Une tribune pour les luttes

Lettres de Christian et Isabelle à l’Inspection Académique

Article mis en ligne le dimanche 21 juin 2009

Christian et Isabelle, Professeurs des écoles à l’école élémentaire Franklin Roosevelt, ont, comme près de 3 000 enseignants dans toute la France, adressé une lettre de désobéissance pédagogique à leur Inspecteur d’Académie, dans laquelle ils déclarent « refuser d’appliquer les réformes Darcos, qui font peser une menace sur le Service Public d’Éducation ».
Lors de la journée de grève du 10 mars dernier, ils étaient allés déposer leur lettre dans les bureaux de leur supérieure hiérarchique, l’Inspectrice de l’Education Nationale de la circonscription de Marseille 13, accompagnés d’une vingtaine d’autres enseignants grévistes solidaires...

Lire le rappel des faits : L’Inspection Académique veut les sanctionner
Rassemblement de soutien aux "désobéisseurs" :

- www.millebabords.org/spip.php?artic...


Isabelle BERARD
Ecole Franklin Roosevelt
5, rue Tivoli
13005 Marseille

Marseille, le 18 juin 2009

A Monsieur l’ Inspecteur d’Académie,
Directeur des Services Départementaux de l’Education nationale,
s/c de Madame l’Inspectrice de l’Education nationale de Marseille XIII
s/c de Madame la Directrice de l’école élémentaire Franklin Roosevelt

Objet : mise en œuvre d’une sanction – consultation du dossier

Monsieur l’Inspecteur d’Académie,

Le 9 juin 2009, j’ai pris connaissance de mon dossier DRH. La lecture des différentes pièces et des témoignages concernant les faits reprochés m’amène à vous signaler les inexactitudes qu’il comporte.

Il est vrai que les enseignants présents le 10 mars dans les locaux du CRDP contestent certaines réformes. Cependant, ils ne veulent nullement « imposer leur point de vue par la force » comme l’indique votre courrier au Procureur de la République, mais simplement l’exposer aux représentants du ministère. Il est d’ailleurs regrettable que toutes les demandes d’entretien avec vos services, émanant d’enseignants entrés en désobéissance pédagogique, restent sans réponse. C’est du reste à la suite de ces refus de dialogue que ces actions d’entrevues revendicatives avec les IEN ont été envisagées.

Le 10 mars à 14 heures, Christian Bernardini et moi-même nous sommes effectivement rendus dans les locaux de la circonscription de Marseille XIII afin d’y déposer notre lettre de désobéissance pédagogique. Nous étions accompagnés d’une vingtaine d’enseignants grévistes solidaires de notre démarche.

Selon la lettre que vous avez adressée au Procureur de la République, « cette intrusion a occasionné une grave perturbation au fonctionnement du service ». Nous n’avons pourtant rien fait pour porter préjudice au travail des personnels de la circonscription et n’avons contraint personne à suspendre ses activités.

Dans cette lettre, vous affirmez que notre entrée dans les locaux s’est déroulée « de manière agressive ». Je voudrais seulement préciser qu’après quelques civilités d’usage, nous nous sommes contentés d’annoncer que nous souhaitions rencontrer Mme l’inspectrice afin de l’informer des raisons de notre venue et lui remettre notre lettre. Ses collaborateurs nous ont alors expliqué que Mme l’inspectrice était absente et qu’ils ne savaient pas où elle se trouvait ni comment la joindre. Nous avons donc annoncé que nous attendrions son retour. Il s’est écoulé beaucoup de temps avant que l’on nous apprenne que Mme l’inspectrice était « en inspection » et ne reviendrait pas dans les locaux de la circonscription ce jour.
Je puis vous assurer que nous avons fait preuve de courtoisie et de respect envers le personnel de la circonscription et que nous n’avons constaté aucun manquement à ces règles de la part des autres personnes. Un dialogue serein a même pu être amorcé avec Mme Beton, inspectrice du CASNAV.

