Une tribune pour les luttes

Visite du port autonome de Marseille

Conférence de presse de Frédéric DUTOIT

député, maire des 15ème et 16ème arrondissements de Marseille.

Article mis en ligne le lundi 25 octobre 2004

Marseille, le 22 octobre 2004.

Le port autonome de Marseille, un poumon économique au cœur de l’arc méditerranéen

Le port autonome de Marseille est le premier port de commerce en France, le troisième en Europe derrière les ports de Rotterdam, Anvers et Hambourg ; il est dans le top 10 des principaux ports de la planète. En Méditerranée, il est en pole position. Longtemps considéré comme le poumon économique de Marseille - il fait vivre, directement et indirectement, 40 000 familles -, c’est l’un des grands atouts économiques de l’arc méditerranéen, ouvert sur tous les continents à travers le trafic qu’il génère.

Dans le même temps, sous l’impulsion de l’Etat, des collectivités territoriales et locales, il doit impérativement contribuer à favoriser l’émergence de nouvelles activités économiques génératrices de créations d’emplois dans le centre et les Quartiers Nord de Marseille, dans les zones franches et bien au-delà. Il convient d’ailleurs de se pencher sur cette liaison entre le site portuaire et son environnement géographique le plus proche.

Je suis ainsi persuadé que de futures coopérations entre le port autonome, les entreprises qu’il accueille et des entreprises qui jouxtent ou jouxteront l’enceinte portuaire sont possibles. Elles accélèreraient la dynamique de ces quartiers en mutation. L‘exemple de la Zac Saumaty est révélateur de ce potentiel. Il serait judicieux, à présent, de prendre des initiatives dans cette direction. Je le dis d’emblée : comme député, comme maire des Quartiers Nord de Marseille, je suis disponible pour franchir cette nouvelle étape.

C’est autour de son port que la cité phocéenne a façonné son identité, sa personnalité. Grâce à la mer, elle s’est affirmée, s’est inventé une âme, une culture.

Disons-le clairement, le port autonome de Marseille est en meilleure santé, même si elle demeure fragile. Ses bassins Est sont toujours là, disponibles pour accueillir de l’activité économique basée sur le commerce, le transport des marchandises et des passagers. Ils bénéficient d’une logique de diversification qui, sous réserve de quelques garde-fous et d’une meilleure implication de l’Etat, pourrait dynamiser l’ensemble des activités portuaires. Ses bassins Ouest attirent des projets qui conforteront les qualités opérationnelles du port autonome de Marseille face à la concurrence internationale.

Sur le fond, la vocation maritime de la capitale régionale doit s’inscrire dans une stratégie cohérente d’aménagement et de développement durable des territoires, de La Ciotat, avec l’émergence tant espérée d’un pôle de haute plaisance, à Fos-sur-mer, avec l’évolution positive de dossiers majeurs comme le projet 2XL destiné à doubler sur place les capacités d’accueil de containers.

Je pense que l’atout majeur de cet espace industrialo portuaire, d’Est en Ouest des Bouches-du-Rhône, réside dans sa capacité à jouer la carte de la complémentarité : la complémentarité géographique et la complémentarité des activités économiques.

Cette cohérence repose sur l’harmonisation des activités économiques comme la réparation navale industrielle de haut niveau, la réparation de grande plaisance, les plate-formes logistiques pour l’accueil, la distribution et la transformation des marchandises, le transport desdites marchandises et des passagers, le cabotage maritime, les croisières, un centre commercial et ludique sur un espace mi-portuaire mi-urbain, la plaisance, la pêche.

Il va sans dire que cette cohérence doit strictement respecter la réglementation du Domaine public maritime, laquelle doit être surveillée comme le lait sur le feu face aux appétits des promoteurs immobiliers en mal d’espaces en bord de mer. Aux appétits des promoteurs immobiliers et aux tentatives de la Ville de Marseille de créer un port de plaisance de 2 000 à 3 000 anneaux à l’Estaque. Un quartier de Marseille où l’accès piétonnier au littoral, jusqu’aux plages de Corbières, doit absolument être réalisé, conformément aux engagements pris lors de moult réunions de concertation avec les habitants.

A propos de l’aménagement du territoire, j’insiste de nouveau sur le fait qu’il faut arrêter de disséminer des containers dans le tissu urbain marseillais. Pour proposer une alternative à cette réalité qui empoisonne la vie des familles des Quartiers Nord, il est grand temps de réaliser l’ouverture de l’autoroute A55 sur le Jas de Rhodes afin de re-concentrer et de re-localiser sur le site des carrières Lafarges actuellement inexploité l’ensemble des containeurs installés à proximité des habitations.

Je ne fais ici que répéter ma proposition qui remonte déjà à plusieurs années. Elle vise tout simplement à respecter les riverains et leur environnement sans pénaliser l’activité économique.

Le port autonome de Marseille doit redevenir l’une des plaques tournantes des échanges internationaux. S’ouvrir, proposer ses services, ses compétences, ses savoir-faire. Mieux desservir la Corse et se tourner plus résolument vers le Maghreb par exemple.

