Une tribune pour les luttes

8 mars 2011 Journée internationale des luttes des femmes

Egypte : "1 million pour la lutte des femmes"
+ Cris d’Egypte : Lettre à Nicolas Sarkozy

+ Appel : musulmans citoyens pour les Droits des Femmes.

Article mis en ligne le mercredi 9 mars 2011


http://crisdegypte.blogs.liberation...

Cris d’Egypte

Egypte : Lettre à Nicolas Sarkozy

Le Caire, 9 mars 2011.

Monsieur le Président,

Nous nous réveillons ce matin nos corps et nos esprits encore endoloris des coups, des humiliations et des insultes ignominieuses de la journée d’hier, Journée Mondiale de la Femme.

Un millier de femmes, surtout, et d’hommes s’étaient réunis place Tahrir pour venir offrir et rappeler leur soutien total à l’élan démocratique qui secoue le pays depuis le 25 janvier 2011.

Le groupe avait établi, tout simplement, une liste de demandes basiques conformes aux articles de la déclaration universelle des Droits de l’Homme. Cependant, ces demandes universelles, prononcées et soutenues par des femmes ont déchaîné sur elles les foudres de l’enfer.

A peine arrivé place Tahrir, des hommes, pourtant des manifestants pour la démocratie, se jettent sur un petit groupe d’hommes et de femmes qui portent des tracts et des bannières. Ils lisent quelques tracts et, leur lecture à peine terminée, se métamorphosent en bêtes sauvages : "JAMAIS ! Vous entendez ?! JAMAIS une femme ne sera présidente ! Hé ! Tout le monde ! Venez voir ça ! Il faut brûler ces papiers maintenant ! Il faut brûler ! Brûler !".

D’autres s’interposent et conduisent le petit groupe dans une tente au milieu de la place. Celle-ci s’appelle "la tente des organisateurs de Tahrir". Le chef de la tente, que tous appellent "le docteur", vient lire les tracts. Il tient un discours qui n’est nul autre que le vôtre, Monsieur Sarkozy. Aussi n’est-il pas la peine que je vous traduise ici les propos du "docteur" au sujet de la Journée Mondiale de la Femme, mais que je vous rappelle ceux-ci : "C’est sympathique, il faut le faire, enfin parfois il faudrait qu’on se concentre sur l’essentiel".

Avant de revenir sur votre déclaration, je voudrais vous faire le récit de cette journée d’horreur.

La manifestation s’est formée au pied du Muggamaa, un bâtiment administratif situé place Tahrir, devant lequel se trouve une esplanade. Un groupe de femmes et d’hommes tiennent des affiches et scandent des slogans sur l’égalité des femmes et des hommes, la place de la femme dans la vie politique et la vie en générale, une législation et une constitution qui garantissent les droits et les libertés de chaque citoyen, quelque soit son sexe, son origine, ses croyances religieuses… En somme, le b-a, ba d’une démocratie digne de ce nom.

A peine 30 minutes plus tard, se forme une contre-manifestation d’hommes. Extraits : "Rentrez nous faire à bouffer", "La constitution ne sera pas laïque", "Quoiqu’il arrive, on va vous baiser ! On va vous baiser !".

Les manifestantes et manifestants de l’autre bord, redoublent d’ardeur et répondent aux provocations, suscitant l’excitation elle aussi redoublée des contre-manifestants qui décident alors de charger. Ils sont arrêtés, pour un temps, par un cordon de volontaires qui font bloc contre une violence et une furie invraisemblables.

Puis, l’horreur absolue.

Deux femmes, puis deux autres sont pourchassées par une horde de 150 ou 200 hommes. Tandis qu’elles tentent de s’éloigner en marchant, ce sont des centaines de mains qui leur attrapent les seins, le sexe, leur tirent les cheveux, les battent. Elles sont entourées par des hommes qui les protègent sur 500 mètres de pur cauchemar. L’intervention de trois militaires, dans les deux poursuites, est providentielle et in-extremis. Nous savions tous, dans cette bataille, que nous allions être les témoins de meurtres, de viols et peut-être des deux à la fois, là, en plein jour.

S’en est suivie une nuit de consolation avec les victimes de cette ignomie, quatre femmes dont le courage me fait encore fondre en larmes tandis que je vous écris ces lignes.

Non, Nicolas Sarkozy vous ne devriez pas, vous Président de la République Française, pays des Droits de l’Homme, dire en public "C’est sympathique, il faut le faire, enfin parfois il faudrait qu’on se concentre sur l’essentiel".