Vous écrivez également que les personnels ont pu « craindre que leur sécurité était menacée ». Or, je n’ai observé aucun comportement agressif envers eux, ni entendu le moindre propos insultant ou menaçant à leur égard ; nul n’a empêché, par quelque forme de contrainte que ce soit, les activités et les déplacements du personnel. M. Baraër lui-même affirme dans son témoignage du 11 mars, avoir occupé le « bureau de Madame l’Inspectrice […] pour continuer [son] travail. »

Par ailleurs, je tiens à vous signaler que les différents témoignages qui servent à étayer le dépôt de plainte me laissent dubitative. J’attire votre attention sur le fait que dans une procédure judiciaire il convient de faire preuve de précision.

Je m’interroge tout particulièrement sur le sens du témoignage de Mme Lucas qui affirme : « … un homme m’a bousculé pour se rendre dans le bureau des conseillères pédagogiques. J’ai reconnu un de nos enseignants : M. Bernardini. » Ce témoignage peut être lu de deux façons différentes :
a. D’une part, un homme l’a bousculée ; d’autre part, elle a reconnu M. Bernardini.
b. Un homme l’a bousculée : cet homme est M. Bernardini.
C’est d’ailleurs cette dernière interprétation que Monsieur Rebiha, du commissariat subdivisionnaire du 1er arrondissement, semble en avoir fait lors de notre audition du 12 mai, puisqu’il m’a demandé si j’avais vu M. Bernardini bousculer Mme Lucas. En ce qui me concerne, j’affirme, et le cas échéant plusieurs autres personnes pourront en témoigner, qu’il n’a pas bousculé Mme Lucas, ni qui que ce soit d’autre ; j’ajoute que je n’ai vu personne commettre de tels actes.

Du reste, selon les termes de Madame Nacer, inspectrice de l’Education nationale, dans son dépôt de plainte : « Il appert que ces deux enseignants [Mme Bérard et M. Bernardini] ont respecté les lieux et n’ont rien touché ». J’en prends volontiers acte.

Je m’étonne aussi des différences d’appréciation, en fonction des témoins, du nombre de personnes présentes, que j’estime pour ma part à une vingtaine.

Je suis consternée par l’interprétation que les divers témoignages veulent donner de l’idée que « ces bureaux, c’est des locaux de l’Education nationale, c’est donc aussi un peu les nôtres et on a bien le droit d’être là… » Cette phrase, que j’ai effectivement entendue, n’avait, j’en suis convaincue, d’autre objet qu’expliquer notre présence dans les locaux de la circonscription. Pourquoi dès lors la transformer en « Ce sont les locaux de l’Education nationale, donc les nôtres : on est chez nous. » et plus loin « On est chez nous, on fait ce qu’on veut. » (Mme Prin) « Nous sommes chez nous, on fait ce que l’on veut. » (Mme Lucas) « On est chez nous et on fait ce qu’on veut. » (Mme Boughanmi) « Nous sommes chez nous, ce sont des locaux publics. » et plus loin « On fait ce que l’on veut. On occupe les locaux. » (M. Baraër), sinon pour suggérer l’impression que nous nous étions « appropriés les locaux » par l’agressivité, la menace, voire la contrainte ? Quelqu’un aurait-il été empêché, par la force, d’entrer, de sortir, de se déplacer librement, de travailler ?

En tout état de cause, le témoignage le plus déconcertant est pour moi celui de Mme Boughamni, dont je ne parviens toujours pas à comprendre comment elle a pu avoir connaissance, depuis une salle qu’elle n’a pas quittée, de certains faits qu’elle relate comme ayant eu lieu dans les bureaux de la secrétaire et de Mme Nacer, bureaux dans lesquels j’assure n’avoir à aucun moment constaté sa présence.

Enfin, pour ce qui concerne les différents griefs évoqués par Mme Nacer lors de son dépôt de plainte (fouiller dans les dossiers, utiliser la cafetière de son équipe, manger leurs gâteaux, faire des photocopies, fumer sur le balcon) non seulement je n’ai absolument rien fait de tout cela, mais je n’ai vu personne d’autre le faire.

Sachez que je reste à votre disposition pour vous fournir toute précision ou tout complément d’information que vous jugeriez utile de me demander.

