Une tribune pour les luttes

Témoignage de Carole et Nathalie

Il faut que ça se sache !

"Du football à l’expulsion."

Article mis en ligne le lundi 18 février 2008

Il y a une dizaine de jours, Manu, un Camerounais de 45 ans, découvrait
avec stupeur le reportage d’Envoyé Spécial sur les expulsions. Il
souhaitait alors ne jamais subir le même sort, lui qui demeurait
sans-papier sur notre territoire depuis 15 ans. Dès le lendemain matin,
il était arrêté pour la première fois. Après 48 H de garde à vue, il
était conduit au CRA de Rennes.

C’est un agent qui le fit venir en France en 1993 avec un visa d’un an
pour jouer au football au FC Créteil. Malheureusement, une blessure au
genou l’éloigna rapidement des terrains et son contrat comme son visa ne
furent jamais renouvelé. Toute sa famille étant déjà installée en région
parisienne, il resta en France et reprit le foot dans d’autres clubs
tout en participant à l’encadrement des jeunes.

Sa passion pour le ballon rond le conduit en 2006 en Bretagne, où il
rencontre L. , sa compagne actuellement enceinte de 7.5 mois. Cette
future paternité le comblait de joie et il pensait sincèrement être
rapidement libéré pour assister à la naissance de son enfant. Il était
bien crédule et sous-estimait l’efficacité de la machine à expulser qui
piétine les droits les plus élémentaires.

Possédant un passeport, il n’aura fallu qu’une semaine à la France pour
reconduire au Cameroun ce futur papa dans des conditions dignes du plus
répressif des régimes. Humilié, frappé, attaché, trainé par les pieds,
ils se mettront à quatre pour contraindre par la force cet homme à
rentrer chez lui. Quatre gendarmes du CRA de Rennes capables de se
tranformer en de vulgaires geôliers haineux sans état d’âme frappant
celui qui disait vouloir résister pacifiquement à l’expulsion en
connaissant les conséquences : la prison en attendant la naissance de
son enfant.

Il hurlera son désespoir et son envie de rester en France réveillant les
autres retenus impuissants devant ce lynchage et sommés de regagner
expressément leur chambre en attendant leur tour ! "Ce n’est pas TON
pays !
" lui martèlera le chef des bourreaux en lui assénant des coups de
poing et des coups de pieds dans l’abdomen avant de le traîner jusqu’à
la voiture où l’attendait l’escorte pour le conduire à Roissy. Une fois
à l’aéroport, il appellera lui-même sa compagne pour lui annoncer qu’il
ne peut plus lutter, qu’il préfère monter "docilement" dans l’avion que
de recevoir une deuxième salve de coups sur des zones déjà endolories.
La violence a eu raison de la détermination d’un homme qui avait peur
d’être "déporté" (ce sont ses mots laissés sur une messagerie comme une
bouteille à la mer).

Nous ne verrez jamais de telles scènes de violence dans Envoyé Spécial
mais sachez qu’elles existent et que les images mises en scène que l’on
veut bien nous montrer sont toujours bien en dessous de la vérité.

Quel est ce pays qui enferme les bébés, comme le petit M., 15 mois,
actuellement au CRA de Rennes avec sa maman (Pétition sur le site de RESF www.educationsansfrontieres.org/) et qui traite
comme un chien galeux un futur papa d’enfant français ? Comment
expliquer à cet enfant qui va ouvrir les yeux en France, ce beau pays
démocratique, qui a décidé à quelques jours de sa naissance, d’expulser
son père qui vivait ici depuis 15 ans juste pour un bout de papier !

Honte à notre pays qui donne volontiers des leçons de droits de l’homme
à la terre entière et qui aime tant condamner les conditions de
détention dans le reste du monde.

Comment de tels actes peuvent-ils être
commis sur notre territoire en toute impunité en étant cautionnés et
encouragés par un gouvernement qui se plait à nous répéter les objectifs
de 26 000 expulsions pour 2008 comme pour satisfaire les derniers
électeurs les plus extrémistes qui le soutiennent encore. Inutile de
rappeler que les objectifs de 25000 pour 2007 n’ont pas été atteints
malgré tous les efforts de B.Hortefeux, le "porte-flingue", le bon petit
soldat droit dans ses bottes à la tête d’un ministère nauséabond.