J’attends d’entendre une de ces bêtes féroces me dire aujourd’hui : "Vous voyez, même Sarkozy est d’accord avec nous". Je sais que je vais l’entendre dire avant que la nuit tombe. Dites-moi, je vous prie, ce que vous vous voudriez que je lui réponde.

Merci.

Aalam Wassef


http://egyptesolidarite.wordpress.c...

Egypte : "1 million pour la lutte des femmes"
par Mogniss H. Abdallah agence im-media infos

Durant la révolution du 25 janvier, des femmes de tous âges, de toutes origines sociales et de toutes croyances ou convictions, ont été massivement présentes dans les rues, se mêlant sans complexe aux hommes dans les manifestations et les rassemblements place Tahrir. Leur exhortation aux soldats pour qu’ils ne tirent pas sur les gens et qu’ils rejoignent le camp des manifestants ont fortement contribué au basculement de l’armée et à sa fraternisation sur le terrain avec le peuple.

L’Histoire retiendra peut-être cette pancarte brandie par une égyptienne ordinaire qui dit sobrement ( en français ) : "Vous nous avez oublié". Ne s’adresse-t-elle pas tout à la fois au pouvoir, au monde, et aux hommes ? On retiendra peut-être aussi le poignant appel d’Asma Mahfouz, jeune et frêle fille la tête couverte d’un foulard, enjoignant - dans une vidéo postée le 18 janvier - familles, amis, voisins, collègues, à descendre dans la rue pour protester contre le traitement inhumain et dégradant des gens qui osent dire : "Kefaya, ça suffit !" Asma n’a pas supporté d’entendre traitées de "psychopathes" 4 personnes qui se sont immolées par le feu début janvier. Elle s’est déclarée déterminée à descendre dans la rue le 25 janvier, quitte à être toute seule. "La police et la baltaguiya ( milices para-militaires ) font peur, mais on n’a pas peur de la mort". "Courage, sortez de vos maisons avec moi", a-t-elle lancé. ( http://www.youtube.com )

Plusieurs femmes ont été tuées lors du soulèvement, dont Sally Magdy Zahran, 28 ans, de Sohag en Haute Egypte. Bien d’autres ont été blessées, arrêtées, brutalisées. Mais, comme Asma, elles n’ont plus peur. Et se battront. "El-sharee lina", "les rues sont à nous", clament-elles. Contre la police, qui bat en retraite. Contre la misogynie ambiante. Mais aussi contre les agressions sexuelles utilisées comme arme de dissuasion par les baltaguiya qui rôdent, refusant de s’avouer vaincus. Pour cela, elles entendent pousser leur avantage, et resteront comme elles l’ont souvent été, aux avant-postes contre la police politique, la torture et l’humiliation érigés en mode de gouvernance.

"La femme est l’égale de l’homme" - tableau de Hamed Abdalla, 1978. Spécial dédicace à Sally Magdy Zahran, martyre de la Révolution du 25 janvier originaire de Sohag, comme le père de l’artiste Hamed Abdalla.

Après la chute de Moubarak, les femmes n’ont pas accepté de se voir écartées. Elles ont protesté contre leur absence dans les instances pour réformer la Constitution, exigent d’être présentes à tous les niveaux de la vie publique, et réclament l’avancée de leur propre agenda : abolition de la tutelle parentale sur les femmes, nouveau statut personnel, libre accès au travail, fin des mutilations sexuelles... En un mot, elles veulent l’égalité hommes - femmes. ( cf. Coalition des ONG de femmes : http://www.en.nazra.org )

Elles s’organisent, fédèrent ONG et associations développant des perspectives féministes. Et réclament la dissolution du Conseil national des femmes, une instance tenue par la dame patronnesse Suzanne Moubarak qui tant d’années durant a, selon la célèbre auteure Nawal Saadawi, usurpé la représentation de la lutte des femmes égyptiennes sur la scène nationale et internationale. Nawal Saadawi, aujourd’hui âgée de 80 ans, est toujours sur le front et se bat pour l’unité des femmes. Et accueille chez elle à Choubra des réunions d’appartement pour préparer les initiatives à venir. Parmi les femmes présentes, une porte le niquab. "Avant, je ne regardais pas celles qui portaient le niquab", dit Nawal, connue pour sa détermination contre tous les fondamentalismes. "Cela a changé avec la place Tahrir", assure-t-elle. "Ce soir, je ne te demande pas pourquoi tu le portes". ( cf. Rebellion, Jenna Krajeski The New yorker 4 mars 2011 - http://www.newyorker.com )