Je vous prie de croire, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, à l’assurance de mon dévouement auprès de tous mes élèves et à mon profond respect des valeurs attachées au service public d’Education.

Isabelle BERARD

- Copie aux organisations syndicales de l’Education nationale
- Copie aux relais d’opinion
- Copie aux conseillers pédagogiques de la circonscription Marseille
XIII


Christian BERNARDINI
Ecole Franklin Roosevelt
5, rue Tivoli
13005 Marseille

Marseille, le 18 juin 2009

A Monsieur l’ Inspecteur d’Académie,
Directeur des Services Départementaux de l’Education nationale,
s/c de Madame l’Inspectrice de l’Education nationale de Marseille XIII
s/c de Madame la Directrice de l’école élémentaire Franklin Roosevelt

Objet : mise en œuvre d’une sanction – consultation du dossier

Monsieur l’Inspecteur d’Académie,

Le 8 juin 2009, j’ai pris connaissance de mon dossier DRH. La lecture des différentes pièces et des témoignages concernant les faits reprochés m’amène à vous signaler les inexactitudes qu’il comporte.

Il est vrai que les enseignants présents le 10 mars dans les locaux du CRDP contestent certaines réformes. Cependant, ils ne veulent nullement « imposer leur point de vue par la force » comme l’indique votre courrier au Procureur de la République, mais simplement l’exposer aux représentants du ministère. Il est d’ailleurs regrettable que toutes les demandes d’entretien avec vos services, émanant d’enseignants entrés en désobéissance pédagogique, restent sans réponse. C’est du reste à la suite de ces refus de dialogue que ces actions d’entrevues revendicatives avec les IEN ont été envisagées.

Le 10 mars à 14 heures, Isabelle Bérard et moi-même nous sommes effectivement rendus dans les locaux de la circonscription de Marseille XIII afin d’y déposer notre lettre de désobéissance pédagogique. Nous étions accompagnés d’une vingtaine d’enseignants grévistes solidaires de notre démarche.

Selon la lettre que vous avez adressée au Procureur de la République, « cette intrusion a occasionné une grave perturbation au fonctionnement du service ». Nous n’avons pourtant rien fait pour porter préjudice au travail des personnels de la circonscription et n’avons contraint personne à suspendre ses activités.

Dans cette lettre, vous affirmez que notre entrée dans les locaux s’est déroulée « de manière agressive ». Je voudrais seulement préciser qu’après quelques civilités d’usage, nous nous sommes contentés d’annoncer que nous souhaitions rencontrer Mme l’inspectrice afin de l’informer des raisons de notre venue et lui remettre notre lettre. Ses collaborateurs nous ont alors expliqué que Mme l’inspectrice était absente et qu’ils ne savaient pas où elle se trouvait ni comment la joindre. Nous avons donc annoncé que nous attendrions son retour. Il s’est écoulé beaucoup de temps avant que l’on nous apprenne que Mme l’inspectrice était « en inspection » et ne reviendrait pas dans les locaux de la circonscription ce jour.
Je puis vous assurer que nous avons fait preuve de courtoisie et de respect envers le personnel de la circonscription et que nous n’avons constaté aucun manquement à ces règles de la part des autres personnes. Un dialogue serein a même pu être amorcé avec Mme Beton, inspectrice du CASNAV.

Vous écrivez également que les personnels ont pu « craindre que leur sécurité était menacée ». Or, je n’ai observé aucun comportement agressif envers eux, ni entendu le moindre propos insultant ou menaçant à leur égard ; nul n’a empêché, par quelque forme de contrainte que ce soit, les activités et les déplacements du personnel. M. Baraër lui-même affirme dans son témoignage du 11 mars, avoir occupé le « bureau de Madame l’Inspectrice […] pour continuer [son] travail. »

Par ailleurs, je tiens à vous signaler que les différents témoignages qui servent à étayer le dépôt de plainte me laissent dubitatif. J’attire votre attention sur le fait que dans une procédure judiciaire il convient de faire preuve de précision.

