Une tribune pour les luttes

En appel le 18 septembre à 14 h à Aix
RDV à 13h30 devant le Palais de justice

Colette et Louis Bonassi,
des citoyens ordinaires

par Evelyne Sire-Marin, membre du comité central de la LDH

Article mis en ligne le vendredi 15 septembre 2006

L’article 12 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 précise : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : Cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. »

Ainsi, la police exerce, en application de la constitution du 4 octobre 1958 (qui intègre la déclaration des droits de l’homme), une violence d’état légitime, qui a remplacé la vengeance privée. Il n’est donc pas question ici de contester la nécessité d’une police démocratique au service des citoyens. En revanche, si la police doit utiliser la force légitime pour maintenir l’ordre public (police administrative) et arrêter les délinquants (police judiciaire), elle doit accomplir cette mission de service public de manière proportionnée et adaptée.

Constatant, comme la CNDS [1], que notre système policier et judiciaire ne garantit pas toujours des recours efficaces aux citoyens victimes de violences policières, la Ligue des Droits de l’Homme vient d’ailleurs de publier sur son site un guide à l’usage de ses militants [2], afin d’utiliser les armes du droit pour défendre ceux qui s’estiment victimes d’abus ou de violences policières.

Faut il rappeler que le Comité Européen de prévention contre la torture, dépendant de l’ONU fustige annuellement la France pour le comportement de sa police et pour l’absence de contrôle réel des magistrats sur l’activité policière ?

Cette organisation officielle qui est chargée de vérifier l’application de la convention de New York contre la torture du 10 décembre 1984 et de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme (nul ne peut être soumis à un traitement inhumain ou dégradant) a qualifié"d’inacceptables"les conditions de détention des personnes dans les locaux de rétention de police, de gendarmerie, ou pénitentiaires (rapports 2001 à 2005 du CEPT).

Constatant en 2005 que les problèmes qu’il dénonce depuis 5 ans ne font qu’empirer, le commissaire européen du CEPT, Gil Robles, s’est écrié, en parlant des locaux de garde à vue dans les commissariats parisiens : "sauf en Moldavie, je n’avais jamais vu ça !"

L’affaire « Bonassi », qui va être examinée le 18 septembre 2006 par la Cour d’Appel d’Aix en Provence est emblématique des problèmes décrits entre les citoyens ordinaires et la police dans les différents rapports de la Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité et du Comité Européen de prévention contre la torture, comme l’attestent le récit des « prévenus »et la lecture du jugement du tribunal correctionnel d’Aix en Provence du 21 juin 2005 :
Dans la soirée du 19 janvier 2005, Colette et Louis Bonassi étaient chez eux à Istres, quand ils entendirent quelqu’un crier au secours dans le hall de leur immeuble.
Ils ouvrent et voient un jeune homme étranger (il est péruvien) violemment pris à parti par un homme de forte corpulence.

Croyant à une rixe, Louis Bonassi s’interpose. Finalement celui qui paraît être l’agresseur dit qu’il est policier et Louis Bonassi demande à voir sa carte professionnelle, car il est en civil et sans aucun signe distinctif de sa qualité de policier. En même temps Louis Bonassi invite le jeune homme poursuivi à se calmer.

Il s’ensuit une vive altercation au cours de laquelle il s’avère qu’il s’agit d’un "contrôle d’identité" effectué par un policier de la BAC, rejoint par 2 autres fonctionnaires de police.

Louis Bonassi et le jeune péruvien sont interpellés et placés en garde à vue pour 24h.

Les policiers portent plainte pour violences volontaires et rébellion contre M et Mme Bonassi et le jeune péruvien. M et Mme Bonassi portent également plainte pour violences volontaires contre les policiers et atteinte arbitraire à la liberté individuelle.

Est-il besoin de dire ce que le tribunal de grande instance d’Aix en Provence décida lors du procès du 21 juin 2005 ?

Louis Bonassi fut condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis pour violences volontaires contre des agents dépositaires de l’autorité publique, Colette Bonassi à 3 mois avec sursis, et le jeune péruvien à 8 mois d’emprisonnement avec sursis et dont un mois ferme !. Les policiers furent relaxés et 4000euros leur furent accordés à titre de dommages et intérêts.

