Le 21.01.2023, le chef de l’Etat Kaïs Saied, réunissant au palais de Carthage le Conseil national de sécurité a, selon le communiqué de la présidence, déclaré à la stupeur générale « qu’une conspiration criminelle a été fomentée à l’orée de ce siècle pour transformer la composition démographique de la Tunisie", ajoutant « que des "entités" ont reçu des fonds substantiels après 2011 pour établir des migrants irréguliers subsahariens en Tunisie ... "Ces vagues de migration irrégulière ont pour but inavoué de considérer le pays comme exclusivement africain sans appartenance aux nations arabe et musulmane". Il a fini par enjoindre de "mettre rapidement un terme à ce phénomène »
Enregistrant avec consternation et effroi ces diatribes présidentielles, les associations signataires dénoncent leur caractère raciste. Elles constituent une violation flagrante de la Constitution tunisienne ainsi que des traités internationaux et de l’Union africaine relatifs aux droits humains que la République tunisienne a ratifiés depuis l’indépendance et auxquels elle est tenue. Ces allégations sont pour le moins en totale contradiction avec les lois nationales, notamment la loi n°50-2018 relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Une telle rhétorique représente une incitation à la haine et un rappel des camps d’extermination ethniques nazis de la Seconde Guerre mondiale. Elle est en contradiction avec les valeurs de tolérance que l’État tunisien a prônées dans les forums internationaux.
Les associations signataires tiennent la présidence de la République pour responsable de tout danger ou vexation que peut subir la communauté subsaharienne en Tunisie. De tels discours représentent une légitimation et une excuse accordées dangereusement au plus haut niveau de l’Etat à toutes exactions et tous actes de violence à l’égard de la communauté.
Les associations signataires expriment leur solidarité totale et inconditionnelle à tous les migrants et les migrantes venant d’Afrique subsaharienne et aux associations et organisations qui les défendent ou les représentent. Elles réaffirment leur attachement aux principes de dignité, de tolérance et d’égalité. Elles rejettent toute haine et tout acte de racisme envers tous ceux et celles qui vivent en Tunisie.
La Tunisie, l’antique "Ifriquiya », a donné son nom à l’ensemble du continent dont elle fait partie intégrante. Elle a été et restera à jamais un carrefour des civilisations, de brassage des populations ethniques et de cohabitation des religions dont témoignent la diversité de ces racines historiques, amazigh, phénicienne, romaine, arabe, méditerranéennes et africaines.
Les associations signataires exhortent la présidence de la république à présenter des excuses formelles pour ces déclarations attentatoires à la dignité de la personne humaine. Elles l’appellent à abandonner ces pratiques et ces discours haineux et racistes, actes indignes de l’Etat qui a aboli l’esclavage déjà en 1846 sous Ahmad Becha Bey.