Une tribune pour les luttes

Communiquédu 15 juin 2007 du journal anti-carcéral l’Envolée .

Peut-on dénoncer les exactions de l’administration pénitentiaire ?

Article mis en ligne le mercredi 20 juin 2007

http://journalenvolee.free.fr/

COMMUNIQUE DE PRESSE

Le journal anti-carcéral l’Envolée a comparu le 19 décembre 2006 à 13h30 au
tribunal de grande instance de Beauvais pour diffamation contre
l’administration pénitentiaire (plainte déposée par le procureur de la
république). Maître Irène Terrel, avocat au barreau de Paris, nous
représentait.

La directrice de publication, Denise Le Dù, devait répondre de quatre
plaintes
pour diffamation envers une administration publique (numéro 12 à 15) :

- une lettre de prisonnier (André Allaix) dénonçant les violences des ERIS
(Équipes régionales d’intervention et de sécurité) dans le numéro 12,

- un témoignage d’un prisonnier (Didier Cadet) sur des comportements
violents
et racistes du personnel pénitentiaire de Clairvaux dans le numéro 13,

- une lettre publique d’un prisonnier malade (Laurent Jacqua) au sujet du
placement abusif au quartier disciplinaire à la centrale de Moulins, dans le
numéro 14,

- un courrier d’un autre prisonnier (Xavier Vanlancker) sur des brimades
pénitentiaires à la maison d’arrêt de La santé dans le numéro 15.

Le journal était aussi poursuivi pour diffamation envers R.Danet, ancien
directeur de la maison centrale de Clairvaux, pour avoir cité dans un
supplément au numéro 13 l’ouvrage de Bernard Cuau préfacé par Michel
Foucault
paru en 1976 sur les causes de la mort de Patrick Mirval, détenu à
Fleury-Mérogis, décès dans lequel Bernard Cuau impliquait R.Danet sans avoir
été poursuivi à l’époque.

Pour cette audience du 19 décembre, Denise Le Dù avait demandé à ce que les
quatre prisonniers soient extraits pour être entendus et puissent
confirmer la
véracité de leurs témoignages. Ils ont pu s’exprimer et développer de vives
voix, sans concessions, tout ce qu’ils avaient écrit auparavant.

Le
président a
tenu le rôle d’un juge « impartial », soucieux d’entendre la vérité, et il a
affirmé avec force à André Allaix, qui mettait en cause son
indépendance, qu’il
n’avait qu’un seul « patron » : le code pénal.

Maître De Felice, ancien
membre
du GIP (Groupe Information Prison), membre de la Ligue des droits de
l’homme,
était venu insister sur la nécessité de l’expression directe des prisonniers
sur leur condition de prisonnier.

Après plusieurs reports du délibéré, le tribunal a rendu son jugement le
29 mai
2007, malheureusement très éloigné de l’écoute apparemment attentive du 19
décembre : la première plainte à été déclarée prescrite, et le journal
L’Envolée a été condamné à 1000 euros d’amende avec sursis pour chacune des
trois autres plaintes de l’administration pénitentiaire et à 500 euros de
dommages et intérêts pour R.Danet.

Le tribunal de Beauvais, dans ses motivations, a déclaré ne pas remettre en
doute les violences dénoncées : il a considéré que l’infraction de
diffamation
envers l’administration pénitentiaire « était constituée dans sa forme
et par
les mots employés », en ajoutant que « la faiblesse de la peine la rend
symbolique car vous avez décrit maladroitement une situation bien réelle » ;
c’est autour de la forme qu’il voit matière à offense et donc condamnation.

Tout comme l’administration pénitentiaire, il interdit aux prisonniers de
dénoncer eux-mêmes les exactions qu’ils ont subies : la vérité crue
constitue
une « offense » !

Contrairement aux apparences ces amendes ne sont pas « symboliques », et
pour
nous la condamnation est lourde et forte de sens.

Le sursis est une mesure
destinée à avertir le journal que nous ferions mieux de renoncer à
publier les
textes de prisonniers.

Les 500 euros pour R.Danet sont le comble de l’indécence : le tribunal
n’a pas
jugé bon d’annuler la procédure de plainte alors que l’ouvrage cité par
L’Envolée est ancien de trente ans et qu’il n’avait à l’époque fait l’objet
d’aucune poursuite. Il était alors risqué de faire trop de bruit autour du
certain « malaise cardiaque » de Patrick Mirval dans l’ascenseur qui
menait au
mitard de Fleury, ascenseur dans lequel se trouvait R.Danet. Il est vrai que
depuis, ce personnage a été largement récompensé pour ses actes, passant du
poste de surveillant à celui de directeur hors-cadre, le plus haut grade de
l’administration pénitentiaire.

L’opacité et le silence sont intrinsèques au fonctionnement de
l’administration
pénitentiaire. La justice « en toute indépendance », paraît être une fois de
plus là pour le rappeler. Six numéros du journal ont fait l’objet de plainte
pour diffamation, à quand la prochaine ?

Celle qui révoquerait
éventuellement
le sursis mettrait L’Envolée en danger de mort. Si, pour des journaux à
grand
tirage, 3000 euros ne représentent presque rien, ces frais hypothèquent
notre
existence ; pour sauvegarder notre indépendance nous avons fait le choix
de ne
pas être subventionnés et de ne recevoir d’argent d’aucune organisation.

Cette épée de Damoclès, au-delà d’une attaque sur la liberté
d’expression et de
la presse, est une censure à peine déguisée.

Sans illusion particulière, sans goût pour la procédure ni pour les
tribunaux,
nous sommes contraints de faire appel de cette décision.

A Paris, le 15/06/07

Pour L’Envolée, Denise Le Dù, directrice de
publication.

L’Envolée, 43 rue de Stalingrad, 93100 Montreuil,

<envoleeradio chez yahoo.fr>
.

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