Ce soir, elles organisent ensemble le grand rassemblement "1 million pour la lutte des femmes" le mardi 8 mars 2011 place Tahrir. La révolution, c’est aussi ça : elle a fait bougé toutes les lignes, et permis de faire converger féministes historiques et féministes islamiques, yuppies branchés des classes moyennes, jeunes et femmes "chaabis". Alors oui, le 8 mars, on sera des millions partout à être de tout coeur avec les femmes égyptiennes - et du monde entier - en lutte. La révolution continue !

Mogniss H. Abdallah



APPEL : MUSULMANS CITOYENS POUR LES DROITS DES FEMMES

Depuis le début du XXème siècle, le 8 mars est dédié à la progression des droits des femmes et de la notion d’égalité.

Ce 8 mars 2011, depuis la France, des citoyens de foi, de culture ou d’héritage islamique contribuent à ce combat citoyen pour l’égalité et contre le sexisme. Nous considérons que ce combat concerne toute la société et que, dans un même élan, toutes ses composantes et spécificités doivent se mobiliser.

Nous affirmons, haut et fort, que rien dans notre croyance, notre pratique ou notre héritage islamique ne justifie que l’on discrimine quelqu’un en raison de son genre.

Nous condamnons ainsi toutes les discriminations, notamment à l’emploi et aux salaires, dont les femmes sont victimes. Nous dénonçons toutes les formes de violences faites aux femmes, qu’elles soient physiques ou morales. Des violences qui touchent tous milieux sociaux et culturels.

Nous considérons que l’égal accès à toutes les formes du savoir est une des conditions premières de l’égalité. Toute remise en cause est inacceptable.

Nous déclarons que personne n’a le monopole des luttes pour les droits des femmes qui concernent chacune et chacun.

Nous observons que le sexisme n’est pas le propre de certaines populations et que les quartiers populaires n’en ont pas l’exclusivité, contrairement à ce qu’affirment bien des discours ambiants qui se complaisent à enfermer les hommes musulmans dans des caricatures machistes, et à désigner les musulmanes comme victimes exclusives de ces comportements.

Définitivement, nous voulons sortir de ce paradigme et de ces logiques de confrontations.

Nous affirmons ici que le divorce comme la contraception sont des droits. De même que le choix de son conjoint. Et plus généralement, nous déclarons que les choix de vie individuels doivent être respectés.

Nous dénonçons les amalgames qui, par méconnaissance ou par instrumentalisation, sont faits entre certaines traditions et notre héritage islamique. Nous condamnons avec vigueur la pratique de l’excision qui n’est, en rien, une prescription religieuse et appelons à la combattre.

Nous affirmons l’égalité et l’égale dignité de tous les êtres humains, quels que soient leur sexe, leurs origines, leur religion ou leur mode de vie. C’est l’esprit qui nous anime.

JE SIGNE L’APPEL
http://www.respectmag.com/2011/03/0...

Les premiers signataires :

