Une tribune pour les luttes

L’enfant au coeur de la tourmente de l’expulsion de Cachan

L’enfant un jour deviendra grand

par Mbegane NDOUR

Article mis en ligne le dimanche 3 septembre 2006

Je viens aujourd’hui vous conter l’histoire d’un enfant qui a passé plus de trois ans dans une chambre de 9m2 avec ses deux parents, ses frères et soeurs. Qui a vécu durant ses trois années dans des conditions d’insalubrité inhumaine.

Durant la première année il a vécu sans électricité et sans eau chaude dans la rigueur de l’hiver et sans eau courante Pouvez- vous imaginer la vision et l’horizon d’un tel enfant, ses perspectives et ses rêves ?

Cet enfant s’est réveillé un beau matin encerclé par des CRS pour une expulsion brutale et traumatisante. J’imagine le regard apeuré de cet enfant face à la brutalité et à la violence des forces qui ont procédé à l’évacuation. Après avoir dormi dans des tentes de fortune sous la pluie pendant deux jours, il regarde le balai des grands au milieu des uniformes qui symboliseront dans son inconscient, à tout jamais, la férocité et la barbarie, en attendant que ces mêmes hommes en uniformes décident à nouveau de charger les siens avec une violence inouïe blessant au passage sa mère pour les déloger de leur sit-in improvisé devant l’immeuble.

L’enfant traumatisé se retrouve après avoir traversé toutes ces horreurs dans un petit gymnase avec une centaine d’autre petits enfants parqués et entassé comme du bétail. Rien n’y fera, ni les tonnes de sucrerie déversées sur ces enfants par des associations aux buts très douteuses sur fond de règlements de compte politiques, ni les caresses et les signes timides d’affection des hommes et femmes venus soulager leur conscience car conscients que l’on affame certains pour nourrir d’autres, le traumatisme est déjà ancré.

Avec l’encadrement des associations voilà que certaines personnes acceptent des hébergements provisoires dans des hôtels et voilà que l’enfant se retrouve à nouveau dans les 9m2 d’une chambre d’hôtel avec ses parents, ses frères et soeurs. Je ne peux imaginer la destruction du tissu psychologique et psychique de cette enfant à ce moment.

Après quelques jours dans cet hôtel il est ballotté dans un hôtel de moindre standing et un matin il assiste à l’arrestation, encore une fois, brutale de ses parents par les mêmes hommes en uniforme. C’est avec les larmes, des cris et un traumatisme profond et irréversible qu’il est encadré par des agents de l’état pour être placé à la DASS lui, ses frères et soeurs en attendant la clarification de la situation de ses parents détenus au centre de rétention de Roissy. Les parents apprendront plus tard que des policiers et des agents de sécurité engagés pour sécuriser le site évacué se sont introduits dans leur chambre à Cachan pour commettre vols et dégradations sur les bagages qu’ils avaient laissé dans la chambre.

Cet enfant n’a jamais demandé à venir au "pays des droits de l’homme" car la terre de ses ancêtres était un paradis mais aujourd’hui les occidentaux, après avoir pillés la terre de ses ancêtres et détruits le patrimoine et les valeurs culturelles se sont créés des micro paradis pour venir passer leurs vacances pendant que leurs gouvernements et leurs multinationales perpétuent le pillage de l’héritage qui devait être légué à cet enfant.

Mais je vous dis que malgré tout, l’enfant un jour deviendra grand et le parcours de cet enfant croisera le parcours de millions d’autres enfants qui tout au long de leur vie n’ont subi que traumatismes et chocs psychologiques. Et là vous verrez que même l’acier le plus mou dure a son point de rupture. Alors même le peuple le plus docile et le plus docilisé aura son point de rupture et je vous le dis encore une fois : Tous ces enfants un jour deviendront grands.

Je demanderais à tout un chacun de projeter un simple instant ses propres enfants dans une des étapes ou l’une des situations décrites et vous pourrez peut être approcher un peu l’étendue de l’horreur et le niveau de déshumanisation des populations noires en France, déshumanisation créée et institutionnalisée par l’héritage colonial de ce pays et les réflexes paternalistes acquis pendant cette époque coloniale. Mais aujourd’hui ce qui me choque le plus c’est la complicité des médias que j’assimile simplement à des appareils de propagande au service d’une idéologie colonialiste et de domination d’un peuple sur un autre...

Mais encore une fois rien ne pourra changer cette état de fait : Cet Enfant un jour deviendra grand.

Mbegane NDOUR

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