Maintenir et renforcer les activités traditionnelles du port autonome s’impose. Je ne remercierai jamais assez les agents, les personnels des entreprises qui, par leur vigilance, leur clairvoyance et leur sens de l’intérêt général ont grandement contribué à sauvegarder cette capacité de Marseille et de son port à redresser la barre, à optimiser les qualités et le rayonnement de cette vitrine économique.

Le port de Marseille, c’est avant tout des entreprises et des hommes. Aussi, deux dossiers dans l’actualité retiennent tout particulièrement mon attention : le devenir de la Société nationale Corse Méditerranée et la nouvelle tentative de libéraliser les services portuaires en Europe.

... La Société nationale Corse Méditerranée traverse une grave crise qui, si elle n’est pas solutionnée par le haut, risque de peser lourdement sur son avenir même. Aussi, ai-je adressé, le 13 octobre dernier, un courrier à Gilles de ROBIEN, ministre de l’Equipement, des Transports, de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de la Mer. En substance, je lui ai dit qu’ « aujourd’hui, il y a objectivement intérêt à définir une stratégie audacieuse de sortie de crise afin de ne pas l’enfermer dans la spirale des plans sociaux qui pénalisent in fine les personnels et l’entreprise elle-même ». Par ailleurs, j’ai insisté sur l’urgence d’une table ronde, notamment avancée par la plate-forme syndicale de la société, qui réunirait les ministères concernés, la présidence et les représentants des personnels de l’entreprise, le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Collectivité territoriale de Corse.

Cette table ronde doit avoir pour objet de réaffirmer une logique d’intérêt général et d’arrêter des dispositifs visant à garantir l’avenir de la compagnie nationale, à pérenniser les missions de service public maritime entre le continent et la Corse, à renforcer les liaisons entre Marseille et le Maghreb, et à préserver l’emploi des personnels sédentaires et des marins quel que soit leur lieu de résidence.

... La libéralisation des services portuaires en Europe essaie de revenir par la fenêtre après avoir été jetée par la porte. Un document de travail de la Commission des communautés européennes, en date du 13 octobre dernier, circule actuellement à Bruxelles ; c’est - je cite - « le projet de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès au marché des services portuaires »

Pour mémoire, ce projet de directive européenne a été rejeté par le Parlement européen en séance plénière le 20 novembre 2003. Personnellement, je persiste à penser que ce projet menace directement les statuts des ouvriers dockers, des marins portuaires, des agents et des personnels administratifs des ports. Pour moi, il ne fait aucun doute que l’ouverture à la concurrence desdits services portuaires, notamment l’auto assistance dans les ports, encouragerait le dumping social, la dégradation des conditions de travail et d’embauche et, dans le même temps, risquerait de favoriser de nouvelles catastrophes environnementales.

Face à ces réels dangers et face au non respect du vote des parlementaires européens qui date de moins d’un an, je m’adresserai dans quelques jours au Premier ministre français, au président du Parlement européen et aux présidents de tous les groupes parlementaires européens.

Le port autonome de Marseille dépend des conjonctures nationale et internationale, y compris des politiques néo-libérales, à l’instar des stratégies de délocalisation de grandes entreprises comme Neslé à Marseille. Outre les ravages sociaux qu’elles provoquent, elles risquent, à court terme, de ralentir certains trafics portuaires relatifs aux transports de marchandises comme le café ou le cacao.

A mon sens, le port doit veiller à diversifier et, peut-être, à réorienter ses investissements - des investissements publics renforcés par des investissements privés -, à moderniser ses équipements afin de limiter les effets des mauvaises conjonctures économiques. Il doit être en mesure, à partir de ses propres atouts, d’anticiper l’évolution des marchés, de prioriser l’implantation de projets structurants, l’arrivée de nouvelles entreprises.

Enfin, ne serait-il pas opportun, en partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence, les services de l’Etat, le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Conseil général des Bouches-du-Rhône, de constituer une cellule de veille qui serait chargée d’accompagner les entreprises en difficultés afin d’éviter les cessations d’activité ? Elle pourrait également se pencher sur l’étude de projets en sommeil ou en émergence qui pourraient s’installer sur le port. Je pense tout particulièrement à ce dispositif pour aider les entreprises de la réparation navale.

Le port autonome de Marseille est capable - j’en ai eu confirmation toute la journée sur place - de réussir de nouveaux challenges, même si j’estime que l’Etat serait bien inspiré d’accompagner avec plus d’ardeur ce dessein. Par exemple, il serait bien intentionné de prendre davantage en charge le financement de la sûreté renforcée dans les ports afin de sécuriser les installations, les terminaux, les bateaux, les marchandises, les personnels des entreprises. Il libérerait ainsi de nouvelles capacités financières pour le port. Malheureusement, l’examen du budget de l’Etat consacré à la mer confirme que le gouvernement tente d’amplifier son désengagement financier dans la gestion des ports.

