Une tribune pour les luttes

Synthèse du projet de réforme CESEDA

par la FASTI

Article mis en ligne le samedi 22 avril 2006

Uni(e)s contre une immigration jetable

Pétition en ligne


PROJET DE LOI SARKOZY SUR L’IMMIGRATION

SYNTHÈSE DES MODIFICATIONS PRÉVUES

Basé sur le projet de loi du 29 mars 2006

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(4 pages)

1/ Travail / sélection

Le gouvernement, avec ce projet, met en place une perspective utilitariste de la personne immigrée comme force de travail et non comme personne.
Le projet va favoriser l’apport de main d’œuvre de personnes extra-communautaires dont la précarité et l’assujettissement au patronat seront le lot quotidien. Ne sera acceptable que l’étranger perçu comme rentable pour l’économie française, l’étudiant qualifié qui aura été soigneusement sélectionné ou l’étranger jetable à la fin de son contrat. La France va donc puiser sans vergogne dans la manne de main d’œuvre que représentent les pays pauvres mais à ses propres conditions, instituant le phénomène d’immigration « Kleenex ».

TRAVAIL

Quatre titres de séjour pour l’exercice d’une activité professionnelle, valables entre 12 mois et 3 ans ont été concentrés dans un seul article : carte salarié, travailleur temporaire, travailleur saisonnier, profession non soumise à autorisation...(L 313-10 CESEDA) Ces cartes sont retirées lorsque le-la titulaire ne remplit plus les conditions de sa délivrance (L 311-8). Un visa long séjour est nécessaire (L311-7).

Pour les étudiant-e-s et scientifiques, les renouvellements de titre pourront aboutir à des cartes valables entre 1 et 4 ans (selon la durée des travaux de recherche et le niveau d’études -au moins pour obtention d’un master...) (L 313-4).

ÉTUDIANT-E-S ÉTRANGER-E-S

Les étudiant-e-s diplômé-e-s d’un Master ou équivalent pourront obtenir une APS (autorisation provisoire) de 6 mois pour rechercher du travail à l’issue de leurs études. Un seuil de rémunération minimale est imposé pour l’emploi trouvé. A l’issue de cette autorisation provisoire de séjour, la personne titulaire d’un contrat de travail peut alors rester travailler en France sans que la situation de l’emploi ne lui soit opposable.(L 313-7-1).

Une carte étudiant est délivrée de plein droit aux boursier-e-s de l’état français, aux étudiant-e-s recruté-e-s sur concours et aux personnes ayant obtenu un visa long séjour pour études... (L 313-7). Pour les étudiant-e-s au niveau Master, le titre peut être valable entre 1 et 4 ans (en fonction de la durée du diplôme).

Une carte de séjour « stagiaire » est créée pour les stagiaires étrangers non rémunérés. L’association intermédiaire doit être agréée.(L 313-7-2)

CARTE DE SÉJOUR « COMPÉTENCES ET TALENTS »

Elle est destinée à l’étranger-e « susceptible de participer, du fait de ses compétences et talents, de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, culturel et sportif de la France dans le monde ou au développement économique du pays dont il a la nationalité ».

Cette carte est valable 3 ans. Elle permet l’exercice de l’activité professionnelle de son choix ainsi que l’obtention de plein droit d’une CST pour les conjoint-e-s et enfants, renouvelable pendant la validité de la carte compétence et talents. (L 311-2 3° et L 315-1 à 315-6)

CONTRÔLE DU TRAVAIL ILLÉGAL

Un employeur doit vérifier la validité du titre autorisant l’étranger-e à travailler auprès de l’autorité compétente avant de l’embaucher.(art 341-6 Code Travail)

Les entreprises doivent vérifier à la signature d’un contrat avec d’autres entreprises (dans le cadre de sous-traitance notamment) que la règle ci-dessus a été respectée. Cela doit être re-vérifié tous les 6 mois. C’est aussi valable au delà de 30 000€ de contrat pour les particuliers.(art 341-6-4 C.T.)

2/ Recul du droit au séjour pour toutes les autres personnes notamment sans-papiers

Une des conséquences prévues de ce projet de loi est de supprimer à terme l’immigration d’installation : la plupart des personnes dont le titre n’est pas basé sur le travail risquent de ne pas pouvoir le renouveler, de le perdre ou d’être condamnées à rester dans l’illégalité. Une fois de plus, cette réforme va créer de nouveaux sans-papiers. Ainsi, on risque de voir apparaître de nouvelles catégories de « ni-ni » (ni expulsables ni régularisables), la régularisation pour 10 ans de présence est abrogée, des cartes de résident pourront être retirées, le passage de la carte de 1 an à la carte de 10 ans devient quasi impossible, certaines cartes de résident de plein droit sont abrogées, les conditions d’accès aux titres deviennent quasi impossibles à réunir et arbitraires.

