Une tribune pour les luttes

Venezuela

¡ NO VOLVERÁN ! (ILS NE REVIENDRONT PAS ! )

par Dawn Gable (membre du Cercle bolivarien Cyber-Solidarity USA)

Article mis en ligne le lundi 5 janvier 2004

Une première partie liée à un rapide historique des dernières décennies du Vénézuela jusqu’à l’avènement de la Révolution Bolivarienne. Ensuite, l’article nous informe sur les aspects positifs apportés par le gouvernement progressiste de Chavez dans la société vénézuelienne. Chavez ou "El Negrito" comme le surnomme affectueusement les classes populaires des barrios, est un des fers de lance de résistance à l’impérialisme Us. Ce personnage haut en couleur insuffle un vent d’espoir qui dépasse les frontières de son pays. Son rire résonne bien au delà des hauteurs de l’Altiplano. "Allo Presidente" n’est pas prêt de s’arrêter.

par Dawn Gable (membre du Cercle bolivarien Cyber-Solidarity USA) http://risal.collectifs.net/article...

NO VOLVERÁN !Ce slogan est la réponse du Venezuela à
la pétition de référendum qui soumettrait le mandat
présidentiel de Hugo Chávez à un nouveau scrutin. Dans
tout le pays, on l’entend dans les rues et on le lit sur les
murs. La consigne renvoie à l’ancienne classe dirigeante
qui a gouverné le pays de 1958 à l’élection de Chávez. Pour
mieux cerner tout le sens de cette phrase, il est bon
d’examiner ce à quoi la majorité des Vénézuéliens refusent
de revenir.

Ces dernières décennies, lorsqu’on parlait du Venezuela
dans les cercles académiques et les milieux d’affaires
internationaux, il était courant d’évoquer la théorie de
l’exception vénézuélienne. Cette exception veut qu’en 1958,
le Venezuela s’est démarqué du chemin latino-américain
pour devenir une démocratie stable et une nation
ressemblant davantage à ses deux voisins
nord-américains qu’à tout autre pays au sud du Texas.

L’opposition actuelle reprend cette théorie à son compte,
la brandissant comme preuve de ce que le pays était
paisible et prospère jusqu’à l’arrivée de Chávez au pouvoir.
Quant aux chavistes, ils la mettent en avant comme
référence à ce que le pays aurait dû devenir mais,
disent-ils, n’est pas devenu. Qui a raison ? Revenons sur
certains jalons de l’histoire du Venezuela, notamment de la
période 1958-1998.

Il est vrai qu’en matière de stabilité politique, le Venezuela
a rompu avec son passé en 1958. Pendant les 150 années
antérieures, le pays a connu pas moins de 100
changements de gouvernement et 23 constitutions. Mais la
période 1958-1998 a-t-elle été paisible ? Pas vraiment.
Pendant le premier mandat électoral de Romulo Betancourt
(1959-1964), il y a eu six rébellions militaires, des attentats
terroristes constants, une intense activité de guérilla, une
tentative manquée de peu d’assassinat du président
(perpétrée par un gouvernement étranger) et 916
prisonniers politiques.

En 1967, neuf ans après l’arrivée au pouvoir de
Betancourt, Caracas était considérée la ville la plus chère
au monde. Les riches planquaient les fruits de leur pillage
sur des comptes à l’étranger, alors que les pauvres
souffraient. Le taux de mortalité infantile était de 56% et
l’espérance de vie de 65 ans. Alors que, pendant cette
période, Cuba et le Brésil avaient tous deux augmenté leurs
budgets de l’éducation de plus de 60%, le Venezuela
n’augmenta le sien que de 7,2%. Le Venezuela avait alors
le taux de croissance démographique le plus élevé de la
planète ; et pourtant, le taux d’augmentation du nombre
d’enfants à l’école primaire était dix fois plus élevé à Cuba
et au Brésil.

Un auteur de renom, grand admirateur de Betancourt, a
décrit la brèche économique de cette décennie en ces
termes : aussi grande qu’un bâillement de crocodile
 »(Gunther, 1967). À peine 1,7% de la population accaparait
74% des terres cultivables. Un quart de la population de
Caracas était suffisamment aisé pour s’offrir une voiture,
alors qu’un tiers de tous les habitants de la capitale vivait
dans des bidonvilles précaires appelés ’ranchos’. Pire
encore : 40% de ces ranchos n’avaient aucun accès direct à
l’eau, encore moins aux autres services sanitaires. Ce petit
aperçu illustre bien que la première décennie de
démocratie au Venezuela n’a rien eu d’exceptionnel en
comparaison avec le reste de l’Amérique latine.

