Une tribune pour les luttes

mercredi 21 janvier 2009

MARSEILLE

19 h

19 h à la librairie Païdos, 54 cours Julien, 13006

Rencontre-débat avec Adèle Zwicker, alias Jean-Paul Musigny, alias Anatole Toulon, alias Arthur, ... traductrice(eur) de l’ouvrage de Rolf Recknagel*

Ret Marut alias B. Traven. De la République des Conseils de Bavière à la Forêt Lacandone

Librairie Païdos

* “Insaisissable. Les aventures de B. Traven” aux éditions l’Insomniaque
(fin 2008).

« Vous devriez avoir des papiers pour prouver qui vous êtes »,
me conseilla l’officier de police. « Je n’ai pas besoin de papiers,
je sais qui je suis », lui répondís-je. (Le Vaisseau des morts)

La sagesse viendra toujours trop tôt, la retraite toujours trop tard. Cet aphorisme pourrait s’appliquer à « l’anonyme célèbre » – pour reprendre le titre du magnifique livre que Golo a consacré à tracer son portrait (éditions Futuropolis, 2007) – qui a publié sous le nom de B. Traven une quinzaine de volumes de romans et de nouvelles entre 1926 et 1940, au club ouvrier de la Guilde du livre Gutenberg, en allemand. Et ses ouvrages, traduits dans une trentaine de langues, se sont vendus à trente ou quarante millions d’exemplaires et sont étudiés dans les écoles mexicaines.
La fameuse exception culturelle française fait qu’on n’y dispose que du tiers de son œuvre, et dans des traductions trop souvent contestables !

Traven semble s’être conformé toute sa vie au dicton tsigane : « Chacun a droit à sa place à l’ombre. » Qu’il fût fils naturel de l’empereur Guillaume II ou marin perdu, il demeure pour la postérité un des auteurs les plus magnifiques du XXe siècle. Polynyme par excellence, il a été défini comme « passionné de célébrité anonyme » par Théodore Zweifel, usant au gré des circonstances d’une vingtaine de pseudonymes.

Pourtant, le mystère dont il s’est entouré a suscité tellement de controverses qu’il est stupéfiant de suivre, dans l’impossible biographie que nous offrons au lecteur, le lacis de fils que tisse à plaisir tout un ramassis de « chasseurs de primes » acharnés à résoudre la Grande Énigme qui a nom Traven.

On ne sait que trop aujourd’hui ce qu’il est advenu des espoirs révolutionnaires nés de l’effondrement de quatre empires à la fin de la Grande Boucherie de 14-18. Or depuis 1917, Traven, qui signait Ret Marut, jetait ses rages et ses imprécations à la face des brutes galonnées dont il déjouait la censure de guerre dans sa revue Der Ziegelbrenner, vocable allemand désignant le fondeur de briques : curieuse revue à couverture rouge de la taille d’une briquette qu’il faisait imprimer à Munich et répandait urbi et orbi. Les rescapés du Premier Holocauste mondial étaient conscients que seule la révolution avait mis fin à la guerre, de la Russie à l’Allemagne, en passant par la Turquie et les Balkans. Et l’espoir d’un monde nouveau débarrassé des trois « ismes » du capital, de l’impérial et du colonial fut noyé dans le sang de Rosa Luxemburg, de Karl Liebknecht et des marins de Cronstadt. Préludes aux fascismes brun et rouge, selon la formule du téoricien communiste Otto Rühle.

En nos temps de manipulations forcenées et de racket à tous les étages,l’exemple de cet ultra-stirnérien n’est rien moins que salutaire. Ses convictions anarchistes, amplement développées dans sa période bavaroise, sont proches des noyaux « durs » du début du siècle, des « en-dehors ». Il cible ses ennemis : l’État, le principe d’autorité, le capitalisme, le nationalisme, la guerre, l’Église, la bureaucratie, les préjugés raciaux, mais aussi les partis politiques et le socialisme autoritaire ou institutionnel. Marut ne songe pas en l’occurrence à mettre sur pied une organisation stable des révolutionnaires ; il excelle en revanche dans le travail d’agitation et reconnaît le rôle des Conseils ouvriers et l’activité de la minorité agissante dans le processus insurrectionnel.

