Une tribune pour les luttes

Droit à la santé et lutte des guadeloupéens

par Claudine Blasco

Article mis en ligne le mardi 21 juin 2022

Ayant occupé au nom d’Organisation Non Gouvernementale de Solidarité Internationale, pendant 5 ans de 1995 à 2000, un poste consultatif au comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies, dépendant du Haut Conseil des Droits de l’Homme, j’ai pu approfondir certains droits notamment le droit à la santé , à l’alimentation, à l’eau etc... Aujourd’hui, je réside en Guadeloupe et je partage la lutte de mes concitoyens .
1/Le droit à la santé c’est avant tout l’accès à l’eau potable , à l’assainissement , à une alimentation saine, à un revenu digne
Pour le Haut Conseil des Droits de l’Homme : ttps ://www.ohchr.org › Issues › ESCR › Pages › Health « La santé est un droit fondamental de l’être humain, indispensable à l’exercice des autres droits de l’être humain. Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé susceptible d’être atteint, lui permettant de vivre dans la dignité. »
– Comité des droits économiques, sociaux et culturels –
Comme le précise l’Observation générale nº 14, le droit à la santé est un droit global, dans le champ duquel entrent non seulement la prestation de soins de santé appropriés en temps opportun, mais aussi les facteurs fondamentaux déterminants de la santé, tels que :
• l’accès à l’eau salubre et potable et à des moyens adéquats d’assainissement ;
• l’accès à une quantité suffisante d’aliments sains, la nutrition et le logement ;
• l’hygiène du travail et du milieu ;
• l’accès à l’éducation et à l’information relatives à la santé.
Qu’en est-il en Guadeloupe ?
• L’accès à l’eau potable est fortement compromis à cause d’un réseau de distribution déficient depuis de nombreuses années, fuites (60% du total capté) canalisations en mauvais état, coupures incessantes, gestionnaires indélicats et incompétents (la plupart élus guadeloupéens), présence de chlordécone et autres pesticides...
En période de pandémie, ne pas avoir accès à l’eau est plus grave que de ne pas avoir accès au vaccin.
• L’accès à l’assainissement est aussi largement compromis, La Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement ( DEAL) a publié en novembre 2020, que les systèmes de collecte des eaux usées étaient tous sauf un classés non-conformes, en 2018... faute de surveillance des réseaux. Ce n’est pas mieux pour les systèmes de traitement des eaux. Sur la vingtaine de stations d’épuration que compte la Guadeloupe, les ¾ sont en mauvais état ( 5 conformes seulement) ou sous dimensionnées par rapport au nombre d’utilisateurs réels . La plupart des ouvrages de traitement sont hors-service ou vétustes, il y a constamment des incidents ponctuels, l’exploitation est défaillante, tout comme la vérification. Le personnel politique gestionnaire est en grande partie responsable de cet état de fait.
• L’accès à des aliments sains est plus que durablement compromis par la présence de chlordécone dans nos sols et notre mer pendant encore des centaines d’années. L’état français a une lourde responsabilité pour avoir prorogé le temps d’utilisation du chlordécone aux Antilles dans les années 90. Aucune solution n’a été trouvée pour contrer les effets de ce pesticide, responsable de beaucoup de morts de cancer de la prostate et qui a contaminé près de 90% de la population.
• La montée de la pauvreté en Guadeloupe, avoir accès à une alimentation saine est très difficile quand on n’a plus de ressources et surtout quand cette même alimentation est un tiers plus chère qu’en métropole.
La pandémie est responsable d’une montée du chômage alarmante ( plus de 50% d’augmentation de demandeurs de RSA par an depuis Mars 2020). Avec la suspension de plus de 1400 personnels soignants, c’est autant de familles qui se retrouvent en situation de pauvreté.
Le droit à la santé suppose l’existence des éléments essentiels suivants :
• disponibilité ; il doit exister des infrastructures, des biens et des services opérationnels en matière de santé publique et de soins de santé en quantité suffisante
• accessibilité ; les infrastructures, biens et services en matière de santé doivent être d’un coût abordable et être physiquement accessibles conformément au principe de non-discrimination.
• acceptabilité ; les infrastructures, les biens et les services devraient être conformes à l’éthique médicale, répondre aux besoins des hommes comme des femmes et respecter les différences culturelles
• qualité ; les infrastructures, les biens et les services doivent être scientifiquement et médicalement appropriés, et en bon état de fonctionnement. 
• participation ; les bénéficiaires des soins de santé devraient avoir leur mot à dire dans la conception et la mise en œuvre des politiques de santé qui les concernent.