Je m’interroge tout particulièrement sur le sens du témoignage de Mme Lucas qui affirme : « … un homme m’a bousculé pour se rendre dans le bureau des conseillères pédagogiques. J’ai reconnu un de nos enseignants : M. Bernardini. » Ce témoignage peut être lu de deux façons différentes :
- a. D’une part, un homme l’a bousculée ; d’autre part, elle a reconnu M. Bernardini.
- b. Un homme l’a bousculée : cet homme est M. Bernardini.
C’est d’ailleurs cette dernière interprétation que Monsieur Rebiha, du commissariat subdivisionnaire du 1er arrondissement, semble en avoir fait lors de notre audition du 12 mai, puisqu’il m’a demandé si j’avais bousculé Mme Lucas. En ce qui me concerne, j’affirme, et le cas échéant plusieurs personnes pourront en témoigner, que je n’ai pas bousculé Mme Lucas, ni qui que ce soit d’autre ; j’ajoute que je n’ai vu personne commettre de tels actes.

Du reste, selon les termes de Madame Nacer, inspectrice de l’Education Nationale, dans son dépôt de plainte : « Il appert que ces deux enseignants [Mme Bérard et M. Bernardini] ont respecté les lieux et n’ont rien touché ». J’en prends volontiers acte.

Je m’étonne aussi des différences d’appréciation, en fonction des témoins, du nombre de personnes présentes, que j’estime pour ma part à une vingtaine.

Je ne suis pas surpris en revanche que certains membres du personnel m’aient « reconnu », puisque je me suis personnellement « identifié » et que j’ai annoncé que je travaillais à l’école Franklin Roosevelt.

Je suis consterné par l’interprétation que les divers témoignages veulent donner de l’idée que « ces bureaux, c’est des locaux de l’Education nationale, c’est donc aussi un peu les nôtres et on a bien le droit d’être là… » Cette phrase, que j’ai effectivement entendue, n’avait, j’en suis convaincu, d’autre objet qu’expliquer notre présence dans les locaux de la circonscription. Pourquoi dès lors la transformer en « Ce sont les locaux de l’Education nationale, donc les nôtres : on est chez nous. » et plus loin « On est chez nous, on fait ce qu’on veut. » (Mme Prin) « Nous sommes chez nous, on fait ce que l’on veut. » (Mme Lucas) « On est chez nous et on fait ce qu’on veut. » (Mme Boughanmi) « Nous sommes chez nous, ce sont des locaux publics. » et plus loin « On fait ce que l’on veut. On occupe les locaux. » (M. Baraër), sinon pour suggérer l’impression que nous nous étions « appropriés les locaux » par l’agressivité, la menace, voire la contrainte ? Quelqu’un aurait-il été empêché, par la force, d’entrer, de sortir, de se déplacer librement, de travailler ?

En tout état de cause, le témoignage le plus déconcertant est pour moi celui de Mme Boughamni, dont je ne parviens toujours pas à comprendre comment elle a pu avoir connaissance, depuis une salle qu’elle n’a pas quittée, de certains faits qu’elle relate comme ayant eu lieu dans les bureaux de la secrétaire et de Mme Nacer, bureaux dans lesquels j’assure n’avoir à aucun moment constaté sa présence.

Enfin, pour ce qui concerne les différents griefs évoqués par Mme Nacer lors de son dépôt de plainte (fouiller dans les dossiers, utiliser la cafetière de son équipe, manger leurs gâteaux, faire des photocopies, fumer sur le balcon) non seulement je n’ai absolument rien fait de tout cela, mais je n’ai vu personne d’autre le faire.

Sachez que je reste à votre disposition pour vous fournir toute précision ou tout complément d’information que vous jugeriez utile de me demander.

Je vous prie de croire, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, à l’assurance de mon dévouement auprès de tous mes élèves et à mon profond respect des valeurs attachées au service public d’Education.

Christian BERNARDINI

- Copie aux organisations syndicales de l’Education nationale
- Copie aux relais d’opinion
- Copie aux conseillers pédagogiques de la circonscription Marseille XIII

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