... Lire la suite :
- www.millebabords.org/spip.php?artic...

Son irréductible volonté d’anonymat va de pair avec sa vocation d’aventurier et d’explorateur infatigable. Se revendiquant de l’universalité humaine, il ne cessa de dénoncer les frontières qui enferment les hommes et les papiers d’identité qui les vendent à la police et ses sycophantes. Quelle insurrection encouragerait aujourd’hui l’homme qui a proclamé que l’Indien dépossédé est le frère et l’héritier du prolétaire occidental exploité ?

Son roman emblématique reste Le Vaisseau des morts. C’est celui qui souleva dès sa parution en 1926 l’enthousiasme de ses lecteurs ouvriers dans la République de Weimar, prouesse qui ne s’est pas démentie pendant plus d’un demi-siècle.
Il a fait l’objet d’un film éponyme en 1959, à la première duquel assista Hal Croves, fondé de pouvoir de Traven, à Hambourg : nouvelle mystification de l’auteur – car c’était lui, se masquant d’un geste vif le visage au moment où on le prenait de manière impromptue en photo.

Lorsque Traven affirme que « ce n’est pas tant l’or qui transforme les êtres que la puissance qu’il leur donne. C’est cela qui les excite, dès qu’ils voient de l’or ou même en entendent parler » (Le Trésor de la Sierra Madre), c’est pour souligner ce caractère inévitable du pouvoir et de l’argent qui rend le capitalisme invincible, et fait qu’on le perçoit comme une « seconde
nature ». Il estime néanmoins, tout au long de son œuvre, que la conscience individuelle permet de se soustraire à cette funeste combinaison : en partant d’une autre condition « naturelle » non encore soumise, mentalement et culturellement, aux rapports de domination capitaliste.

Mais, s’il existe une possibilité d’insurrection collective, de révolution, elle sera alors une explosion (flamboyante et sanglante comme dans La Révolte des pendus) instinctuelle – que ne dirigera aucune avant-garde, quelle qu’elle soit –, et certainement pas un processus articulé et progressif. Le pouvoir et ses symboles seront extirpés avec une violence égale à celle dont les exploités ont été les victimes. Ce sera une révolte libertaire, une délivrance élémentaire, mais efficace, conforme à la vision que pouvait avoir un révolutionnaire européen désillusionné par la fin des espérances dont avait été porteur un mouvement ouvrier désormais écrasé par les forces conjuguées du capital privé et de ses avatars étatistes, du spectacle diffus ou concentré, et de ce que Guillaume Paoli définit aujourd’hui comme le « World Trade Inc. » (Éloge de la démotivation, Nouvelles Éditions Lignes, 2008).

Finalement, rien ne nous interdit de penser qu’en faisant disperser en 1969 ses cendres au-dessus de la jungle chiapanèque, ce lointain adepte de Zoroastre ou de Mithra, ce nouveau « fils du Soleil », semait ainsi à sa façon la poussière matérielle qui deviendrait le ferment de la révolte zapatiste célébrée dans son œuvre.

Mahatma Kane

La rencontre sera suivie d’une exposition autour de B. Traven :
“De la révolution allemande à la révolution mexicaine”
du 17 février au 31 mars 2009
inauguration et rencontre le 18 février 2009 autour d’un pot

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Agenda de la semaine

samedi 27 avril 2024

dimanche 28 avril 2024

lundi 29 avril 2024

mardi 30 avril 2024

mercredi 1er mai 2024

jeudi 2 mai 2024

samedi 4 mai 2024

vendredi 10 mai 2024

vendredi 24 mai 2024