Une tribune pour les luttes

Pour un grenelle des banlieues

par Joël MARTINE

Article mis en ligne le samedi 4 novembre 2006

Je suis surpris, révolté et inquiet du très peu de réactions qu’a suscité le CAHIER DE DOLEANCES des banlieues qui a été présenté le 25 octobre par l’association AClefeu.

Voir site http://aclefeu.blogspot.com .

En réponse à l’émeute de novembre 2005, cette association a passé un an à recueillir les revendications des habitants des quartiers pauvres, selon la méthode des cahiers de doléances de la Révolution française.

Logiquement, les grandes associations, les syndicats, et les partis de gauche devraient répondre à cette prise de parole populaire, qui est en fait une proposition d’action collective revendicative.

Il faudrait dire au gouvernement, face à l’opinion publique : les gens des cités sont des citoyens, ces jeunes sont nos enfants, il faut répondre à leurs revendications, IL FAUT OUVRIR DES NEGOCIATIONS, AVEC DES ENGAGEMENTS CONCRETS DES POUVOIRS PUBLICS !

Quand des salariés ou des paysans manifestent, même s’il y a des débordements, du vandalisme condamnable, voire des violences, les syndicats mettent en avant d’abord les revendications : pourquoi n’en fait-on pas autant pour les jeunes des banlieues ?

L’exigence d’ouverture de négociations (tout en sachant que cela ne suffit pas à résoudre les problèmes) est la première chose à faire à la fois pour reconnaître une dignité aux jeunes de banlieue et pour placer leur révolte sur le terrain de la solidarité.

DIGNITE, parce que si on demande aux pouvoirs publics de les reconnaître comme des interlocuteurs avec qui il faut négocier, on arrête de les stigmatiser comme des délinquants ou des barbares.

SOLIDARITE, parce que dans le fond leurs revendications concernent tout le monde : des emplois de qualité, pas de discriminations racistes, une attitude correcte de la police, des logements sociaux, le respect des droits des femmes, le droit à l’éducation, etc.

Quand l’association AClefeu est allée à l’Assemblée Nationale, les groupes parlementaires de la gauche l’ont accueillie et écoutée ... mais il aurait fallu faire beaucoup plus : une prise de position commune, des événements médiatiques et une campagne pour l’ouverture de négociations.

Depuis un an rien n’a changé dans les quartiers pauvres, ni la situation de l’emploi, ni les pratiques provocatrices de la police vis-à-vis des jeunes, ni le discours de Sarkozy, bref tout ce qui a déclenché les émeutes de l’an dernier.
Les jeunes ont toutes les raisons d’être écoeurés et de vouloir se révolter. Les associations comme AClefeu ont le grand mérite de montrer aux jeunes le chemin d’une révolte constructive, non-violente, solidaire. Si ces associations ne sont pas appuyées par un large courant dans la société (et c’est historiquement la responsabilité des syndicats et de la gauche), il ne faudra pas s’étonner si les jeunes révoltés se tournent vers les incendies et les violences. _ Le seul choix qui leur restera sera soit la résignation par peur de la prison, soit une surenchère de violences presque suicidaires comme d’incendier les bus ... Et c’est la porte ouverte à toutes les provocations de la droite dure ou aux récupérations communautaristes : Sarkozy et Le Pen n’attendent que cela pour relancer leur démagogie.

Par contre, si on fait campagne pour des négociations sur des revendications sociales, légitimes pour tous (dans l’esprit de la lutte contre le CPE), on peut mettre en accusation le gouvernement, et faire réfléchir les électeurs populaires, dans le sens de la solidarité.
Il en est encore temps, espérons-le.

Marseille, le 2 nov. 06

Joël MARTINE
militant altermondialiste

Post Scriptum :
les études des sociologues montrent que les incendies de novembre 2005 étaient une révolte sociale qui, faute d’organisation citoyenne et militante, s’est exprimée sous la forme du vandalisme juvénile (qui bien sûr est condamnable, et est une impasse sociale et personnelle).
Dans une interview à Politis du 26 octobre 06, le sociologue Gérard Mauger les compare aux révoltes populaires du XVIIIème et début du XIXème siècles, avec incendies et cassage des machines, avant que se constitue le mouvement ouvrier avec ses formes d’action plus constructives : grève, pétition, etc. Or aujourd’hui les formes d’organisation et la conscience militante qui ont manqué aux émeutiers de novembre 05 ne sont pas totalement absentes dans les banlieues, elles sont même en train de se reconstruire, et il faut les y aider.

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Vos commentaires

  • Le 4 janvier 2007 à 20:16, par fanny En réponse à : Pour un grenelle des banlieues

    je suis d’accord avec vous, j’aimerai savoir quelles ont été leurs revendications, qu’ont ils mis dans les cahiers ?
    merci d’avance.

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