Une tribune pour les luttes

Mineurs en prison ? Après tout, les parcs à bébé ont bien des barreaux…

Article mis en ligne le dimanche 30 novembre 2008

La majorité pénale fixée à 12 ans, seulement ? La commission Varinard, chargée par Rachida Dati de « réfléchir » à la réforme de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, l’a finalement joué petit bras. Et n’a pas osé aller au bout d’une logique sarkozyste qui devrait voir les bambins encourir l’emprisonnement dès le premier biberon terminé. Dommage…
Mineurs en prison ? Après tout, les parcs à bébé ont bien des barreaux…

A voir avec toutes les illustrations sur :
http://www.article11.info/spip/spip.php?article210

vendredi 28 novembre 2008, par JBB

« Les mineurs de 1945 n’ont rien à voir avec les géants noirs des banlieues d’aujourd’hui. »
Nicolas Sarkozy en conseil des ministres, le 28 juin 2006."

"Cet acharnement sur les mineurs traduit les peurs de la société française, liées à des raisons économiques, au développement de la précarisation, à la perte de crédibilité des élites. La société n’est effectivement pas sûre, mais pas sûre de son avenir. On a peur que demain soit pire qu’aujourd’hui. Et l’on désigne un bouc émissaire, un responsable : le jeune. Et de préférence le jeune des cités, qu’on prétend être le contraire de la civilisation, le barbare. »
Le sociologue Laurent Mucchielli dans l’ouvrage « Quand les banlieues brûlent… Retour sur les émeutes de novembre 2005 ».

Enfin !

Il était temps !

Il fallait que cesse cet alibi de l’innocence, idée faussement répandue qu’un enfant ne peut être retors ou dangereux.

Comme il fallait mettre un coup d’arrêt à ces hordes de délinquants en culottes courtes, assoiffés de rapine, voleurs et menteurs dans l’âme, violeurs en puissance et meurtriers potentiels.

C’est désormais chose faite (ou peu s’en faut…).

Et gloire doit en être rendue à l’auguste André Varinard, président de cette commission chargée par Rachida Dati de « réfléchir » à une réforme de l’ordonnance de 1945 régissant la justice des mineurs et qui vient de proposer l’emprisonnement des jeunes délinquants à partir de 12 ans.

Prouvant ainsi de la plus belle des façons qu’il n’est rien d’autre qu’un homme de basses besognes juridiques, un pénaliste dévoyé et un parfait petit soldat sarkozyste.

Bravo, bonhomme !

D’un homme capable de concevoir qu’on puisse mettre des enfants de 12 ans en prison, il n’est finalement que peu à dire.

Sinon espérer que ses nuits seront désormais cauchemardesques, peuplées de bambins le tirant par le bras à travers les barreaux de sombres cellules et l’entraînant dans la triste farandole de destins brisés avant même que d’avoir commencé.

Et noter, aussi, qu’il existe des degrés dans l’ignominie, La Croix précisant : « Après en avoir longuement débattu, les membres de la commission parlementaire se seraient mis d’accord sur l’âge de 12 ans, même si certains membres, notamment les avocats et les policiers, auraient préféré 10 ans. »

Oui : « Les avocats et les policiers auraient préféré 10 ans. »

De braves gens conscients qu’il n’y a pas loin des barreaux d’un parc à bébé…

… à ceux d’une cellule de prison.

Des prisons transformées en jardins d’enfants (ou l’inverse) ?

La chose n’est malheureusement pas nouvelle.

Et le présidentiel meneur de revue a, en ce domaine-ci, tenu toutes ses promesses.

Lui qui déclarait déjà en mars 2006 : « Nous devons reconsidérer notre approche en matière de prévention de la délinquance. Lorsqu’un enfant est violent contre ses camarades ou contre son institutrice, l’école ne doit pas rester sans réagir. Elle a le devoir de se poser des questions, d’en chercher les causes. Les meurtriers d’Hilan Halimi étaient déjà violents à l’école à 14 ans. Tout le monde le savait. »

Lui qui n’a eu de cesse d’agiter, beuglant en choeur avec Rachida Dati, le spectre d’une croissance de la délinquance des mineurs, pourtant démentie par les faits.