• responsabilité. les prestataires et les États devraient être tenus responsables du respect des obligations en matière de droits de l’homme concernant la santé publique. Les personnes devraient pouvoir avoir accès à des recours utiles en cas de violations telles que le refus de fournir des services de santé.
Quand les bénéficiaires , comme ici, prennent la parole et exposent leur opposition à la politique de santé publique, l’état ne leur répond que par l’envoi de la force publique , est-ce normal ?
Nous n’avons pas affaire à une minorité comme le serine les autorités, seulement 1/3 de la population totale guadeloupéenne est vaccinée complètement . (source https://www.cascoronavirus.fr/vaccins/france/departement/guadeloupe)
Ce qui veut dire que 2/3 de la population ne veut pas de ce vaccin ou hésite.
Et parmi les vaccinés qui ont librement choisi de l’être, dont je suis, nous sommes nombreux à penser que l’obligation vaccinale est une atteinte à la vie privée et à la liberté de consentement, que c’est un choix personnel et que chacun doit calculer son bénéfice risque.
La participation des bénéficiaires n’a pas été respectée ni l’acceptabilité.
De même que la disponibilité ,l’accessibilité et la qualité. En effet, au plus fort de la pandémie les hôpitaux guadeloupéens manquaient de tests, de masques, de respirateurs et il n’y avait que 2 infirmiers pour 100 malades.
2/La liberté de ne pas se faire vacciner fait partie du droit à la santé.
Comme il a été précisé plus haut un des éléments essentiels du droit à la santé est la participation des bénéficiaires des soins à la conception et à la mise en œuvre des politiques de santé les concernant. Or soignants comme patients ont été écartés de toute consultation démocratique depuis le début de cette pandémie . Notre président s’est entouré d’un très petit nombre de médecins très, trop, spécialisés qu’il a nommé conseil scientifique, écartant toute consultation plus large et plus démocratique. Se privant des compétences de commissions médicales indépendantes très larges déjà existantes comme la Haute Autorité de Santé ou les comités d’éthique médicale . Les associations de patients n’ont guère été consultées. Quand à nos parlementaires, l’état d’urgence leur a ôté toutes prérogatives.
Où sont les processus démocratiques qui fondent notre république ?
Le droit à la santé suppose également des libertés et des droits.
Libertés : les personnes ont le droit de refuser un traitement médical en l’absence de consentement mutuel, notamment en matière d’expériences médicales ou de stérilisation forcée, et de ne pas être soumises à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Droits : les personnes ont notamment droit à la possibilité de bénéficier du meilleur état de santé possible, droit à la prévention et au traitement ainsi qu’à la lutte contre les maladies, droit à l’accès aux médicaments essentiels, et droit à la santé maternelle, infantile et procréative. 
Les individus ont le droit de prendre part aux décisions qui affectent leur vie. Il est indispensable de faire preuve d’ouverture et de transparence, et d’impliquer les personnes affectées dans le processus décisionnel pour faire en sorte que les individus participent aux mesures visant à protéger leur propre santé et celle de l’ensemble de la population, et que ces mesures reflètent aussi leurs situations et leurs besoins spécifiques. https://www.ohchr.org/fr/NewsEvents/Pages/COVID19Guidance.aspx
Rien de tout cela n’a été respecté par l’état français quand il a rendu la vaccination obligatoire pour les soignants et les pompiers et qu’il a institué le pass sanitaire. Il devait laisser libre chacune et chacun d’entre nous de prendre sa décision. Notre corps nous appartient, vieux slogan féministe , que nous pouvons réutiliser aujourd’hui, car la décision de se faire vacciner ne met pas en cause la santé des autres dans la mesure où ce vaccin ne nous empêche ni d’avoir la maladie ni de la transmettre .
La liberté de refuser et le droit au consentement ont été bafoués .
Sachant que l’obligation vaccinale doit obligatoirement passer par une loi, sa suspension peut être plus facile et rapide car elle n’a besoin que d’un décret. Le plus difficile pour le gouvernement sera de reconnaître qu’il a fait une erreur... Et pourtant cela l’honorerait.
3/Respecter les choix des soignants qui sont en première ligne est un minimum que nous leur devons.
Les professionnels de la santé et les experts compétents doivent être en mesure de s’exprimer librement et d’échanger des informations entre eux et avec le public. Les journalistes et les médias doivent pouvoir communiquer des informations sur la pandémie, y compris des critiques sur les mesures prises par les gouvernements, sans crainte ni censure. Des efforts concertés doivent être menés aux niveaux international et national pour lutter contre les informations erronées ou trompeuses qui alimentent la peur et les préjugés. https://www.ohchr.org/fr/NewsEvents/Pages/COVID19Guidance.aspx