La procédure démontra que le jeune péruvien n’était aucunement en infraction aux règles sur le séjour des étrangers, et n’avait commis aucun délit avant son interpellation, mais il est vrai qu’il était péruvien....
Louis Bonassi est un paisible technicien industriel, grand père de plusieurs petits enfants et sans casier judiciaire.
Colette Bonassi, l’épouse de Louis, est conseillère municipale à Istres et adjointe au maire chargée de la Petite Enfance. Au lieu de plaider en sa faveur, ces qualités sont quasiment des circonstances aggravantes dans le jugement car elle a assisté à toute la scène.. Il lui est reproché d’avoir même porté deux coups de poing au visage d’un policier ! Le plus baroque de cette histoire est que Colette Bonassi, quand elle a vu le pugilat qui se déroulait devant sa porte dans le hall d’entrée de son immeuble, a appelé...la police, tant elle était manifestement persuadée qu’il s’agissait d’une agression et non pas d’un « contrôle d’identité »de la police !
En outre, elle eut la très mauvaise idée de rapporter au commissariat le poste de radio que les policiers avaient oublié sur place après leur « contrôle d’identité »musclé. Cela lui valu 24 heures de garde à vue.

Cette affaire pose non seulement le problème de l’attitude de la police (et notamment de la BAC) lors de certains contrôles d’identité et interpellations, mais aussi celui de l’opportunité de certaines gardes à vue.

Bien sûr, l’immense majorité des 400 000 gardes à vue annuelles se déroulent dans le respect des règles légales, c’est dire qu’il faut des raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a commis une infraction pour la placer en garde à vue (article 63 du code de procédure pénale).
Mais dans l’affaire Bonassi, quel était l’intérêt de placer Colette en garde à vue, alors qu’elle venait rapporter aux policiers le poste de radio qu’ils avaient oublié dans son hall d’immeuble ? Ne pouvait-on pas la convoquer le lendemain au commissariat ?

Etait-il vraiment nécessaire qu’elle soit placée toute la nuit dans l’une de ces cellules de garde à vue, sale et nauséabonde ? Etait-il vraiment nécessaire qu’une policière la fasse déshabiller pour une fouille à corps et la menace de couper son alliance qu’elle ne parvenait pas à enlever rapidement ? [3]

Finalement, cette histoire ne peut qu’inquiéter les citoyens ordinaires et parfaitement honnête, comme Colette et Louis Bonassi, qui se surprennent désormais à avoir peur de la police, en temps ordinaire.

Espérons que la Cour d’appel d’Aix en Provence dissipera cette peur et ce malaise que ressentent tous ceux qui, comme la Ligue des Droits de l’Homme et d’autres associations, soutiennent Colette et Louis Bonassi.

Evelyne Sire-Marin,

membre du comité central de la Ligue des Droits de l’Homme

Le 12 09 06


Réuni le mercredi 06 09 06 le comité de vigilance contre les violences policières d’Istres a décidé de participer par la présence de délégations les plus importantes possible lors de l’appel de Colette et Louis Bonassi

le 18 septembre à 14h

devant la 13ème chambre correctionnelle

à Aix en Provence.

Palais Monclar - Rue Peyresc- 13616.

RDV à 13h30 devant le Palais de justice.

Pour ceux qui qui participeront pouvez vous donnez l’information au 06 30 81 35 55.

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Notes

[1Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité , qui, dans un rapport annuel consultable sur www.cnds.fr rend publiques ses observations sur les cas d’abus de pouvoirs ou de voies de fait d’agents des forces de l’ordre

[3La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité, qui a été saisie dans cette affaire, a critiqué cette attitude policière, comme ne respectant pas la dignité des personnes, dans son rapport 2006.

[4Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité , qui, dans un rapport annuel consultable sur www.cnds.fr rend publiques ses observations sur les cas d’abus de pouvoirs ou de voies de fait d’agents des forces de l’ordre

[6La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité, qui a été saisie dans cette affaire, a critiqué cette attitude policière, comme ne respectant pas la dignité des personnes, dans son rapport 2006.

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