Une tribune pour les luttes

Week-end ordinaire de chasse aux sans-papiers : un mort, une blessée, trois jeunes enfants qui n’oublieront jamais

Article mis en ligne le lundi 4 décembre 2006

Vendredi 1er décembre, à 4h15 du matin, une famille de réfugiés
politiques kosovars est réveillée dans un centre de rétention et
embarquée par la police à destination de l’aéroport de Lyon. Il y a là
les parents et aussi Qerim, 7 ans, Dashnor, 4 ans et Dashuriye, 3 ans,
tous trois scolarisés. Monsieur Raba avait refusé, au Kosovo, de
participer à des expéditions de l’UCK visant à brûler des villages
serbes ; toute la famille est en exil, trois autres de ses membres sont
réfugiés politiques en Suisse, en Autriche et en Suède. Là, dans la
France de 2006, tous sont embarqués, roulés dans des couvertures en
pleine nuit, paquets ordinaires de la chasse aux sans-papiers.

Des militants du RESF tentent de s’opposer pacifiquement à cet
embarquement nocturne. Un policier dit à l’un d’eux, dont la couleur de
peau était trop basanée à son goût : « toi tu devrais être content
d’être en France », et il ajoute à la cantonade : « il est Français, ce
copain ? » Scène ordinaire de la vie des « minorités visibles » dans
notre pays.

A 7h15, on embarque la famille dans un avion pour Paris-Roissy. Elle ne
proteste guère car la police lui a fait croire qu’on l’emmenait devant
un juge des libertés à Paris. Mais à Roissy, on les traîne de force
dans un avion kosovar. Madame Raba, qui sait qu’elle risque sa vie si
elle rentre au Kosovo, s’accroche à la passerelle. On l’en arrache,
elle est blessée au pied et abondamment contusionnée. Les enfants
hurlent, l’aîné (7 ans) a été lui aussi bousculé par les policiers.
Scènes ordinaires d’un Etat qui se veut un Etat de droit... et une terre
d’asile.

Entre temps, deux passagers du vol Lyon-Paris qui avaient protesté ont
été débarqués sans ménagement et placés en garde à vue. L’un d’eux est
vice-président du conseil régional de Rhône-Alpes. Air France envisage
de porter plainte contre lui pour préjudice commercial lié au retard de
l’avion. Scènes ordinaires de la confrontation entre la liberté du
commerce, la solidarité citoyenne et le droit d’asile.

Finalement, la mobilisation citoyenne a pu empêcher provisoirement
l’expulsion de cette malheureuse famille, qui a été ramenée à Lyon.
Dimanche matin, leur rétention a été prolongée de cinq jours. L’appel
est jugé ce lundi. Tout reste encore possible, y compris le pire.

Le pire est arrivé, ce même vendredi 1er décembre, dans le centre de
rétention du Canet, à Marseille. Kazim Kustule, jeune sans papiers
kurde de 22 ans s’est pendu dans sa chambre. Il avait un travail dans
le Vaucluse, on l’avait arrêté sur le chantier. Personne n’avait jamais
eu à se plaindre de lui. Il n’avait commis aucune autre infraction que
de vouloir vivre en France. Il en est mort. Il avait deux enfants.

Tout cela se fait au nom de la République française, en décembre 2006.
Jusqu’où entraînera-t-on notre pays sur ce chemin ? Jusqu’à quand
allons-nous laisser faire ?

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