Une tribune pour les luttes

Le 22 juin 2008, les sans-papiers enfermés au centre de rétention administrative de Vincennes se révoltaient et leur prison brûlait.

Article mis en ligne le lundi 22 juin 2009

Cette révolte et cet incendie survenaient au lendemain du décès de Mr Salem Souli, un retenu tunisien mort faute de soins, et au terme de 6 mois de luttes continues faites de manifestations, grèves de la faim, refus d’obéir à la discipline et au règlement, départs de feu volontaires....

Le soulèvement des retenus de Vincennes n’est pas un épiphénomène. Partout dans le monde, les politiques de contrôle des mouvements de population sont de plus en plus répressives et les centres de rétention, zones d’attente et autres camps conçus pour trier et stocker les étrangers non autorisés à migrer se multiplient.

Face à cela, des millions de personnes, au péril de leur vie parfois, choisissent tout de même chaque année de quitter leurs proches et l’endroit où ils sont nés. Parallèlement, les formes de résistance se développent et s’intensifient. La liste des centres de rétention qui, suite à des rébellions ont brûlé partiellement ou totalement, est longue : Hadmonswoorth en Grande-Bretagne, Nantes, le Mesnil-Amelot, Plaisir, Bordeaux, Toulouse en France... Milan, Turin, Bari et Lampedusa en Italie, Steenokkerzeel en Belgique, Hal fair et safi à Malte, Edirne et Kumkapi en Turquie... La résistance prend plusieurs formes : occupation des toits, organisation d’évasions collectives dans plusieurs centres en Italie, refus de retourner en cellule et grève de la faim à Schiphol aux Pays bas, émeutes et bagarres avec les geôliers en solidarité avec les retenus bastonnés ou en instance d’expulsion, diffusion d’informations pour alerter celles et ceux qui sont dehors... A l’extérieur également, certain/es, avec ou sans papiers, participent à ces luttes. Opposition aux rafles dans les rues, aux expulsions dans les ports et les aéroports, mobilisation dans les tribunaux, manifestations contre les centres de rétention, campagnes contre les expulseurs et leurs collaborateurs, contact avec les enfermés pour diffuser les informations qu’ils veulent faire passer, solidarité avec les sans-papiers inculpés et emprisonnés suite aux révoltes... les luttes contre la machine à trier, enfermer et expulser sont multiples.

Aussi, manifester aujourd’hui devant le centre de rétention de Vincennes un an après la révolte n’a rien d’un anniversaire. Si la prison avait été définitivement détruite, si il n’y en avait pas des centaines d’autres, si la révolte des retenus s’était propagée à l’extérieur, si il n’y avait pas eu un mort, si personne n’avait été emprisonné ou expulsé suite à l’incendie, si seulement... alors nous pourrions nous réjouir.

Ce n’est pas non plus la commémoration d’un drame. Le drame c’est la mort de Salem Souli, les dizaines de tentatives de suicide chaque semaine parmi les retenus, les rafles, les expulsions... pas la destruction d’un centre de tri et de stockage humain de 280 places. 280 places qui ont fait cruellement défaut à l’administration française qui a d’ailleurs été obligée de ralentir le rythme des rafles en région parisienne.

Etre là aujourd’hui à Vincennes comme aux Pays-Bas (contre la construction d’un nouveau centre à Rotterdam) ou le 20 juin à Lille, Madrid ou Lyon où des manifestations doivent avoir lieu devant les Centres de rétention, c’est surtout s’inscrire dans toutes nos luttes quotidiennes, continuer à créer des liens, au-delà des frontières, des catégories et étiquettes créées pour mieux nous isoler. Parce que toutes ces politiques de contrôle des mouvements de populations s’inscrivent dans un système d’exploitation qui nous opprime tous/tes, derrière tous ceux et toutes celles qui sont enfermé/es derrière ces barbelés qui ne cessent de s’ériger, il y a aussi la liberté de chacun/e d’entre nous. A nous tous/tes d’envisager ensemble comment la conquérir.

Rassemblement devant le centre rétention de Vincennes

Vendredi 19 juin à 19h, RER A, arrêt Joinville-le-pont

Liberté de circulation et d’installation !

Liberté pour tous les inculpés lors de ces révoltes !

Liberté pour toutes et tous !

fermeturetention chez yahoo.fr


Depuis le 25 juin, dix ex-retenus ont été mis en examen pour « destruction de bien par incendie » et « violences sur agent ». La dernière arrestation, le 6 juin, a rouvert une instruction close depuis mars. Résultat : le procès ne devrait pas se tenir avant l’hiver prochain.
Les accusés risquent dix ans d’emprisonnement.

