Une tribune pour les luttes

"Traité d’athéologie. Physique de la métaphysique" de Michel Onfray (Éd. Grasset, 2005)

par Jean-Paul

Article mis en ligne le mercredi 5 juillet 2006

Le traité d’athéologie de Michel Onfray paru début 2005 propose trois tâches au lecteur : déconstruire les trois monothéismes dans ce qu’ils ont de commun, déconstruire plus particulièrement le christianisme, puis enfin déconstruire la théocratie qui en est issue. Les autres religions (et plus particulièrement les religions orientales) ont volontairement été laissées de côté afin de limiter l’ampleur du travail. Le mot ’déconstruction’ renvoie à l’origine même de ces religions : loin d’être les reflets fidèles des lectures de propos immatériels qu’une divinité improbable aurait susurrés aux oreilles de ses prophètes, elles se sont construites de strates successives d’écrits sculptés, greffés, sarclés, marcottés par les clercs tout au long des siècles à partir d’éléments culturels et mythiques afin de servir au mieux les pouvoirs temporels en place des sociétés patriarcales archaïques du bassin méditerranéen. Le noyau commun de ces systèmes religieux est affecté de tares irrémédiables : la haine de l’intelligence et de l’esprit critique au profit de la soumission inconditionnelle en des croyances absurdes, la haine de la femme et la justification de sa soumission violente au mâle dominant, la haine d’une sexualité hédoniste au profit d’une pureté névrotique elle-même mise au service de la procréation de la race, enfin la haine de la vie réelle au profit de la mort et de la vie imaginaire après la mort.
Concernant plus particulièrement le christianisme, Onfray revient sur la fable de Jésus, personnage qu’aucune preuve historique digne de cette science n’a jamais validé, sur Paul de Tarse (Saint Paul pour les chrétiens) avorton névrosé qui a durablement ancré cette religion au service de tous les esclavagismes et fascismes occidentaux ultérieurs, enfin sur la politique des empereurs romains tardifs (Constantin, Théodose, etc.) qui ont définitivement fait basculer le christianisme du camp des opprimés dans celui des oppresseurs.

La dernière partie de l’ouvrage détaille les compromissions multiples - le mot est faible - de l’Église avec les états barbares, le cas le plus symptomatique étant celui de l’Allemagne nazie, le plus récent celui du Rwanda. Notant la censure qui frappe l’athéisme depuis Epicure, Onfray prône la mise en place d’une éthique post-chrétienne laïque dont la nécessité idéologique ne fait aucun doute actuellement.

La prose est riche, agréable à lire, souvent polémique, la partie bibliographique bien fournie : le lecteur convaincu par avance que les religions sont des systèmes foncièrement immoraux ne méritant pas le moindre respect ne bouderont pas leur plaisir. Pour autant ce travail n’apporte pas d’élément décisif par rapport à la masse d’écrits athées et anti-religieux existants (Internet fournit maintenant une épaisse information sur le sujet). Si les références multiples aux textes religieux (Torah, Evangiles et Actes des apôtres, Talmud, Coran, Hadiths) apportent des éléments de preuves à charges incontestables - mais ils sont connus depuis Voltaire - ; la critique va s’acharner sur la partie historique : Onfray n’est pas historien.

L’affaire va donc contribuer au foisonnement bibliographique médiatique actuel. Et, de fait, la critique a commencé le travail de déconstruction du traité : ainsi, Jean Birnbaum du Monde traite Onfray de "gourou", "d’anachorète hyper-médiatisé". Pour l’historien chrétien René Raymond : le traité est aux antipodes de la laïcité. Pour Christian Eyschen, secrétaire général de la Libre pensée, Onfray est instrumentalisé par les media comme un imam de la laïcité. Pour Djédane Kareh Tager, "spécialiste des religions" du journal Actualité des religions, l’attaque de Onfray contre les religions est politiquement incorrecte, moralement impertinente, violente, radicale et unilatérale. Patrick Kéchichian, journaliste du Monde juge le livre caricatural et immodeste. Pour le Canard Enchaîné du 2 mars 2005, "on a connu Onfray mieux inspiré et plus philosophe". Christian Makarian, directeur adjoint de l’Express, parle d’un pamphlet surprenant pour ne pas dire ahurissant, gonflé par l’air du temps, brillant par son absence de rigueur ; en bref, Onfray déshonore l’anticléricalisme. Heureusement, il y a quelques critiques positives comme celle de Marc Riglet (Lire, février 2005), ou celle de Jean-Paul Baquiast (Automate intelligent, février 2005) qui regrette cependant que le matérialisme historique soit absent de l’ouvrage. Notons enfin deux livres ’contre’ Onfray : L’anti traité d’athéologie de Mathieu Baumier et Dieux avec Esprit d’Irène Fernandez, auteurs inconnus engouffrés dans le sillage médiatique de l’auteur premier et ajoutant papier sur papier et bruit sur bruit. Si la lutte anti-religieuse est un combat nécessaire, la méthode utilisée n’est sans doute pas la bonne.

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