Une tribune pour les luttes

Appel à promouvoir Français, Lettres, Langues, Arts, Philosophie, Sciences Humaines…

Article mis en ligne le mercredi 5 décembre 2007

Le dispositif institutionnel mis en place récemment dans le cadre de la recherche, de l’enseignement et de la création en France suscite réflexion et nécessite des rééquilibrages plus favorables à l’intérêt général. En effet, la loi sur la recherche votée en 2006, à l’origine des pôles de compétitivité [1] de même que la LRU (loi sur les libertés et responsabilités des universités) [2] adoptée en 2007 ont des conséquences préjudiciables pour l’avenir des disciplines littéraires, linguistiques, artistiques, de la philosophie et des sciences humaines. Avec cette nouvelle législation, l’accroissement de la collaboration des universités et des entreprises, en particulier par la médiation de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), crée une concurrence excessive entre universités, sur le critère principal de la rentabilité. A la suite de la réforme drastique du statut d’intermittent du spectacle, la quasi-exclusion de ce dispositif des disciplines et filières précitées, moins « rentables » sur un plan strictement commercial, conduirait à une catastrophe d’ordre culturel, scientifique, artistique, social…

D’ores et déjà, la baisse des effectifs dans les universités de Lettres, arts et sciences humaines est alarmante ; à cet égard, il est important d’en soutenir l’exercice : maintien des diplômes nationaux – seuls à même de garantir l’égalité de principe de tous les étudiants d’une même discipline sur le territoire -, des préparations aux concours nationaux de recrutement (Capes, agrégation.. .), des masters dans tous les établissements, meilleure articulation entre classes préparatoires et licences, amélioration des débouchés professionnels des diplômés…. Tout cela ne pourra se faire à moyens constants, la misère présente des UFR concernées étant une cause essentielle de leur manque d’attrait. Comment ne pas voir que la revalorisation des formations universitaires en Lettres, arts et SHS s’impose pour intéresser de plus nombreux lycéens à choisir la série L des lycées et pour sauver, ce faisant, cette dernière ?

En effet, le rapport de l’Inspection Générale de l’Education Nationale (IGEN) Evaluation des mesures prises pour revaloriser la filière littéraire [3], publié en 2006, met en garde sur la menace de disparition de cette filière : rappelons que le public, comme dans le Supérieur, en est majoritairement féminin, par conséquent vulnérabilisé. Dans le même temps, un discours largement médiatisé relègue le Français, discipline pourtant fondamentale, à l’enseignement de la lecture et de l’écriture à l’école primaire, à la lutte contre l’illettrisme…Cette situation est d’autant plus préoccupante que, confronté à la crise des valeurs sociales et juvéniles dans le contexte de la mondialisation, le système scolaire doit renforcer, comme l’indique la dernière loi d’orientation, l’éducation à la citoyenneté, celle-ci étant l’une des missions principales de l’enseignement du Français.

Pour la sauvegarde de la filière L, l’une des propositions de l’IGEN réside dans la création de cinq dominantes : littératures et civilisations, arts et culture, communication et maîtrise des langages, sciences humaines, institutions et droit. Parmi ces dominantes, les trois premières sont des spécialités académiques du Français et des Lettres : cette clarification permet de cultiver des liens précieux entre enseignements supérieur et secondaire dans ces disciplines et d’ouvrir, ce faisant, la filière L au monde de l’intellect et des métiers. Cela dit, la réhabilitation de cette filière et au delà de l’enseignement du Français présuppose une plus grande harmonisation de la formation des maîtres, dans les trois domaines des Lettres (Lettres anciennes, françaises et francophones dont il est important de maintenir voire renforcer l’enseignement), des sciences du langage et des sciences humaines, ces deux dernières spécialités étant nécessaires à la maîtrise théorique des composantes communicationnelles et culturelles des enseignements, à l’heure de la mondialisation. A l’instar du statut tripartite des Lettres Classiques (Français-Latin-Grec), les spécialités précitées doivent être intégrées au statut des Lettres Modernes [4] ; Quant au FLE (français langue étrangère), il doit bénéficier d’un véritable statut professionnel pour favoriser tant l’intégration des populations immigrées que le rayonnement du Français dans le monde. Par ailleurs, pour la mise en pratique de cette politique éducative, l’on peut prendre exemple sur la création des IREM (Instituts de recherche sur l’enseignement des Mathématiques), acteur notable de la pérennisation d’un pôle scientifique de qualité (filière S).