Et puis vinrent les années de l’or noir. Pendant le boom
pétrolier de 1970 à 1978, la part des revenus pétroliers
versés au gouvernement passant à 70% et grâce à la
nationalisation d’autres ressources naturelles, le
gouvernement se retrouva avec une quantité sans
précédent de revenus. Les salaires augmentèrent, des
contrôles de prix furent instaurés, les importations furent
subventionnées et des titres de propriété de la terre furent
distribués (quoique de manière catastrophique). Et que
firent le gouvernement et la classe privilégiée avec cette
manne subite pour préparer l’avenir ? Rien du tout. Mais
dès le début des années 80, la corruption et la mauvaise
gestion avaient creusé un énorme déficit et le PIB du pays
s’effondra.

Le mécontentement des années 80 a débouché sur des
émeutes, une répression meurtrière et l’instabilité politique.
À l’instar de nombre de pays latino-américains, le
Venezuela a connu une grave crise économique pendant
cette décennie, et était alors aligné sur les désirs
néolibéraux de la Banque mondiale, dont des mesures
d’austérité. L’une d’entre elles provoqua l’explosion. Le
soulèvement populaire de 1989, appelé le ’Caracazo’, a
pourtant eu lieu dans tout le pays. Les pauvres inondèrent
les centres-villes, causant des émeutes et des pillages
pendant deux jours, avant de susciter une réponse officielle.
Cette réponse fut brutale. À Caracas, les militaires furent
envoyés dans les barrios et, en quelques jours, la
répression avait fait entre 372 et 2000 morts (les chiffres
varient selon que la source est officielle ou indépendante).
Cette répression provoqua un choc, la peur et la colère chez
les pauvres, mais aussi chez les militaires.

En 1992, Hugo Chávez dirige une tentative de putsch.
Lorsqu’il se rend, il fait une déclaration télévisée où il donne
aux gens leur slogan pour les six années ultérieures : Por
ahora’(Pour l’instant). Ces mots renfermaient alors la
volonté de la nation, tout comme ¡No volverán ! »aujourd’hui.
Lorsque cette volonté se fait réalité, Hugo Chávez entre au
palais présidentiel avec 56% des votes.

En 1998, le pays dans son ensemble n’avait pas encore
vraiment progressé depuis 1967, en termes de
développement social. En réalité, la situation était
comparable à celle de nombreux pays latino-américains
n’ayant pourtant pas joui d’autant de ressources pendant
ces décennies. Selon le Rapport du Programme des
Nations unies pour le développement (2000), Chávez hérita
d’un des principaux pays exportateurs de pétrole dont 18%
de la population vivait dans la pauvreté extrême (non
satisfaction des nécessités de base) et une autre frange de
26% vivait en pauvreté critique. Les deux tiers des enfants
de moins de cinq ans appartenaient à ces groupes
pauvres.

De plus, 45% des ménages n’avaient toujours pas
d’accès journalier à l’eau potable et 27% n’avaient pas
d’égout. Dans 44% de tous les ménages, il y avait au moins
un patient de maladie chronique. Et ce, avec un lit d’hôpital
pour 585 résidents (bien que ces lits étaient pour la plupart
accessibles aux riches uniquement). 13% des jeunes ne
fréquentaient pas l’école du tout, la majorité d’entre eux
provenant des secteurs pauvres. Et parmi ceux qui allaient
à l’école, le taux d’abandon scolaire était de 69%. Au total,
44% des enfants du pays étaient, en 1998, exclus du
système éducatif.

Pendant les années 90, l’Indice de développement
humain du Venezuela a perdu plus de 10%, tandis que les
salaires réels, pour tous les travailleurs, chutaient de 43%.
Le chômage urbain était 31% plus élevé que dans le reste
de l’Amérique latine (Ellner, 2002) et 70% de tous les
nouveaux emplois créés au cours cette décennie
concernaient le secteur informel.

C’est ainsi que ce pays pétrolier perdit 40 ans, pendant
lesquels la classe dirigeante a erré sans but, renvoyant le
pays à la case départ. Avec une grande différence, cette fois
 : Chávez et son équipe occupaient désormais le pouvoir.

Ces dernières années, depuis l’investiture de Chávez, le
pays a progressé, malgré le sabotage économique
paralysant de la part de la communauté patronale, un coup
d’État manqué qui a coûté cher, une offensive médiatique
constante et le harcèlement international, voire l’intervention
directe. Les premiers acquis de la Révolution bolivarienne
sont tout de même visibles dans tous les aspects de la vie.

20 000 nouvelles maisons ont été construites et 10 000
autres ont été refaites, à travers des programmes militaires
appelés Avispa et Reviba ; 3 millions de personnes ont
pour la première fois accès à l’eau potable, tandis qu’un
million d’autres bénéficient désormais de services d’égout ;
1,3 million d’hectares de terre productive ont été
distribuées, avec crédits, assistance technique et
équipements ; 30 000 titres de propriété ont été remis à des
squatters urbains (incluant dans tous les cas une clause
d’interdiction de revendre).