Qui a fait passer en août 2007 une loi sur la récidive prévoyant que certains mineurs de 16 à 18 ans pouvaient être jugés comme des adultes.

Et qui avait érigé en priorité la mise à bas de l’ordonnance de 1945, mesure issue d’un Conseil national de la résistance dont il n’a eu de cesse de détruire l’héritage.

Les choses étaient écrites, donc.

Comme il est écrit que cette criminalisation de l’enfance proposée par André Varinard ne pourra qu’ajouter aux problèmes que connaissent déjà les Etablissements pénitentiaires pour mineurs.

Structures poussant comme des petits pains sur le territoire national.

Et qui se révèlent dramatiquement criminogènes et dangereuses pour ceux qui y sont emprisonnés.

Reste maintenant à pousser des grands cris et à battre le pavé.

A protester et à s’insurger.

A se battre, enfin.

Tant il n’est guère de mobilisation plus essentielle et de combat plus fondamental que ceux qu’il s’agit de mener contre les propositions de la commission Varinard.


A lire aussi de Laurent MUCCHIELLI Sociologue, directeur de recherches au CNRS

Note statistique de (re)cadrage sur la délinquance des mineurs

dont la conclusion est :

Pour conclure

L’ambition de cette étude était modeste. Ni réflexion sur les principes généraux du droit, ni
point de vue partisan sur le contenu d’une refonte globale de l’Ordonnance de 1945 régissant
le droit pénal des mineurs. Il s’agissait « simplement » ici de soumettre à quelques
vérifications le diagnostic sur l’évolution de la délinquance juvénile avancé par les pouvoirs
publics pour justifier un nouveau durcissement de l’arsenal pénal.

Notre conclusion est que ce
diagnostic n’est ni neutre, ni objectif, ni fondé. Il apparaît au contraire totalement orienté, ne
rend absolument pas compte de la totalité des éléments de connaissance statistique
disponibles, dissimule tout ce qui ne « colle » pas avec la démonstration souhaitée, s’empare
de cas exceptionnels en les présentant comme des modèles généraux, et conduit au final à
énoncer de telles déformations de la réalité que l’on peut parler dans certains cas de véritables
contre-vérités induisant les citoyens en erreur.

Nous l’avions déjà montré à l’occasion de la
préparation de la loi dite de prévention de la délinquance et des discours de M. Sarkozy alors
ministre de l’Intérieur 8. Mme Dati se prépare à ajouter une énième réforme de la justice des
mineurs et tente pour cela de la justifier exactement de la même manière c’est-à-dire en
déformant la réalité lorsque les autres arguments ne suffisent plus 9. Les questions que l’on
peut se poser sont dans les deux cas les mêmes :
la volonté de réformer l’Ordonnance de 1945
permet-elle de raconter n’importe quoi (sur la délinquance des mineurs) ?
Pourquoi nos
dirigeants politiques tentent-ils à ce point d’induire en erreur les citoyens ? Quels sont les
véritables objectifs de ces propos et de ces lois ?
Et pendant ce temps là, est-ce que des enjeux
vraiment importants pour améliorer le traitement judiciaire de la délinquance des mineurs (par
exemple le problème des moyens humains et financiers des enquêtes menées durant
l’instruction des dossiers et celui des moyens humains et financiers de l’exécution des
décisions de justice) ne seraient pas occultés ?

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Vos commentaires

  • Le 26 avril 2011 à 16:01, par noireau En réponse à : Mineurs en prison ? Après tout, les parcs à bébé ont bien des barreaux…

    quand meme,emprisonner à 12ans,si à 13ans on dit que l’enfant n’est pas responsable de ses actes ,imaginez alors à douze ans.je ne suis pas française,mais puisqu’on fait du copier-coller ,le plus souvent sur nos ancetres les gaulois ,cela ne m’etonnerait pas que l’on adopte la meme loi chez moi une fois qu’elle est en france et ce néest pas ce que je souhaite pour les enfants de mon pays.Un enfant à cet age a besoin d education, ce qu’il lui faut ce sont les murs d’une école et non d’une prison je ne dis pas que c’est impossible de voir un delinquant au vrai sens du terme à 12ans ;mais vouloir le généraliser serait tout de meme injuste.mille excuse si j’ai dit quelque chose qu"il ne fallait pas

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