Dans cette perspective, nous appelons à la rédaction d’un manifeste qui médiatise la réflexion spécifique des littéraires, linguistes, artistes, philosophes et spécialistes des sciences humaines sur « l’économie de la connaissance » , ce concept ambigu ayant été promu par le Conseil européen de Lisbonne (mars 2000) [5] et étant à l’origine des involutions actuelles. Et nous demandons que soit négociée avec tous les acteurs du système éducatif une autre réforme de l’Université et de l’Ecole, qui fasse droit à leurs missions essentielles, désintéressées et universelles, d’élaboration et de transmission des savoirs et des cultures.

Dans le cadre du débat sur la LRU, nous invitons enfin universitaires, enseignants, étudiants, parents d’élèves…à se mobiliser sur ces questions fondamentales de citoyenneté qui engagent notre avenir.

Premiers signataires :
- Edgar Morin, philosophe et anthropologue à l’EHESS et à l’UNESCO (Paris)
- Michel Cazenave, écrivain philosophe des sciences, responsable de programmes à France Culture (Paris)
- Henri Callat, philosophe et animateur de l’ADREUC (Association pour le développement des rencontres et des échanges universitaires et culturels)- Carcassonne
- André Chareyre (philosophie) et Hughette Dubois (sociologie) co-fondateurs du groupe interdisciplinaire Helena- Carcassonne
- collectif « Promotion du Français et des Lettres » de Toulouse :Martine Boudet (Lettres Modernes), Françoise Amiel (Lettres Modernes), Josette Combes (socio-linguiste), Christine Sedraine (Français Langue Etrangère- FLE), Martine Steinmetz (Lettres Modernes)
- Frédéric Sawicki (sciences politiques, Université de Lille II), membre du Bureau national de Sauvons la recherche (SLR)
- Régine Tassi (philosophie- Tours) coordonnatrice de la commission Education d’ATTAC
- Michel Ducom (Lettres) membre du bureau national du GFEN (secteur national « Ecriture »)
- Philippe Corcuff (sciences politiques) Institut d’Etudes Politiques de Lyon
- Jacqueline Martin (économie sociale), équipe Simone Sagesse (Savoirs, Genre, rapports sociaux de Sexe) de l’Université de Toulouse 2 le Mirail
- Jean Paul Engelibert (Littérature comparée) Université de Poitiers
- Catherine Grall (Sciences humaines et sociales) Université de Picardie
- Françoise Graziani (littérature comparée) Université de Paris VIII
- Zineb Ali- Benali (littérature francophone) Université Paris VIII
- Martine Créac’h (littérature française) Université Paris VIII
- Alexandra Maltaverne (Lettres Modernes)
- Didier Coureau (études cinématographiques) Université de Grenoble III
- Lucienne Boudet (espagnol) -Limoges
- Claude Boutin (biologie) – Université de Toulouse- Rangueil
- Franc Bardou écrivain occitaniste
- Anne Marie Garat écrivain
- François Taillandier écrivain
- Esra Aykin poète, nouvelliste, enseignante en allemand et Lettres
- Jean Claude Lebrun, critique littéraire (L’humanité, Les matins littéraires)

Contact (pour soutien) :
- promofs.lettres chez gmail.com

Références de lecture :
- www.fabula.org/actualites/article21...
- www.universite-democratique.org/spi...
- www.France.attac.org/spip.php?artic...
- www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?...

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Notes

[4Cette mesure de progrès permet un enseignement qualifié de ces nouvelles spécialités et évitera ainsi leur enseignement par des intervenants extérieurs, tel que préconisé par l’IGEN.

[5 :http://www.europarl.europa.eu/summi....
Au niveau international, le classement de Shangaï, censé recenser les meilleures universités, exclut de ses critères de sélection les sciences humaines et sociales !

[9Cette mesure de progrès permet un enseignement qualifié de ces nouvelles spécialités et évitera ainsi leur enseignement par des intervenants extérieurs, tel que préconisé par l’IGEN.

[10 :http://www.europarl.europa.eu/summi....
Au niveau international, le classement de Shangaï, censé recenser les meilleures universités, exclut de ses critères de sélection les sciences humaines et sociales !

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