* Mehdi Thomas Allal, responsable du pôle anti-discrimination de la Fondation Terra Nova.
* Abd Al Malik, rappeur et écrivain.
* Zorah Ait-Maten, 1ère adjointe au maire du 7ème arrondissement de Lyon et conseillère communautaire.
* Houssen Amode, président de l’association musulmane de La Réunion, vice-président du CRCM (Conseil régional du culte musulman) La Réunion.
* Amel Arfaoui, journaliste.
* Khadija Aram, maire adjointe de Trappes.
* Bouchera Azzouz, militante féministe.
* Aminata Bakaga, chef d’entreprise.
* Aziz Belaouda, fonctionnaire.
* Mounir Benali, journaliste Beblack Tv.
* Cheikh Khaled Bentounès, guide spirituel Tariqa Alawiya.
* Hamou Bouakkaz, adjoint au Maire de Paris.
* Abdellah Bouhadjila, directeur de cabinet, Ville de Noisy.
* Lila Boukortt, présidente de France Euro Méditerranée.
* Alima Boumediene Thiery, sénatrice (Europe Ecologie Les Verts).
* Latifa Bennari, présidente association L’Ange bleu.
* Ghaleb Bencheikh, président de la Conférence mondiale des religions pour la paix.
* Dr Adam Benahmed, biologiste hospitalier.
* Halida Boughriet, artiste plasticienne.
* Djamel Bouras, champion olympique de judo.
* Dr Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre.
* Fouziya Bouzerda, avocate, conseillère municipale Lyon (MODEM).
* Leila Bouzidi, conseillère municipale Bobigny.
* Karim Britel, directeur de la French private university.
* Marc Cheb Sun, fondateur et directeur de la rédaction de Respect Mag.
* Mouna Mohammed Cherif, chercheuse et enseignante en sciences islamiques.
* Madani Cheurfa, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF).
* Nadia Chouikhi, présidente UNIÂME France.
* Mohamed Colin, directeur de la rédaction de Saphirnews et de Salamnews.
* Haydar Demiryurek, président du CCMTF, vice-président du CFCM.
* Nadir Dendoune, journaliste et écrivain.
* Astou Diakité, adjointe Corbeil-Essonnes.
* Bilguissa Diallo, journaliste.
* Doudou Diène, rapporteur spécial des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme (2002_2008), Président du Conseil de Emisco.
* Faycal Douhane, membre du Conseil National du Parti Socialiste, Président du Club PolEthique.
* Atouma Doucouré, conseillère régionale.
* Abdelhak Eddajibi, professeur.
* Abdelhak Eddouk, aumônier musulman.
* Jamel El Hamri, président de l’association Ecclectik de la ville de Mer.
* Abdelhamid El Jamri, consultant international en Ingénierie de projets de développement, expert des Nations Unies.
* Anne Esambert, fonctionnaire.
* Mohamed Gacem, élu au Mée.
* Azzedine Gaci, recteur de la mosquée de Villeurbanne et président du CRCM Rhône-Alpes.
* Yamina Garnier, enseignante.
* Eric Geoffroy, islamologue
* Ghawthy Hadj Eddine, auteur, conférencier en Ethiques et droits de l’Homme.
* Nasser Haidari, adjoint maire de Marseille (PS).
* Samia Hathroubi, journaliste.
* Aissa Hirti, directeur des ressources humaines.
* Adil Jazouli, sociologue.
* Kamel Kabtane, recteur de la Mosquée de Lyon.
* Samira Ketfi, adjointe corbeil Essonnes.
* Bariza Khiari, sénatrice de Paris.
* Saad Khiari, cinéaste-auteur.
* Ali Kismoune, président du Club Rhône-alpes Diversité.
* Bilal Lester, slameur militant.
* Zahra Mabrouk, haut fonctionnaire.
* Abdallah Marhlaoui, proviseur adjoint du lycée Gaston Berger (Lille).
* Fadila Mehal, présidente des Marianne de la diversité.
* Naïma M’Faddel-Ntidam, présidente de la Maison d’Averroès.
* André Minetto, médecin, Vice président Paca fédération Mosaïc, (Europe Ecologie les Verts)
* Karim Miské, réalisateur.
* Marie-France Mourregot, anthropologue spécialiste de l’islam à la Réunion.
* Mohammed Moussaoui, président du Conseil Français du Culte Musulman.
* Ousmane Ndiaye, journaliste Respect Mag.
* Redanga Ngaibona, adjoint à Corbeil Essonnes.
* Hafid Ntidam, chirurgien.
* Zakia Ouhmida-Mortreau, juriste.
* Kais Otmani, président d’Auto-solidaire Rhône Alpes.
* Azzedine Ouis, élu Corbeil Essonne.
* Tareq Oubrou, grand Imam de Bordeaux et recteur des Mosquées de l’Association des Musulmans de la Gironde.
* Tariq Ramadan, universitaire.
* Aïcha Redouane Yammine, artiste.
* Samira Rida , contrôleur de gestion.
* Véronique Rieffel, directrice de l’ Institut des cultures d’Islam, Ville de Paris.
* Rost, artiste et président de Banlieue active.
* Khady Sakho Niang, responsable du groupe Genres et migrations du Forum des Organisations de Solidarité Internationale issues des Migrations (FORIM).
* Abdelhak Sahli, informaticien.
* Fouad Sari, adjoint à Vigneux sur Seine.
* Hélias Soltani, professeur.
* Karima Souid, directrice de projets tourisme d’affaires.
* Sabrina Tayebi, auteure.
* Fatima Yadani, élue à Paris.
* Farid Yaker, responsable associatif
* Ludovic Lotfi Mohamed Zahed, fondateur et porte-parole de HM2F.
* Benhamed Ziani, éducateur.

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