Le fait que ces personnes vivent et construisent leur vie en France, le fait que ces personnes aient de réelles attaches en France, y aient des amis, de la famille, un emploi, le fait que ces personnes soient partie intégrante de la société française et contribuent à la cohésion sociale ne fait pas partie des critères retenus pour avoir « l’honneur » de disposer d’un titre de séjour. Le gouvernement bafoue ainsi au passage quelques droits fondamentaux de la personne humaine.

Ces mesures ne visent qu’à rendre instables et précaires les conditions de vie et de résidence des personnes immigrées en France, afin d’en faire une main d’œuvre taillable et corvéable à merci. Pour l’immigré venu en France avec sa famille, la peur de perdre son titre de séjour, et par là même sa possibilité de revenus, le poussera à accepter n’importe quelles conditions de travail. De même, la personne maintenue dans la clandestinité devra subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, en acceptant des conditions de travail inhumaines car dans un cadre dissimulé, créant ainsi un volant de main d’œuvre qui permet à des secteurs entiers de l’économie française de rester compétitifs.

Les cartes de séjour temporaire ainsi que les titres « compétences et talents » seront retirés si son titulaire cesse de remplir l’une des conditions exigées pour leur délivrance (L 311-8).

Le visa long séjour est une condition d’obtention des cartes de séjour temporaire, à quelques exceptions près : article L 313-11 2°, 6°, 7°, 8° 9°, 10° et 11° (L 311-7)

L’Autorisation Provisoire de Séjour offerte théoriquement aux personnes dénonçant des auteurs de traite des êtres humains devient une carte de séjour temporaire. (L 316-1)

CARTE VIE PRIVÉE ET FAMILIALE DE PLEIN DROIT (L 313-11)

L’ex 12 bis 3 (carte de plein droit après 10 ans de présence en France) est abrogé.

Les liens personnels et familiaux (L 313-11 7°) seront appréciés au regard de leur intensité, leur ancienneté et leur stabilité, compte tenu des moyens d’existence, des conditions d’hébergement et de l’insertion dans la société française de l’étranger-e, ainsi que de ses liens avec la famille dans le pays d’origine.

La régularisation pour les jeunes majeurs entrés en France avant leur 13 ans (L 313-11 2°) inclura les mineurs placés à l’ASE en formation professionnelle, compte tenu du sérieux de la formation suivie et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion dans la société française.

CARTE DE RÉSIDENT

La carte de plein droit pour les personnes en situation régulière depuis plus de 10 ans est abrogée. (L 314-11)
La carte pour conjoint de français n’est plus de plein droit.(L 314-11 et L 314-9)

La délivrance d’une carte de résident est conditionnée à l’intégration de l’étranger-e dans la société française, « au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la république Française, du respect effectif de ces principes... » (L314-2)

MARIAGE ET ENFANTS

- Au regard de l’accès à la nationalité

Une personne mariée avec une personne française peut acquérir la nationalité après 4 ans de mariage (au lieu de 2 actuellement) et 5 ans (au lieu de 3) si dans cette période la personne a résidé moins de 3 ans de manière ininterrompue et régulière en France. (art 21-2 Code Civil)

- Au regard de l’accès à la carte de résident

Les conjoint-e-s et enfants d’un-e titulaire de la carte de résident peuvent obtenir une carte après une résidence ininterrompue en France de 3 ans, au lieu de 2. (L 314-9) Les parents d’enfants français peuvent l’obtenir après 3 ans (et plus deux) de carte de séjour temporaire. (L 314-9) Une carte pourra être obtenue après trois ans de mariage (au lieu de 2) avec un-e Français-e (=plus de plein droit) (L 314-9). Il pourra y avoir retrait du titre en cas de rupture de la vie commune si la mariage a été célébré il y a moins de 4 ans (L 314-5-1)

- Au regard de l’accès à une carte de séjour temporaire

Son obtention pour mariage avec un-e français-e nécessite un visa long séjour (L 313-11 4°). En cas de rupture de la vie commune, le titre peut être retiré pendant 3 ans après l’entrée en France.

