Une tribune pour les luttes

Traité européen : le dernier outrage

par Patrick Mignard

Article mis en ligne le samedi 12 janvier 2008

L’adoption du Nouveau Traité Européen copie conforme du précédent- va être adopté. Seuls les naïfs pouvaient croire qu’il ne le serait pas.

La victoire du NON français n’a été qu’un épiphénomène qui a excité l’imagination des « croyants » du respect de la volonté populaire par le système,… mais absolument pas enrayé la marche de l’Europe marchande et libérale.

Cet évènement montre, une fois encore, que le respect de l’opinion populaire n’est qu’un « écran de fumée démocratique » pour légitimer ce qui constitue l’essentiel du système dominant : les intérêts du Capital.

Je partage en effet l’opinion de celle et ceux qui considère qu’il s’agit là d’une mesure, je dirais même d’une manipulation, parfaitement anti démocratique. Un véritable déni du respect de la volonté populaire.

Formellement tout cela est exact et doit être dénoncé. Mais n’en restons pas au caractère formel. N’hésitons pas à examiner le sens de cette attitude. S’agit-il d’un simple abus de pouvoir, voire une maladresse politique ? Bien évidemment que non.

De quoi s’agit-il alors ? D’un acte délibéré ! Mais un acte fondé sur quoi ?

Sur une volonté politique de revenir aux fondamentaux du système marchand par la liquidation des acquis sociaux depuis plus d’un siècle et la marchandisation généralisée de l’activité humaine.

Sur une volonté politique de piétiner ce qui constitue le fondement d’un système démocratique (tout à fait hypothétique), la volonté populaire.

Sur une volonté politique de passer outre les procédures politiques du système lorsque ses intérêts sont en jeux.

AU NOM DU NON ?

Quelle était la portée du NON au moment du référendum ? Je vais être très durparce qu’il y en a marre de vivre sur des fantasme et des illusions : !

Tactiquement elle était débile, stratégiquement nulle.

Tactiquement elle s’est formée sur une entente bureaucratique entre organisations qui donnait l’illusion d’une force, d’un raz de marée… Ah la force des discours dans les salles de meeting surchauffées !

Stratégiquement il était évident, avant même le référendum qu’un OUI ou un NON ne changerait rien… C’est bien ce qui, sur le fond, s’est passé.

Dans la confusion générale d’une pensée politique fumeuse et ambiguë, où les intérêts de partis l’emportent sur les vraies questions, nombreuses et nombreux sont celles et ceux dont on aurait pu imaginer qu’ils auraient voté NON et qui ont voté OUI,… et inversement.

On confond allègrement aujourd’hui confusion politique et diversité d’opinion.

Nous vivons aujourd’hui, comme hier, sur une fiction. Nous avons fait notre la légende de l’aspect démocratique d’un système qui n’accepte cette démocratie que quand elle l’arrange ou lui permet de désamorcer les conflits. Aujourd’hui, mais la plupart d’entre nous ne le savent pas, le temps des illusions et des apparences est passé. Le temps de la négociation est passé. Le temps des compromis est fini.

Nous nous persuadons, dans notre impuissance qu’il existe encore une force, nous tous ensemble, qui pouvons changer, avec les outils mis à notre disposition (les élections), le système actuel… Dangereuse illusion !

La victoire du NON qui a donné naissance à des espoirs insensés et infantiles nous revient dans la figure comme un mauvais rêve et… nous quémandons servilement un « référendum » que nous n’obtiendrons évidemment pas.

Nous nous accrochons obstinément à des fictions qui, si elles font les choux gras des organisations bureaucratiques, nous amènent à la catastrophe sociale.

RÊVES ET GEMISSEMENTS

De guerre lasse, ils vont obtenir ce qu’ils cherchent. Parce qu’ils savent que nous n’avons rien à leur opposer. Notre colère ? Impuissante. Notre détermination ? Mais fondée sur quoi ? Des pétitions ? Mais soyons sérieux… Qu’en ont-ils à faire ? Ils ne prennent plus la peine de nous répondre !... A quoi bon ?

Ils vont même nous expliquer que malgré le NON, sur le fond, rien n’a vraiment rien changé dans ce qu’ils veulent faire de l’Europe… et ils ont raison.

Le NON n’a jamais stoppé le développement de l’Europe libérale. Alors pourquoi revenir sur la question. Simplement pour institutionnaliser, dans le cadre des rapports entre nations, les principes de fonctionnement,… Mais ne nous faisons pas d’illusion, l’essentiel est fait. Et s’ils font cette démarche c’est parce qu’ils savent qu’ils ne risquent rien… qu’aucune opposition sérieuse ne se manifestera.

L’engouement des partisans du NON, lors du référendum, allant dans certains cas jusqu’à l’hystérie, avait quelque chose de pathétique et d’enfantin. Ils croyaient naïvement, et beaucoup le croient encore, que le NON avait un poids politique pouvant stopper la libéralisation européenne.

Cette nouvelle et dérisoire mobilisation, pour un nouveau référendum, fait le jeu des organisations politiques de gauche, d’extrême gauche et altermondialiste qui depuis quelques mois n’ont plus trop de « grain à moudre » du fait de leur échec électoral qui les laisse sans perspectives d’action et surtout sans stratégie politique. Enfin un évènement qui va pouvoir mobiliser les appareils et permettre aux « leaders » de tenir le devant de la scène par des bravades aussi ridicules qu’inutiles !

Aujourd’hui nous sommes le « bec dans l’eau »… Nous avons agi comme si nous croyions que la volonté populaire était sacrée. Mais elle ne l’est pas, elle ne l’a jamais été, ou plutôt, elle l’a été tant que le système pouvait s’en contenter… dans le cas contraire il a toujours cassé cette volonté … des exemples au 20e siècle ? On n’a que l’embarras du choix ! Aujourd’hui le système sait que politiquement il peut faire ce que bon lui semble car nous n’avons aucune stratégie à lui opposer sinon des discours, nos rêves et nos gémissements.

Les trépignements politico-médiatico-organisationnels n’y changeront rien. Pas plus que les appels pathétiques à l’union : quelle union ? avec qui ? pour faire concrètement quoi ?

Pendant que se querellent, sur des questions de préséances et de notoriété, les organisations politiques du « changement » (sic), le système forge, sans opposition, les conditions de la mise au pas généralisé des relations sociales à ses intérêts fondamentaux.

Finalement, ce qui se passe aujourd’hui avec la remise en question du « NON au TCE » n’est qu’un maillon de la chaîne de la reprise en main par le système Il ne se cache même plus et n’a plus à sauver la face… Notre impuissance lui ouvre une possibilité inespérée et illimitée pour remettre en toute« légalité démocratique », les acquis que nos prédécesseurs lui avaient imposés.

Patrick MIGNARD

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