Tous ces soignants qui , au début de la pandémie, manquaient de masques, de gants, de blouses de protection, qui , malgré tout, ont continué d’exercer leur sacerdoce dans des conditions très aléatoires, travaillant jours et nuits à nous soigner et essayer de comprendre et d’enrayer cette maladie, faisant des heures supplémentaires sans se plaindre, seraient-ils subitement devenus de dangereux délinquants ?
Tous ceux et surtout toutes celles (car le personnel soignant est majoritairement féminin) que nous applaudissions tous les soirs, parce qu’ils refusent un vaccin encore en phase d’homologation, en tant que personnel soignant donc sachant , auraient subitement perdu tout bon sens et toute intelligence et seraient devenus indignes d’exercer leur métier ? Méritent-ils d’être interdits de travailler ? Méritent-ils de ne plus avoir de salaires ?
Où est le non sens ? Qui détient le bon sens ? Qu’est devenu notre gratitude envers eux ?
Combien d’entre eux ont été vaccinés sous la contrainte pour ne pas perdre leur travail ? Écoutez- les, ils sont nombreux à soutenir leurs collègues suspendus...
Dans les outre mer nous manquons globalement de soignants( voir atlas démographique médical), bien plus qu’en métropole et surtout de spécialistes, était-il judicieux de se séparer de plus de 1400 soignants, et ceci au nom de la santé publique et de l’ordre républicain ?
Ne serait-ce pas plutôt l’autorité et l’orgueil de nos dirigeants qui sont ici en jeu ?
4/Le vaccin ne protège que les hôpitaux qui ont peur d’être débordés.
Que savons-nous aujourd’hui de ces vaccins ?
Que leur phase d’homologation n’est pas terminée ;
Que ce sont des traitements thérapeutiques nouveaux en vue de modifier nos cellules en y introduisant un ARN messager qui stimule la production d’une protéine active immunogène. Principe très différent des autres vaccins en cours.
Que nous manquons de recul sur les effets secondaires et l’efficacité de ces vaccins.
Que leur efficacité est moindre que prévue car ils n’empêchent ni la contamination , ni la contagion. Ils auraient un effet à court terme, moins de six mois, sur la gravité de la maladie pour la personne vaccinée . C’est pour cela qu’une troisième dose sera bientôt nécessaire pour garder le pass sanitaire. Tout ceci prouve que vacciner massivement ne va pas arrêter la pandémie, car les vaccinés peuvent être porteurs de la maladie et la transmettre.
Les gestes barrières sont autrement plus efficaces
Les chiffres des hôpitaux publics français montrent que le vacciné malade est moins souvent en réanimation que le non vacciné atteint de Covid. En fait le vaccin aurait pour effet d’empêcher la saturation des services de réanimation des hôpitaux, les malades restant chez eux.
Et pourtant selon une étude de ces mêmes hôpitaux (rapport ATIH, nov 2021), seulement 2% des lits d’hôpitaux auraient été occupés par des patients Covid depuis 2 ans.
On peut se poser la question de la qualité de gestion des hôpitaux (fermeture de lits et de services), des choix de politique générale de santé publique comme le choix du vaccin au détriment du choix des soins . N’aurait-il pas mieux valu axer nos recherches vers des médicaments curatifs, que uniquement vers des vaccins préventifs ?
5/Se lever pour défendre ses droits est de salubrité publique.
L’état d’urgence sanitaire mis en place le 23 Mars 2020 et prolongé jusqu’au 31 Juillet 2022 ne répond que par la coercition au besoin de débat et de transparence et n’applique en rien le droit à la santé. La démocratie n’y a rien gagné, hélas et nos libertés et nos droits ont été drastiquement réduits. Le peuple guadeloupéen a osé se lever et crier son désaccord, il n’oublie pas la gratitude, la solidarité qu’il doit à tous ses soignants et se bat pour sa dignité et pour les fondements du droit à la santé. Je suis fière d’être leur compatriote. Il est salubre de se révolter face à l’injustice et l’oppression, mais n’oublions pas que rien ne justifie la violence ni les pillages .
Réveillez-vous, indignez-vous comme me le disait Stéphane Hessel . Pa moli. Sa ke maché

https://blogs.mediapart.fr/claudine-blasco/blog/301121/la-lutte-des-guadeloupeens-est-juste-et-defend-les-fondements-du-droit-la-sante

P.-S.

Claudine Blasco, a occupé au nom d’Organisation Non Gouvernementale de Solidarité Internationale, pendant 5 ans de 1995 à 2000, un poste consultatif au comité des droits économiques sociaux et culturels des Nations Unies, dépendant du Haut Conseil des Droits de l’Homme,

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