Manu ne pouvait imaginer en regardant les scènes d’expulsion devant sa
télé, qu’une semaine plus tard il serait à son tour la victime de cette
politique du chiffre totalement déshumanisée.

Sachez Monsieur Hortefeux que notre détermination à vous empêcher de
réaliser vos objectifs est plus que jamais aussi forte que les coups
portés par vos gendarmes sur Manu !

Aujourd’hui Manu est de retour dans un pays où personne ne l’attendait
plus, les poches vides, le corps brisé et le cœur meurtri de laisser en
France une femme enceinte inconsolable.


PETITION pour madame BEKAY et son fils

Madame Bemenga Bekay est en rétention avec son fils Mickaël, 15 mois, depuis le 11 février au Centre de Rétention Administrative de Saint-Jacques-de-la-Lande. Le juge des libertés et de la détention l’avait libérée pour vice de procédure. Or, le procureur a fait appel qui a confirmé la rétention avec l’enfant.
Elle doit se présenter le 18 février au consulat de la République Démocratique du Congo.
Pour ajouter dans l’absurde, parce que Bemenga est en France depuis 7 ans, son compagnon est en situation régulière depuis 18 ans et travaille.
Nous demandons la libération et la régularisation de madame Bekay et de son fils

A signer sur le site de RESF

www.educationsansfrontieres.org/

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Vos commentaires

  • Le 15 mars 2008 à 07:25 En réponse à : Il faut que ça se sache !

    Arrêtons là les fantasmes mythomanes, et les clichés de mauvaise série B svp. Oui on expulse des gens sans papiers, non on n’exerce aucune coercition physique à leur encontre. Comment puis je le savoir et l’affirmer avec autant de certitudes ? Simplement parce que je travaille dans ce CRA. Les gens placés ici sont des retenus, ils sont traités avec autant d’humanité que l’on peut leur donner, et souvent dans de meilleures conditions qu’en dehors (une grande partie vit en sdf dans grande misère). Alors pitié, arrêtez de romancer une réalité suffisamment dure, remontez ce problème à la source, que manque t-il dans leurs pays pour qu’ils aient besoin de venir ici le chercher ?
    Au lieu de perdre de l’argent dans des CRAs ne devrait on pas aider ces pays à se developper ?

  • Le 15 mars 2008 à 11:33, par Christiane En réponse à : Il faut que ça se sache !

    Sans être mythomane, il suffit de se reporter à l’ensemble des événements récents rapportés par les témoins et les médias au CRA de Vincennes , du Mesnil-Amelot , aux nombreuses tentatives de suicide et à la mort en 2006 de Kazim Kustul au CRA de Marseille, aux brutalités policières auxquelles nous avons assisté lors des expulsions et dont on a pu avoir des témoignages partiels encore récemment sur Antenne 2, aux témoignages des « retenus » sur le haut niveau de violence qui règne dans les centres et sur la drogue qui y circulerait (dans quel but ?) pour pouvoir affirmer qu’il règne une atmosphère délétère dans ces prisons pour étrangers.

    D’autre part, il suffit d’assister aux audiences du tribunal JLD qui siège dans l’enceinte même du CRA du Canet pour pouvoir vérifier que l’immense majorité des retenus travaillent , cotisent et ne sont pas des sans abris.Il faut ne pas connaître dans leur vie quotidienne ces étrangers qu’on laisse sans papiers afin de mieux abuser de leur force de travail pour oser affirmer qu’ils sont mieux en prison qu’au milieu de nous.

  • Le 16 juin 2008 à 01:07, par rchl60 En réponse à : Il faut que ça se sache !

    Peut-être avez-vous raison ! Je ne sais pas ce que sont les CRA....Mais puisque vous posez la question sur ce qui leur manque chez eux et que vous y répondez vous-mêmes d’ailleurs, alors que faire pour arrêter ce cauchemar qui déshonnore notre pays dans le monde et même parmi les français....C’est pas l’image de notre pays ça !

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