- Suspicion sur des reconnaissances frauduleuses d’enfant

Une procédure d’opposition à la reconnaissance d’un enfant est crée. L’officier d’état civil, lorsqu’il a un doute saisit le procureur de la république. Pendant l’enquête, la reconnaissance peut être retardée ( sursis allongé si l’enquête se fait à l’étranger). Des pénalités sont mise en place en cas de fausse paternité. Cette procédure est, dans un premier temps, limitée à Mayotte (2291 Code Civil).

REGROUPEMENT FAMILIAL

Le délai de séjour régulier nécessaire pour faire une demande de regroupement est allongé à 18 mois. (L 411-1)

Des modifications sur les ressources considérées durcissent fortement les conditions : non prise en compte de la plupart des allocations (L 411-5).

Le demandeur doit se conformer « aux principes qui régissent la République française ». Le retrait du titre est possible pour le-la rejoignant-e s’il y a rupture de la vie commune moins de trois ans après l’entrée en France. (L 431-2)

SÉJOUR DES RESSORTISSANTS D’AUTRES PAYS DE L’UE
RESSORTISSANTS COMMUNAUTAIRES

Les ressortissant-e-s UE doivent se faire enregistrer par déclaration en préfecture dans les 3 mois s’ils désirent établir leur résidence habituelle en France. Il leur est possible de demander un titre de séjour, mais ce n’est pas nécessaire (sauf pour les nouveaux états membres et s’ils-elles veulent exercer une activité économique). (L121-2) Les membres de famille de ces personnes peuvent séjourner en France plus de 3 mois ; ils obtiennent une carte valable maximum 5 ans qui donne droit au travail (L121-3). Ces personnes peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire (L 511-1 et 121-4)
Un droit au séjour permanent s’applique pour ces mêmes catégories après 5 ans de résidence légale et ininterrompue, ainsi que pour les membres de leur famille, qui obtiennent une carte de résident de plein droit (L 122-1)

STATUT DES RÉSIDENTS « LONGUE DURÉE » DANS L’UE
RESSORTISSANTS DES PAYS TIERS

Le-la « résident-e longue durée » d’un autre état membre peut obtenir de plein droit, sous réserve de ressources stables et suffisantes et d’une assurance maladie, et s’il-elle remplit les conditions, une carte de visiteur, étudiant, scientifique, professions artistiques et culturelles, ou salarié. Le visa long séjour n’est pas nécessaire. (L 313-4-1) Les conjoint-e et enfants d’un-e résident-e longue durée peuvent obtenir la carte liens personnels et familiaux s’ils remplissent des conditions de ressources, de logement et disposent d’une assurance maladie... Dans ce cas, la carte ne donne pas droit au travail la première année. (L 313-12)

La carte de résident longue durée-CE peut être obtenue après 5 années de résidence régulière et ininterrompue en France, si la personne justifie de ressources stables et suffisantes (SMIC), en fonction de son éventuelle activité professionnelle et de son intention de s’établir durablement en France. Cette carte n’est pas accessible aux personnes ayant résidé en tant que réfugiés, étudiants, saisonniers...(L 314-8) La carte est périmée après 3 ans consécutifs d’absence de l’UE ou 6 ans d’absence de France lorsqu’elle y a été délivrée.(L 314-7)

Les titulaire de titre de séjour scientifique dans d’autres pays de l’UE sont autorisés à venir faire des recherches en France pour une durée inférieure à 3 mois (L 313-8)

INTÉGRATION RÉPUBLICAINE

L’étranger admis pour la première fois au séjour doit conclure avec l’État un contrat d’accueil et d’intégration.
Celui-ci comprend notamment des actions de formation et un bilan de compétence professionnelle. (art 117-1 Code de l’action sociale et des familles et 311-9 CESEDA)

ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ

La possibilité de naturalisation sans condition de stage pour l’enfant mineur, pour le conjoint/enfant majeur d’une personne ayant acquis la nationalité française et le ressortissant d’anciens territoires sous souveraineté française est abrogée. (art 21-19 Code Civil) La naturalisation n’est plus possible pour les mineur-e-s. (21-22 CC)

3/ Éloignement / Enfermement

La création de l’obligation de quitter le territoire, combinaison entre l’actuelle invitation à quitter le territoire et l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontières va permettre d’automatiser et d’augmenter les éloignements, et ainsi de renforcer la peur des personnes sans-papiers, dont les recours sont rendus encore plus complexes.

