Une tribune pour les luttes

Alerte de Santé Publique

Notre société peux-elle sortir indemne de l’expulsion d’enfants sans papiers ?

avec Miguel Benasayag (psychanalyste), Hervé Bokobza (psychanalyste), Pierre Cordelier (RESF), des sans-papiers et des témoins citoyens...

Article mis en ligne le jeudi 10 mai 2007

Réunion de lancement de l’enquête 29 avril 2007

Pour en savoir plus, et éventuellement participer à l’enquête, veuillez visiter le site http://resfmiroir.org

On peut trouver sur Dailymotion les vidéos des principales interventions enregistrées le soir de la réunion du 25 avril

Introduction par Pierre Cordelier

Resfmiroir - Introduction par Pierre Cordelier

Resfmiroir - Miguel Benasayag

Resfmiroir - Hervé Bokobza

Resfmiroir - Temoignage 1

Une enquête lancée par Resf

Membres, amis ou proches du Réseau Education Sans Frontières, nous avons constaté, à travers notre pratique et nos engagements, un double phénomène qui nous choque.

D’une part, le traumatisme psychologique qu’entraînent pour les enfants les actes violents d’enfermement, de menace d’expulsion, voire d’expulsion tout court. Nous ne nous inquiétons pas seulement de l’injustice de telles pratiques d’un point de vue légal ou moral, mais aussi d’un point de vue de santé publique. L’État n’a pas le droit de porter atteinte aux habitants d’un pays, et encore moins aux plus faibles d’entre eux, les enfants. Nous nous inquiétons bien sûr de voir bafouer les droits fondamentaux de la personne et en particulier les droits de l’enfant, mais aussi, d’un point de vue psychopathologique, des séquelles qu’entraînent de tels agissements. Une inquiétude qui semble d’ailleurs partagée par les autorités de ce pays dans d’autres contextes. Il est de plus en plus fréquent de voir, à l’occasion de situations dramatiques et spectaculaires (attentats, prises d’otage, accidents), des cellules psychologiques dépêchées en urgence sur les lieux du dommage. D’autre part, en partant de cette inquiétude née chez des professionnels de la santé, parents d’élèves, enseignants et voisins, qui, à divers titres, sont touchés par un tel phénomène, nous souhaitons attirer l’attention sur un autre risque, beaucoup plus massif et, d’un point de vue de santé publique, beaucoup plus grave. Ce que nous appelons l’effet miroir.

Enquête sur l’effet miroir

En France, nous avons constaté à plusieurs reprises les séquelles causées sur des personnes qui ne sont pas directement touchées par des départs forcés, des arrestations musclées ou même, à certaines époques, par la déportation de populations. Si maintes études existent sur les effets subis par des personnes victimes directes d’actions violentes et autoritaires, on s’est rarement intéressé aux effets psychopathologiques et aux séquelles que laissent de tels actes dans la population non directement touchée. Nous connaissons tous cette question fréquemment posée : « Et vous, papa, maman, qu’avez-vous fait pendant la guerre ? ». Le problème posé ici est beaucoup plus profond que cela. Nous souhaitons nous intéresser aux voisins, aux amis, à l’entourage d’enfants qui vivent aujourd’hui sous la menace d’expulsions ou qui ont assisté à des actes d’expulsion plus ou moins violents.

Notre hypothèse, d’un point de vue épidémiologique et psychopathologique, réside dans le fait qu’il est presque impossible que les élèves d’une classe d’école, de collège ou de lycée puissent élaborer psychologiquement sans problème le fait qu’un ou une de leurs camarades soit menacé d’être expulsé de France ou soit obligé de se cacher en raison du seul délit d’exister. Pour un enfant, le fait qu’un camarade soit victime de violence ou qu’il en soit menacé du seul fait que ses parents ne possèdent pas exactement le bon papier au bon moment, cela relève d’une injustice anxiogène voire pathogène. Nous pensons qu’on ne peut pas seulement s’occuper des victimes directes en sollicitant les citoyens pour une solidarité à sens unique.

Aujourd’hui, il faut comprendre que celui qui laisse exister de tels actes ne reste pas indemne du point de vue de sa santé. Nous voulons ainsi lancer, avec le soutien des organisations, syndicats, associations et collectifs membres du Réseau Education Sans Frontières, mais aussi avec tous ceux qui souhaiterons s’y associer, une enquête épidémiologique pour essayer de comprendre les effets pathogènes que cette réalité sociale génère sur le reste de la population. Donc que l’on s’intéresse à ceux qui sont touchés indirectement, par effet miroir.

Dans ce travail-là, nous essaierons pour la première fois d’analyser les effets de la complicité passive voire, simplement, du seul fait d’être témoin de telles actions violentes au moment où elles se déroulent. Car si des études ou des écrits existent sur ce phénomène, ils sont toujours réalisés dans l’après-coup historique. Nous pensons qu’il y a de la part du pouvoir une volonté de vacciner la population. Nous voyons le gouvernement procéder successivement divers types d’expulsions avec différents types de violences ou l’établissement de zones de non droit comme les centres de rétention. Petit à petit, la population est vaccinée et devient de moins en moins capable de réagir. La passivité de la population est toujours inquiétante d’un point de vue épidémiologique de santé mentale, car nous savons qu’il n’existe pas de passivité « passive » : la non réaction exige toujours un effort de refoulement très actif qui porte à conséquence.

Avec l’agression faite aux enfants, le pouvoir a franchi une étape pour laquelle, heureusement, la population française n’était pas encore vaccinée. Notre objectif est d’éviter une telle vaccination, une pacification des consciences, non pas en procédant à une interpellation morale sur la nécessité de gestes de solidarité, ni à une critique idéologique et politique de la législation existante et des pratiques administratives répressives qui frappent la population immigrée, ce qui est fait par ailleurs, notamment au sein du RESF, mais par une enquête épidémiologique sur le terrain, la plus complète et sérieuse possible, qui tente de montrer en quoi il n’existe pas de possibilité pour l’entourage de se sortir indemne d’une telle réalité. Nous savons que les enfants sont fortement touchés, d’abord les enfants de sans papiers par la situation de parias à laquelle sont trop souvent réduits leurs parents et les angoisses, profondément incompréhensibles, qui pèsent sur leur vie quotidienne, mais aussi tous les enfants lorsqu’ils constatent que ce qui représente l’autorité peut se retourner, comme dans un cauchemar régressif, en son contraire, c’est-à-dire une menace. Pour un enfant, savoir que son camarade de classe est menacé par l’autorité policière, étatique ou judiciaire censée le défendre, cela ne peut pas ne pas être un élément anxiogène et déstructurant de sa personnalité. Au moment où les pouvoirs publics et les universitaires s’inquiètent de l’estompement de l’autorité dans l’Éducation nationale, nous ne pouvons pas ne pas nous scandaliser de l’attaque que de tels agissements représentent contre ce même principe d’autorité. Et cette attaque là, nous voulons une fois encore la traiter de façon épidémiologique.

Pour tout contact :

contact chez resfmiroir.org

Luc Chatel (presse) : 06 19 63 26 03 / Jean Michel Delarbre (Resf) : 06 89 30 86 15

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