Une tribune pour les luttes

Communiqué du Comité des familles des « réfugiés » italiens

Basta, arrêtez !

Article mis en ligne le samedi 15 septembre 2007

Plutarque : Le non respect de l’asylie est considéré comme sacrilège entraînant souillure et malédiction divine, et puni sévèrement par les lois humaines.

Nous ne doutons pas de la malédiction divine et de la souillure, mais nous nous demandons où sont aujourd’hui ces lois humaines qui devraient punir le non respect de l’asylie. Non, il n’y en a point. Au contraire, c’est justement au nom des lois humaines qu’on refuse l’asile. Ou, pire, qu’on le retire iniquement après l’avoir octroyé un jour déjà bien lointain et garanti des longs années durant.

Nous… Nous sommes les familles des « réfugiés » italiens, ces familles si souvent évoquées et, en même temps, si vite oubliées. Certes, la vie aux côtés des exilés italiens n’a jamais été un long fleuve tranquille. Pour autant, nous avons eu confiance dans la parole de la France qui affirmait que ces Italiens ne seraient pas extradés.

Nous avons donc bâti notre vie sur la certitude que cet engagement ne serait jamais renié, que personne ne reviendrait sur ce qui constituait le socle de notre existence sous la protection des plus hautes autorités françaises. Mais voilà que, inopinément et après vingt ans d’asile sans fissures, en août 2002 on extrade presque en cachette Paolo Persichetti. En 2004 suit l’affaire Battisti, et aujourd’hui c’est le tour de Marina de faire les frais de ce revirement obscène. Ainsi nos destins basculent soudain dans la précarité et l’arbitraire.

Nous ne pouvons accepter cela, car nous sommes l’une des conséquences directes des engagements pris par la France, laquelle a maintenant l’obligation de nous protéger. Nous sommes des familles titulaires de droits reconnus par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, et des enfants titulaires de droits reconnus par la Convention internationale des Droits de l’Enfant ; et la France, pays contractant, a ratifié ces deux Conventions. Elle se doit donc de respecter leurs préceptes, de les assurer aux corps et situations qu’elle-même a sorti du néant par sa volonté politique d’antan.

Il nous apparaît donc légitime d’en appeler au Président de la République et à notre gouvernement, afin qu’ils mettent fin une fois pour toutes à cette ignominie, car il est désormais trop tard pour revenir sur des mesures qui ont produit des effets irréversibles en terme de vies et groupes humains. Car, « doctrine Mitterrand ou pas », « parole donnée » ou pas, il est indéniable qu’il y a eu décision politique en faveur des réfugiés italiens, dont le produit est fort facile à démontrer : nous sommes là, preuves vivantes que des engagements ont bien été pris, fruits en chair et en os de ces mêmes engagements.

Il faut d’ailleurs remarquer que la seule « parole donnée » n’aurait pas suffi, pas plus qu’une simple pétition de principe, pour nous constituer en tant que familles. Au contraire, il a fallu que pendant plus de vingt ans les gouvernements qui se sont succédés prennent des centaines de petites décisions administratives et politiques qui ont constitué la toile de fond de notre vie citoyenne. Comment aurions-nous pu travailler, nous marier, légaliser nos enfants, ouvrir un compte en banque, ou accomplir toute autre démarche de la vie quotidienne sans l’accord constant des autorités ?

Quoi qu’il en soit, maintes voix se sont levées en France pour défendre les « réfugiés » italiens. Cela pour des raisons multiples : l’infamie d’un accueil renié, la malhonnêteté de discours qui prétendent nuls et non avenus les acquis produit par le découlement du temps… Des raisons, oui, mais surtout le fait qu’on ne peut pas traiter des personnes comme des fonds de boutiques. Ce qui, nul n’est dupe, peut se produire et persister surtout à cause du pérenne refus italien de promulguer une amnistie, qui close formellement ce période de révolte sociale et politique, et en finisse avec la vengeance à rebours et la punition sans fin.

Nous appelons aujourd’hui tous ceux qui ont été à nos côtés, et tous ceux qui voudraient les rejoindre, à un effort plus important : des actes, par la parole et par les faits, pour arrêter cette dérive immorale, cette abjection italo-française. Demandant à ceux qui ont accès à l’espace public de se manifester avec force et courage, sans se laisser bâillonner ou intimider par un « air du temps » ô combien pollué par les arguments faux ou fallacieux.

Il ne s’agît pas ici d’être d’un bord ou de l’autre, mais de défendre les droits auxquels tout bord peut légitimement prétendre.

Comité des familles des « réfugiés » italiens

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