UN LIVRE, UN CRI

En 2021, dans une petite ville de province, une lutte pour la régularisation d’un jeune migrant jeta sa famille d’accueil dans l’arène de l’administration. Les matadors institutionnels, en plus de porter l’estocade au jeune Mamadou, s’attaquèrent à ceux qui n’avaient fait qu’offrir un lieu de vie à de jeunes exilés. OQTF : les condamnés sous la plume rebelle de Michel Touchestone, raconte cette histoire.

Dans un monde imaginaire transformé par la victoire du Président Michon et de sa Première ministre Murène La Fen se met en place une politique migratoire dont l’objectif est d’expulser la totalité des migrants et migrantes. Les préfectures transformées en « intendances » devenant les portes de l’Enfer avec, comme dans celui de Dante, différents cercles expiatoires. Face à cela se construit un puissant mouvement de résistance et de solidarité avec les victimes.

À la fois oeuvre de fiction, récit romancé, témoignage et réflexion politico-historique, l’ouvrage ressemble à un Rubik’s Cube dont il faut réussir à agencer les petits cubes pour former d’abord une facette, puis deux... et donner à l’ensemble sa cohérence. L’auteur a souhaité reconstituer des parcours de vie qui ne peuvent se résumer à des démarches administratives. Aide sociale à l’enfance, préfectures, police, tribunaux, l’auteur démonte tout un mécanisme complexe de maltraitance institutionnelle. Derrière se cache l’hydre du racisme d’État imprégnant les pratiques guichetières de nombreux stéréotypes.

M. Touchestone a voulu dépasser cette réalité. Comprendre pour mieux lutter est peut-être l’expression-clé de ce roman, qui invite à se plonger dans l’histoire coloniale, celle des exilé-es et leur parcours mais aussi la forte résistance de leurs proches à l’injustice. Ce roman est aussi et surtout un récit de lutte : des mobilisations à une grève de la faim, sans oublier la répression avec les GAV et les tribunaux.
La forme romanesque entremêlée de témoignages permet d’utiliser une palette de sentiments. Des passages d’une grande tendresse pour les jeunes réfugiés, pour Eva, mère d’accueil combattive et détermninée. Mais aussi de l’humour, de l’ironie, du sarcasme sans rien cacher des fragilités des militantes et militants comme lorsque Némo voit disparaître Eva, sa compagne, dans les geôles de la police.

Un message de reconnaissance à tous les soutiens de cette lutte d’émancipation traverse cet ouvrage de 500 pages. Ce sont plusieurs livres en un qui invitent à se laisser porter par les flots d’une narration effrénée, dans les méandres d’un récit à l’écriture résolument plurielle.

Véronique et Eric

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Librairie Transit
En collaboration avec l’UCL Marseille