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Les fiches de lecture de la commission Médiathèque

"Ulrique Meinhof, Flingue, conscience et collectif"

Article mis en ligne le lundi 29 avril 2024


Ce livre de poche de 190 pages est « présenté et commenté par ses camarades de lutte », précise la couverture, sous le portrait d’Ulrique Meinhof, émergeant d’une flaque rouge sang. La jeune femme est surtout connue pour avoir fondé, avec Andreas Baader et Gudrun Ensslin notamment, la Fraction armée rouge (Rote Armee Fraktion, RAF), une organisation de guérilla urbaine, selon leur propre expression, active jusqu’en 1998.

Mais Ulrike Meinhof a été aussi largement reconnue en tant que journaliste pour plusieurs publications d’extrême-gauche pendant les grandes contestations des années 1960 à 1970 en Allemagne. Son engagement au sein du mouvement anti-impérialiste armé lui valut d’être arrêtée en juin 1972 et incarcérée à l’isolement jusqu’en mai 1976, où elle fut retrouvée morte dans sa cellule, après trois grèves de la faim. Elle avait 42 ans. Baader et Ensslin se suicideront en prison un an plus tard.
Ses camarades ont choisi de publier ici ses dernières lettres de prison pour démontrer qui elle était vraiment. Elle voulait que les prisonniers et prisonnières de la RAF continuent à s’organiser collectivement pour lutter et vaincre l’isolement. Le premier lot de textes, de juin 1972 à février 1973, décrit les « effets de la détention dans un quartier d’isolement acoustique » : « le sentiment que la boite crânienne va exploser… que les associations d’idées sont constamment morcelées… le sentiment que l’on se consume de l’intérieur ».
Le 2ème chapitre intitulé « De la discussion 1973-1974 » évoque la mise en place d’une plateforme de communication entre eux grâce à des lettres photocopiées envoyées par courriers d’avocat, toujours pour s’opposer aux effets de l’isolement. Elle s’en prend aussi âprement à Horst Mahler, co-fondateur de la RAF, sans savoir qu’il dérivera bien plus tard, à sa sortie de prison, vers le négationnisme jusqu’à devenir néo-nazi.
Dans « Déclaration sur la libération de prison d’Andreas », elle décrit cette action collective du 14 mai 1970 comme « exemplaire de la guérilla urbaine, elle contient et contenait déjà tous les éléments de la stratégie de la lutte anti-impérialiste ». L’interview donné par Baader, Meinhof, Ensslin et Raspe à l’hebdomadaire d’actualités Der Spiegel, pendant leur 3ème grève de la faim, publié le 20 janvier 1975, est reproduit intégralement. Le ton du journal est dur, mettant en question les traitements spéciaux et la torture de l’isolement mais les laissant néanmoins s’expliquer longuement (27 pages).
La dernière partie du livre relate les « Préparations et déclarations aux procès », principalement celui de janvier 1976 à Stammheim où les mêmes quatre inculpés firent une déclaration commune sur leur politique. L’ouvrage s’achève sur un texte de Raspe du 11 mai, deux jours après la mort d’Ulrique, qui déclare : « nous pensons qu’Ulrique a été exécutée, nous ne savons pas comment mais nous savons par qui ».
La traduction française se base sur des documents allemands d’origine en archives, qui n’étaient pas inédits mais éparpillés dans diverses publications peu accessibles. Elle est complétée par des textes de référence et des repères chronologiques et bibliographiques.

"Ulrique Meinhof, Flingue, conscience et collectif"
Editions Premiers matins de novembre
Collection AU BOUT DU FUSIL

Cet ouvrage est disponible à la Médiathèque de Mille Bâbords

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Vos commentaires

  • Le 29 avril à 10:35, par Philippe En réponse à : Les fiches de lecture de la commission Médiathèque

    Relire en titre d’un bouquin la calamiteuse notion de "conscience" me rappelle ce petit extrait d’un texte de la revue Théorie Communiste :
    "Il faut se débarrasser de ce « concept » de « conscience de classe » que personne (Marx y compris) n’a jamais pu définir sauf comme étant toujours ce qu’il manque.
    La « conscience de classe » se réfère nécessairement à une organisation pérenne qui la représente et l’incarne et dans laquelle par étapes, par aller et retours les ouvriers sont destinés à se reconnaître puisque cette conscience est une potentialité de leur être (Lukacs). ….Et nous en revenons à la lutte de classe conçue comme un sport de montagne où nous devons atteindre un sommet déjà là et existant d’une manière ou d’une autre, même si ce n’est que dans la potentielle conscience de classe.
    Dans la réalité non-théoricienne, il n’y a pas d’ « hiatus temporel ». La « classe en soi » est toujours « pour soi » (si l’on veut utiliser ces termes), les prolétaires savent ce qu’ils font dans une situation donnée, ils sont toujours parfaitement conscients de leurs actions, de ce qu’ils sont dans le rapport d’exploitation, de ce qui les opposent au capital et à la classe des patrons et de ceux qui dirigent l’Etat. La « conscience de classe » c’est ce que les théoriciens, tous plus ou moins transfuges des classes dominantes ou moyennes de chaque période, ont décidé de ce que devait penser et faire le prolétariat au nom des nécessités de l’Histoire dont ils sont les représentants auto-proclamés recherchant pour leur compte les agents voire les « idiots utiles ».

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