🟥 Nous publions cet appel collectif d’organisations, de personnalités et de militantes féministes suite aux annonces faites par le nouveau ministre.
👉 Didier Migaud, nouveau ministre de la Justice vient d’affirmer, suivant en cela la position du Président Macron exprimée en mai dernier, qu’il était favorable à l’idée de faire évoluer la définition du viol en droit français en y intégrant la notion de consentement.
En effet, depuis quelques années une petite musique se fait entendre qui tente d’expliquer le peu de condamnations pour viol en France et bien ailleurs dans le monde par le fait que la notion de consentement ne figure pas dans la définition du viol.
👉 Quand les féministes des années 1970 ont revendiqué haut et fort le changement de la loi sur le viol, elles l’ont fait pour que le viol soit dans les faits reconnu comme un crime. Crime, il l’était déjà dans le Code pénal mais dans la réalité la plupart du temps « déqualifié » en délit d’attentat à la pudeur.
Personne ne parlait à ce moment là de consentement car dans un viol, le sujet n’était pas là.
👉 Prétendre introduire la notion de consentement dans la définition du viol place d’emblée celui ci sur le terrain de la sexualité : on demande, de multiples façons, à sa ou son partenaire si elle ou il est d’accord, ou pas.
Or, la parole des victimes nous l’apprend, ce n’est pas cela qui se passe : le consentement de sa victime n’est pas le problème du violeur. Le viol n’est pas une relation sexuelle non consentie, c’est un acte de prédation, de prise de pouvoir. La jouissance du violeur provient du pouvoir qu’il exerce.
👉 Pour arriver à ses fins l’agresseur, à 96 % un homme, met un ensemble de mesures en place. C’est ce qu’on appelle la stratégie de l’agresseur. Il va choisir sa victime, il va faire en sorte qu’elle soit isolée, qu’il n’y ait aucun témoin. Il va lui faire peur, parfois lui faire craindre pour sa vie.
Il peut jouer sur la contrainte morale. Il profitera aussi de la vulnérabilité de la victime, de la confiance qu’elle a en lui parfois (un thérapeute par exemple). Il la rend sidérée et sans défense, il lui imposera ainsi le silence.
👉 Le terme consentement n’est donc pas dans la définition française du viol. Pour aller dans ce sens, la récente loi du 21 avril 2021 qui interdit toute pénétration sexuelle ou « tout acte bucco génital » entre un majeur et un mineur de quinze ans (si la différence d’âge est d’au moins cinq ans) sans qu’il soit nécessaire d’évoquer la violence, contrainte, menace ou surprise, ne fait pas référence au consentement.
👉 Et pourtant cette notion sous-jacente est constamment présente tout au long de la procédure pour attaquer la contrainte, violence, surprise ou menace qui définissent en France le viol et que le législateur devrait préciser.
Au lieu de se concentrer sur la stratégie de l’agresseur, la justice se focalise sur un éventuel consentement de la victime. Ce dernier obsède littéralement les services de police-gendarmerie, les Procureur.e.s, les Juges d’Instruction, les Tribunaux correctionnels, Cours d’assises ou autres Cours criminelles.
👉 La conséquence de cette dérive est bien connue : l’attitude de la victime est examinée dans les moindres détails. Les paroles qu’elle a prononcées, ou pas, la façon dont elle a agi, ou pas.
Et tout le monde s’efforcera de déduire de cette attitude la présence ou l’absence d’un consentement à l’acte sexuel. Et donc la réalité ou pas d’un fait de violence. Tout cela selon les propres idées des protagonistes basées, bien souvent sur des sentiments, préjugés, vérités, et projections personnels. Manque là une réelle connaissance adossée à une expérience tangible et scientifique.
👉 L’attitude de l’agresseur, sa stratégie ne seront jamais scrutées de la sorte. Et pourtant, le viol c’est ce qu’a décidé l’agresseur et non le comportement de la victime.
Le viol c’est ce qu’a fait le violeur et non l’attitude la victime.
Le violeur, lui, quand il ne peut nier la commission d’un « acte sexuel », joue sur cette obsession de la justice et dira toujours que la victime était consentante. Ou il prétendra ne pas avoir pu comprendre qu’elle n’était pas consentante, même dans les circonstances les mieux établies, comme en ce moment dans le procès dit de « Mazan »
👉 Notons que dans notre système judiciaire, le mis en cause est libre de déterminer la façon dont il va se défendre. Il peut mentir puisqu’il ne prête pas serment.
👉 Ainsi, ce n’est pas le Code pénal qui induit une présomption de consentement à l’acte sexuel. Ce sont l’ensemble des acteurs et actrices judiciaires (reflétant en cela l’état de notre société patriarcale) qui font planer une suspicion de sexualité sur des actes de violences.
👉 Les magistrats ont un pouvoir d’interprétation de la loi et ils doivent le mettre en pratique, comme la Cour de Cassation l’a fait dans un arrêt du 11 septembre dernier en décidant que « le consentement de la victime ne peut être déduit de la sidération causée par une atteinte sexuelle commise par violence, contrainte, menace ou surprise. »
👉 De ce fait, ce qui pose problème devant le peu de condamnations pour viol, ce n’est pas la définition du viol, qui est satisfaisante, mais les partis pris colportés par la justice qui entérinent et confortent les inégalités femmes hommes, les hiérarchies, les dévalorisations, bref le patriarcat : les femmes ne sont en fait que des objets sexuels au service des hommes et donc ces pseudo « rapports sexuels » sont dans l’ordre naturel des choses. Le viol est un outil de contrôle social, garant de l’ordre patriarcal.
👉 Les pays qui ont introduit le consentement dans leur définition du viol n’ont d’ailleurs, semble-t-il, pas plus de condamnations que ceux qui ne l’ont pas fait. L ‘augmentation des condamnations en Suède est due à à une évolution de la définition du viol, la définition antérieure se limitant au seul usage de la force.
👉 Pour conclure, la notion de consentement ne fait qu’appuyer la stratégie des agresseurs.
Elle ne coïncide pas avec les faits de la criminalité sexuelle, elle n’est pas utile à la répression des viols parce que la loi actuelle est suffisante. Elle se situe à contre courant d’un véritable progrès sur la répression des violences sexuelles.
Nous devons remettre le criminel au centre du crime. Dévoiler ses stratégies au grand jour.
Mettre de la clarté là où il n’entretient que de la confusion. Remettre le violeur au centre du viol.
Il est urgent de mettre enfin en œuvre une loi-cadre intégrale contre les violences faites aux femmes et aux filles.
Il est vital qu’enfin la justice dispose des moyens financiers nécessaires pour fonctionner.