Quand on y ajoute la criminalisation croissante du séjour irrégulier et les directives récentes concernant les interpellations de sans-papiers dans les préfectures, cela signifie que le droit de demander un titre de séjour pour un-e sans-papier n’existe plus.

ELOIGNEMENT

Les personnes ayant eu une OQTF (obligation de quitter le territoire français) à la suite d’un retrait de carte pour non respect de la législation du travail n’auront plus le droit d’exercer d’activité professionnelle en France pendant 3 ans. (L 313-5)

Une entrée en France avec un APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière) de moins d’un an peut entraîner une peine de 3 ans de prison. (L 624-1)

Un juge unique statuera seul sur tous les litiges concernant le statut des étrangers (L 512-2)

CRÉATION DE L’OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE

Après le rejet d’une demande de titre, le préfet peut délivrer une obligation de quitter le territoire qui inclut un pays de renvoi et permet l’exécution d’office d’une mesure d’éloignement au bout d’un mois (L 511-1). Le recours contre cette décision doit être fait au TA (tribunal administratif) dans les 15 jours suivant la notification, et doit aussi attaquer le pays de renvoi ( L 513-3). Le TA doit statuer dans les 3 mois (72 h si rétention). (L 512-1) Ce recours suspend l’éloignement mais n’empêche pas la mise en rétention (L 512-1)

PLACEMENT EN RÉTENTION

Les personnes sous le coup d’une ITF ou d’une obligation de quitter le territoire peuvent être placées en rétention en vue de leur éloignement.(L 555-1) En cas d’appel par le parquet contre l’ordonnance de remise en liberté de l’étranger maintenu, le caractère suspensif est automatique : l’étranger reste en rétention, malgré la décision positive.

PROTECTION CONTRE LES EXPULSIONS

- Reconduites et Obligations de quitter le territoire

La protection des personnes ayant 15 ans de résidence habituelle en France est abrogée. L’étranger-e marié-e avec un-e français-e depuis au moins 3 ans (au lieu de 2) est protégé-e, sauf rupture de la communauté de vie. Les membres de familles d’un-e ressortissant-e UE et le/la ressortissant-e UE avec droit au séjour permanent sont protégés. (L 511-4)

- Expulsions

La protection pour 15 ans de résidence habituelle est également abrogée. Est protégé-e le/la ressortissant-e d’un état membre de l’UE résident en France depuis 10 ans et l’étranger-e marié-e depuis 3 ans (au lieu de 2) avec un-e français-e. (L 521-2) Est protégé-e (sauf nécessité impérieuse pour la sûreté de l’État...) l’étranger-e, résidant en France depuis 10 ans et marié depuis au moins 4 ans (au lieu de 3) avec un-e français-e. (L521-3)

- ITF (interdiction du territoire français)

La protection relative pour 2 ans de mariage avec un-e français-e passe à 3 ans (131-30-1 Code Pénal). La protection absolue pour 10 ans de présence et 3 ans de mariage avec un-e français-e passe à 4 ans. (131-30-2 CP)

4/Asile / CADA

Avec la nouvelle organisation des CADA (centres d’accueil pour les demandeurs d’asile) et le contrôle exercé sur leur mission et leurs résident-e-s, les débouté-e-s du droit d’asile vont être automatiquement repéré-e-s et intégré-e-s à ce système d’expulsion automatique.

La liste nationale de pays sûrs se cumule avec la liste communautaire (L 722-1)

ALLOCATION TEMPORAIRE D’ATTENTE

Elle n’est pas versée aux ressortissants des pays sûrs. Le directeur de l’OFPRA peut toutefois signaler certains cas « humanitaires » pour que certaines personnes puissent en bénéficier. (art 351-9 Code du Travail)

GESTION DES CADA

Les CADA vont devoir obtenir des habilitations pour accueillir des bénéficiaires de l’aide sociale. (art 313-8-1 code de l’action sociale et des familles) Cette habilitation pourra être retirée s’ils ne respectent pas les catégories de personnes correspondant à leur mission (313-9 CASF).

Les demandeurs-euses d’asile sans documents de séjour et les personnes déboutées par la commission des recours ne doivent pas être admises ou gardées dans les CADA. (348-1 et 348-2 CASF) Les admissions en CADA seront gérées par le gestionnaire (qui pourra être une entreprise privée), après accord de l’autorité administrative compétente (le préfet ?). (348-3 CASF)

L’ANAEM (agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations) coordonnera la gestion des hébergements, notamment par un traitement automatisé des données.(348-3 CASF)

source http://www.fasti.org

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