiquement pas fait mention de la manière dont la répression des immigrants se poursuit même après qu’ils ont débarqué sur nos côtes. Dans le hotspot surpeuplé de Lampedusa, 850 personnes sont actuellement détenues, arrivées ces derniers jours et destinées à passer par tous les cercles infernaux de la bureaucratie raciste qui régit les mécanismes de demande d’asile en Italie et en Europe. Dans la grande majorité des cas, ces personnes sont privées de document depuis des années, condamnées aux ghettos, à la précarité, au travail au noir, à la rue ou à la détention dans des CRA ou des prisons.
Il y a un mois à peine, à Campobello di Mazara, en Sicile, un ghetto où vivaient des centaines de travailleurs africains venus cueillir des olives a brûlé, tuant Omar, un travailleur sénégalais. Aux protestations insistantes de ses compagnons, les institutions locales ont répondu de la seule manière qu’elles connaissaient : la répression, puis des préfabriqués en plastique, fournis par le HCR lui-même en collaboration avec la fondation IKEA. Il s’agit pratiquement d’un nouveau ghetto, mais d’un ghetto institutionnel, qui n’est plus illégal (et donc réservé à ceux qui sont en possession de documents, les immigrés en situation irrégulière peuvent se débrouiller), où les travailleurs continuent de vivre ségrégués dans des boîtes qui seront brillantes et neuves que pendant une saison, juste le temps de les photographier et de les présenter comme des solutions de logement décentes.
Le même HCR qui prône la création d’un syndicat des travailleurs agricoles migrants cloture les yeux, les oreilles et la bouche, de la Libye à la Sicile, lorsque ces immigrés et ces travailleurs demandent la reconnaissance minimale, celle de pouvoir se déplacer et fuir la guerre, la pauvreté, le viol, les abus et la torture, et de vivre sans être ségrégués dans un régime d’apartheid selon le profil juridique, dans des lieux en tout point semblables aux bidonvilles qui sont périodiquement démantelés, mais beaucoup plus contrôlés.
Et que dire de ceux qui, une fois arrivés, sont contraints de vivre dans un centre d’accueil ou emprisonnés dans un CRA, et s’ils tentent de se rebeller, ils sont arrêtés, déportés, jugés ? La répression et la violence qui commencent bien avant les frontières faites de barrières et de fils barbelés, se poursuivent bien au-delà, de la phase de soi-disant » accueil « , aux entrepôts et aux camps, aux places où depuis des années les immigrés et les militants de la solidarité manifestent pour exiger des papiers pour tous.
Le jeu pervers de la machine humanitaire du HCR et de ceux qui les soutiennent doit être démasqué et arrêté.
Contre les frontières et l’exploitation, la seule voie est la lutte.

P.-S.

Comitato lavoratori delle campagne (Comité des travailleurs ruraux italien)
publié Par passamontagna ->https://www.passamontagna.info

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