J’observe par ailleurs - avec de vraies inquiétudes - que parallèlement à ce dispositif de sécurité, appelé Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, le gouvernement coupe les vivres des services des Douanes, lesquels souffrent d’un manque criant de personnels et de moyens logistiques pour assumer leurs missions de service public.

Au chapitre de la sécurité des biens et des personnes, il convient également d’être très attentif à l’installation, à Fos-sur-mer, du plus grand terminal méthanier d’Europe par Gaz de France. Aujourd’hui, il manque des garanties. Pourquoi ne sait-on toujours pas, à ce jour, quel personnel réalisera les opérations de branchement et de débranchement des tuyauteries des navires ? Pourquoi ne pas s’en tenir aux compétences des agents de Gaz de France ou des agents du port autonome ?

Le respect des statuts et des conventions collectives ne se discute pas. C’est un gage d’efficacité sociale et économique, un gage de sécurité pour les équipements, pour les populations qui vivent à proximité de l’enceinte portuaire.

Cette vision d’ensemble du port autonome de Marseille, à partir de ses bassins Est et Ouest, positionne la cité phocéenne et la région au centre de l’aire euro-méditerranéenne elle aussi en mutation. Elle leur confère de nouvelles responsabilités. La vocation maritime de Marseille doit s’enrichir de nouvelles avancées.

La réparation navale a grand besoin d’un nouveau souffle. Les installations portuaires doivent pouvoir aider les entreprises à être plus compétitives et conquérantes sur le marché exponentiel de la haute plaisance. Un grand pourcentage des yachts croise en Méditerranée ; les experts prévoient un doublement de la flotte mondiale des bateaux de plus de 50 mètres d’ici 2010 ; 65% des anneaux « grande plaisance » sont concentrés entre Toulon et Monaco. Trop peu de travaux d’entretien et de réparation lourde sont réalisés à Marseille ou à La Ciotat.

Marseille a par ailleurs vocation à devenir la plaque tournante du cabotage maritime dans l’espace méditerranéen, avec également ses débouchés naturels sur le trafic fluvial du Rhône.

Le transport des marchandises de port en port a presque disparu chez nous. C’est une activité qui mérite d’être activement relancée. C’est une alternative au transport routier vers l’Italie et l’Espagne, une vraie complémentarité avec le ferroutage pour désengorger les autoroutes. La région pourrait ainsi récupérer une partie du trafic de conteneurs qui transite par les ports de Gioia Toro et Algesiras.

L’efficacité d’une relance du cabotage maritime doit impérativement reposer sur une approche multimodale, sur une meilleure connexion des ports avec les réseaux ferroviaire et fluvial.

La plaisance est à mes yeux une activité à favoriser. Elle occupe une grande place dans le cœur des Marseillais. C’est une pratique de loisirs à encourager dans le plus grand respect de l’environnement marin, en cohérence avec l’amélioration de la qualité des eaux.

Il y a dans l’agglomération marseillaise 10000 anneaux et 10000 demandes d’anneaux. C’est objectivement une réelle difficulté à gérer. Il est impossible de doubler les capacités d’accueil, sauf à bétonner le littoral comme le propose la majorité Ump-Udf de l’Assemblée nationale avec une modification de la « loi littoral ».

Aussi, pour solutionner en partie ce problème, toutes les possibilités doivent étudiées, comme la création de ports à sec et de parcs à bateaux avec des rampes de mise à l’eau, sans bien évidemment les concentrer sur un même site du littoral marseillais, comme à l’Estaque par exemple. Sous la réserve expresse qu’ils ne dégradent pas l’environnement, à condition qu’ils soient pratiques, accessibles et adaptés aux besoins des usagers sans avoir systématiquement recours à de la manutention.

On le voit, les activités liées à la mer sont plurielles et recouvrent une grande variété de métiers. A ce propos, il est indispensable de rapprocher les offres et les demandes d’emploi, et d’investir dans la formation des jeunes, par exemple dans la réparation navale où les métiers traditionnels cohabitent avec de nouveaux métiers.

Plus généralement, en liaison avec l’Institut de promotion et de formation aux métiers de la mer crée à la Seyne-sur-mer, je pense qu’il est urgent d’imaginer de nouveaux concepts de formation, pour les centres d’apprentissage, les lycées professionnels et l’université. Il y a des vides à combler, comme l’absence d’un lycée de la mer et d’une filière spécifique aux métiers de la mer, notamment maritimes et portuaires.

Les Quartiers Nord de Marseille ont vocation à accueillir ces établissements de formation. Je propose d’ailleurs d’engager une vraie réflexion sur ce sujet. Les Quartiers Nord ont tous les avantages : ils disposent de grandes réserves foncières et d’une bonne logistique ; ils sont près de la mer. De plus, s’inscrire dans cette visée, sur la Zac Saint-Louis notamment - les Abattoirs comme on dit - serait complémentaire de la présence sur place de l’Ecole de la deuxième chance et de la direction régionale des Arts et Métiers.

L’ensemble de cette dynamique devrait procurer une valeur ajoutée au rayonnement du port autonome de Marseille et à ses entreprises tournées vers l’avenir.

F.D.

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