Une tribune pour les luttes

Ban Public Décembre 2007

2007 : 3 lois, 2 projets en cours, l’ouverture des EPM... Quel bilan pour les personnes incarcérées ?

Article mis en ligne le mercredi 26 décembre 2007

Le vote des règles pénitentiaires européennes (RPE), à l’unanimité du
comité des ministres du conseil de l’Europe, en janvier 2006, augurait,
a priori, d’une évolution favorable des conditions d’incarcération. Le
nombre de personnes écrouées détenues est passé de 58 402, au 1er
janvier 2007, à 61 763, au 1er novembre 2007 (source : statistiques
mensuelles de la population détenue et écrouée, ministère de la
Justice). Est-il utile de préciser que l’augmentation de la population
carcérale dénote une orientation vers plus de répression, ce qui n’est
jamais la garantie d’une sécurité durable ? Quant à l’accroissement de
la surpopulation carcérale (le nombre de places opérationnelles n’ayant
pratiquement pas évolué), il entraîne mécaniquement une dégradation des
conditions d’incarcération.

Parallèlement, durant l’année 2007,
l’activité du gouvernement dans les champs pénal et pénitentiaire a été
intense.

Le 5 mars, la loi relative à la prévention de la délinquance est
promulguée. Cette loi aborde le traitement de la délinquance des
mineurs et intègre des mesures concernant les violences conjugales, les
infractions sexuelles et la consommation de drogues. Le pouvoir du
maire est renforcé dans plusieurs domaines, créant un déséquilibre
vis-à-vis de son rôle d’arbitrage général. Concernant spécifiquement la
délinquance des mineurs, la procédure de composition pénale, dès l’âge
de 13 ans, est désormais possible, ce qui constitue une régression par
rapport aux garanties qu’apportait l’ordonnance du 2 février 1945
relative à l’enfance délinquante.

En juin, les premiers établissements pour mineurs (EPM) ouvrent leurs
portes. L’EPM de Lavaur (81) a été mis en service le 11 juin, suivi par
l’EPM de Meyzieu (69), le 13 juin. Deux établissements seront également
ouverts durant la seconde moitié de l’année (à Quiévrechain (59) et à
Marseille (13)) ; suivront trois autres établissements de ce type en
2008 (à Meaux-Chauconin (77), à Porcheville (78) et à Orvault (44)). Il
est sans doute préférable de séparer les mineurs incarcérés des
majeurs. Ceci dit, s’arrêter à ce constat d’apparente satisfaction,
revient à occulter la question de fond : quelle idée se fait-on de ce
que la société doit apporter à ses enfants ? La mise en place de
règles, dans le cadre de l’éducation, ne peut-elle pas se faire sans
priver les mineurs de leur liberté ?

Le 8 juillet, l’annonce est faite par le président de la République :
il n’y aura pas de grâces collectives pour le 14 juillet. Certes, les
grâces collectives présentent de nombreux inconvénients : elles sont
contraires au principe d’individualisation de la peine, elles touchent
de façon excessivement sélective les personnes en fonction de
l’infraction commise et de l’air du temps, et elles favorisent les
sorties "sèches". Elles n’en demeurent pas moins une façon de résoudre
temporairement le problème de la surpopulation carcérale.

Le 10 août, la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs
et des mineurs est définitivement adoptée. Cette loi instaure des
peines minimales obligatoires lorsqu’il y a récidive, y compris lorsque
la personne mise en cause est mineure. Une telle disposition réduit la
liberté des juges et limite les possibilités d’individualisation de la
peine. En outre, ce dispositif ne pourra qu’accentuer l’augmentation de
la population carcérale, bien supérieure déjà à la capacité d’accueil,
au mépris de l’article 716 du code de procédure pénale (CPP) qui pose
le principe de l’encellulement individuel.

Le juge délégué aux victimes (JUDEVI) devait entrer en fonction à
compter du 1er septembre, selon une déclaration de Rachida Dati, garde
des Sceaux, le 6 juillet dernier. La création du JUDEVI est finalement
reportée au mois de janvier 2008. Les dispositions permettant la prise
en charge des victimes existent déjà et ont été successivement
renforcées par la loi d’orientation et de programmation pour la Justice
du 9 septembre 2002, par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la
Justice eux évolutions de la criminalité, par la loi du 12 décembre
2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
Accorder plus de place aux victimes, dans le cadre de l’application des
peines en particulier, induit une confusion. Ce n’est pas aux victimes
de s’exprimer sur la date de sortie d’une personne incarcérée.

La loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de
liberté est définitivement adoptée en 2e lecture par le sénat le 18
octobre.
Tel qu’il est institué, ce contrôle s’attachera surtout aux
conditions matérielles, sans prendre en compte d’autres aspects, comme
l’atteinte des objectifs de réintégration s’agissant des établissements
pénitentiaires, par exemple. En outre, les moyens risquent d’être très
insuffisants ; comment une vingtaine de collaborateurs pourront-ils
contrôler pas moins de 5 788 lieux de privation de liberté (prisons,
centres éducatifs fermés, locaux de garde à vue, zones d’attente,
locaux et centres de rétention administrative, hôpitaux psychiatriques,
locaux d’arrêt des armées) ?

Le 22 novembre, le comité d’orientation restreint (COR) pour la
"grande" loi pénitentiaire rend son rapport définitif. Le temps
consacré à l’élaboration des préconisations a été très court, et n’a
pas permis, de toute évidence, de faire le tour de la question. Le
maintien des liens familiaux, par exemple, a plus fait l’objet de
déclarations d’intention que de propositions innovantes.

Le 28 novembre, le gouvernement dépose un projet de loi relatif à la
rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour
cause de trouble mental. Les personnes pourront être enfermées au-delà
du temps d’incarcération, dès lors qu’un collège de médecins aura
estimé qu’elles présentent un risque de récidive. Les personnes seront
donc enfermées non pas pour des actes commis, mais pour des actes
qu’elles pourraient commettre. Le projet de loi suggère également de
revoir dans son entier le traitement judiciaire de l’irresponsabilité
pénale pour cause de trouble mental, introduisant plusieurs
dispositions, dont :
- le renvoi de l’affaire (si la partie civile le demande) devant le
tribunal correctionnel compétent, pour qu’il se prononce sur la
responsabilité civile de la personne,
- des mesures de sûreté à l’encontre de la personne,
- l’inscription au casier judiciaire des décisions de déclaration
d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Dans le domaine pénal, le traitement de la délinquance et de la
récidive reste manifestement avant tout cantonné à l’aspect répressif.
Le pays des droits de l’Homme mériterait sans doute une approche plus
globale des problèmes de société, ne faisant pas sans cesse reculer les
limites de la liberté individuelle. N’oublions pas que les délinquants
d’aujourd’hui sont les enfants d’hier et que, sans doute, l’éducation
(avec tous les acteurs concernés) est au centre des questions.

Dans le domaine pénitentiaire, les conditions d’incarcération des
personnes ne se sont toujours pas améliorées de façon significative.
Cette fin d’année en prison sera exactement comme les autres :
difficile pour les personnes et pour leur famille ; synonyme de
solitude, d’isolement, à une période où, pour le plus grand nombre, les
liens familiaux se resserrent. Pourtant la règle n°176-5 des règles
pénitentiaires européennes rappelle que la vie "la vie en prison [doit
être] alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs
de la vie à l’extérieur de la prison"...

La rédaction

Ban Public

Décembre 2007

http://prison.eu.org/article.php3?id_article=10294

sur le site : http://prison.eu.org/

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