Sur les trente-cinq heures d’enregistrementdes caméras de vidéosurveillance, seules deux ont été montrées aux avocats. « Ce sont les policiers qui ont fait le montage, dénonce Henri Braun, l’un des avocats. C’est aberrant ! Personne n’a vu l’intégralité des bandes, pas même le juge d’instruction ! »
Et sur ce montage, on ne voit personne en train de mettre le feu quelque part, mais des allées et venues de gens dont on ne sait pas très bien qui ils sont. »
ajoute Irène Terrel. Trois avocats ont fait une demande de compléments d’actes afin d’avoir accès à l’intégralité des bandes. Cette demande leur a été refusée, la procédure d’appel est en cours. Idem pour la demande de reconstitution.

Me Terrel dénonce une « instruction complètement carencée en termes d’éléments de contexte et à décharge . Cette affaire est hallucinante. On se demande ce que tous ces gens font dans la procédure. On a pris au hasard des boucs émissaires sur lesquels la répression s’abat. » »
Elle n’est même pas certaine que son client, Ekma Mouktaré, ait été majeur au moment des faits. Ce qui n’a pas empêché la justice de le mettre huit mois en détention provisoire. Une incarcération que le jeune garçon a très mal vécue, multipliant les tentatives de suicide.

Pour le comité de soutien aux inculpés, l’acharnement du ministère public est la preuve d’un dossier hautement politique. « La fermeture des frontières est un axe central de la politique gouvernementale, explique une militante. Ceux qui luttent contre sont dans l’oeil du cyclone. Surtout si ce sont des étrangers qui peuvent donner de mauvaises idées de rébellion… »

Voir aussi l’article 11602

Nouvelles des inculpés de l’incendie du centre de rétention de Vincennes

Retour en haut de la page

Vos commentaires

  • Le 23 juin 2009 à 17:49, par Christiane En réponse à : Le 22 juin 2008, début de la « chasse aux soutiens »

    http://www.humanite.fr/2009-06-22_S...

    Dès le lendemain de la destruction du centre de Vincennes, le gouvernement lance une opération de décrédibilisation des associations solidaires des sans-papiers.

    Il y a un avant et un après l’incendie du centre de - rétention administrative (CRA) de Vincennes. Pour Richard Moyon, du Réseau éducation sans frontières (RESF), cet événement a été un « facteur déclenchant de la dénonciation des soutiens » par les autorités. Dès le lendemain, le gouvernement lance une opération de décrédibilisation des associations. Frédéric Lefebvre (UMP) accuse les « collectifs de type RESF » de « provocations aux abords de ces centres, au risque de mettre en danger des étrangers retenus ». Brice Hortefeux, alors ministre de l’Immigration, va jusqu’à porter plainte contre l’association SOS soutien aux sans-papiers pour « provocation à la destruction » et « dégradation et détérioration volontaires, dangereuses pour les personnes ».

    Est-ce un hasard également si, deux mois après l’incendie, le 22 août 2008, Brice Hortefeux signe un décret qui lance la réforme de la rétention ? Sous prétexte d’ouvrir à la concurrence l’aide juridique aux étrangers retenus, le gouvernement entend bien priver de parole la dérangeante Cimade, seule association habilitée à intervenir dans les CRA et qui ne se prive pas de dénoncer la politique d’enfermement. « La réforme avait été annoncée six mois avant, mesure Laurent Giovannoni, de la Cimade. Mais il y a un basculement : après l’incendie, le dialogue a été complètement rompu avec le ministère. Des modifications majeures ont été introduites dans le texte sans que nous en soyons informés. »
    Le secrétaire général de l’association rappelle qu’un autre événement a son importance en cette fin juin 2008 : trois jours avant l’incendie, le Parlement européen adopte la « directive retour », un tournant très dur dans la politique migratoire. « Les deux phénomènes se sont certainement conjugués. » Quant à savoir pourquoi le gouvernement a pris la Cimade dans son collimateur, Laurent Giovannoni cite une chanson de Guy Béart : « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté. » Et poursuit : « Cela faisait des mois qu’on tirait la sonnette d’alarme et le jour où la catastrophe arrive, on est désignés comme responsables d’avoir dit à l’avance qu’on allait droit dans le mur… »

    M. B.
    lundi 22 juin 2009.

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Thèmes liés à l'article

Sans-papiers c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 925