« Dormir devant tout le monde » tel est le calvaire que s’infligent depuis un mois Damien et Antoine, leur galetas échoué sur le trottoir du boulevard Chave à Marseille. Aujourd’hui la ville est grise, il ne gèle pas mais le froid est tenace pour dormir le long des voies du tramway. « On est pas de la merde » m’explique de but en blanc Damien pendant qu’Antoine somnole encore sous les gros édredons qu’ils ont installé au numéro 172 du boulevard. « On est visibles », et même acceptés aujourd’hui dans le quartier, comme si tout le monde entérinait cette situation, en donnant trois sous, une pitance ou en régalant une bière comme les clients du pub hier soir.
On se demande souvent comment on finit à la rue. La faute à la société, l’individualisme, le manque d’amis, l’absence de famille ? Damien m’ a raconté avec une pointe d’accent comment il est parti de rien, de Reims : « Je viens de Riince ; euh Reims en Champagne. J’ai été élevé chez ma tante qui m’envoyait deux claques par jour. Mes sœurs, elles ont été élevées chez ma grand-mère, elles ont eu plus de chance. » Lui a toujours voulu vivre à Marseille, guère pour le soleil enpastisé, non un maigre souvenir d’enfance, quand il demeurait avec ses parents forains et qu’ils couraient la France de Lille à Avignon. Un jour, à l’aube de ses huit ans, son père est mort, et sa mère dans la foulée les a abandonné, lui et ses trois sœurs. De l’école près des caravanes, il est passé au rythme sédentaire.
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