Le budget fédéral de l’éducation, à tous les niveaux, a plus
que doublé pendant les deux premières années de
gouvernement Chávez, et plus d’un million d’enfants ont été
réintégrés au système éducatif. Les inscriptions à l’école
maternelle ont triplé. Près de 700 nouvelles écoles ont été
construites, plus de 2 000 réparées et 36 000 nouveaux
enseignants ont été engagés. Le modèle d’école « 
bolivarienne » a été établi dans 3 000 établissements
scolaires, offrant aux enfants deux repas quotidiens et des
activités artistiques, sportives et récréatives.

Un million de personnes apprennent actuellement à lire et
à écrire dans le cadre de la Mission Robinson. La Mission
Ribas donne une seconde chance à ceux qui n’ont pas pu
terminer le secondaire. De plus, deux nouvelles universités
publiques bolivariennes seront ouvertes au printemps et
d’autres suivront, offrant des dizaines de milliers de
bourses aux plus démunis, par le biais de la Mission Sucre.

Des centaines de milliers de pauvres sont désormais
soignés par des médecins cubains volontaires, grâce au
programme Barrio Adentro (« Au cour des quartiers ») qui
prévoit un médecin pour 200 familles dans les bidonvilles
où aucune infrastructure médicale n’a jamais existé. Le
nombre de médecins dans tout le pays a augmenté de 48
pour mille habitants, et l’espérance de vie a été relevée de 9
mois. Le Projet Simoncito (« Petit Simon ») apporte de
l’aide aux femmes et aux enfants en bas âge, depuis la
grossesse jusqu’à l’école maternelle. Enfin, la mortalité et
la malnutrition des enfants ont considérablement diminué.

La Banque de la femme a accordé 42 000 crédits à de
petites entreprises tenues par des femmes. Quelque 30
000 autres crédits ont été fournis à des agriculteurs,
pêcheurs et coopératives de transport. 35 projets de
reboisement ont été mis en ouvre et les serres
communautaires ont produit 4,4 millions de plants. Les lois
concernant la pêche protègent les eaux côtières de la
pêche industrielle, au bénéfice de 200 000 communautés
de pêcheurs et de plusieurs espèces marines.

Trois nouvelles lignes de métro sont en construction, ainsi
que trois autoroutes, une ligne de chemin de fer, un second
pont sur l’Orénoque, un barrage à Caruachi, un aqueduc
géant et une deuxième raffinerie de pétrole lourd. Tout cela
a créé des dizaines de milliers d’emploi. 13 centres
culturels ont été construits dans tout le pays et le théâtre de
Caracas a rouvert ses portes. 243 ’Infocentres’ (salles
d’informatique avec connexion Internet à haut débit) ont été
ouverts dans les bibliothèques, les musées, les mairies et
les sièges d’ONG. [1]

Le mandat de Chávez a débuté sur une excellente base
économique, notamment grâce à la hausse du prix du
pétrole instiguée par l’OPEP et encouragée par Chávez. De
1999 à 2001, le produit intérieur brut par habitant a
augmenté de manière significative ; les prix sont restés
stables et la consommation par habitant s’est accrue
généreusement (CEPAL, 2000). Toutefois, dans les 18
derniers mois, la baisse des prix du pétrole, le sabotage
économique et les troubles civils constants menés par
l’opposition ont causé une sérieuse contraction de
l’économie.

Ces attaques sans merci de la part de l’opposition,
combinées aux énormes acquis du gouvernement et des
citoyens, malgré un environnement hostile, ont servi à
consolider le soutien à Chávez et à affermir la détermination
des masses, désormais sorties de l’ignorance, à continuer
de lutter pour que le Venezuela devienne réellement le pays
d’exception tel qu’il avait été décrit prématurément il y a
plusieurs décennies. De fait, de nombreux Vénézuéliens,
ainsi que certains analystes internationaux, considèrent
que le Venezuela va bien plus loin de l’exception
latino-américaine et peut s’ériger en modèle mondial pour
d’autres nations disposées à progresser. Il est trop tard
pour envisager un éventuel retour au passé au Venezuela.
L’échec de la collecte de signatures pour un référendum le
confirme. Chávez a une nouvelle fois été ’réélu’, la
Constitution ’réaffirmée’ et la Révolution ’re-déclarée’. Le
slogan est devenu réalité : « ¡No volverán ! »

P.-S.

Traduction de l’anglais : Gil B. Lahout, pour RISAL

http://risal.collectifs.net

Article original en anglais : "¡No Volverán ! They will not return !", Venezuelanalisis.com, 20-12-03.

Les références utilisées par l’auteur pour écrire cet article
peuvent être consultées sur le site de Venezuelanalisis.com.

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Notes

[1N’oublions pas que le Venezuela n’a que 24 millions d’habitants et a une superficie plus ou moins équivalente à 30 fois celle de la Belgique.

[2N’oublions pas que le Venezuela n’a que 24 millions d’habitants et a une superficie plus ou moins équivalente à 30 fois celle de la Belgique.

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