Une tribune pour les luttes

« Les gouvernements, par définition, n’ont pas de conscience »Albert CAMUS,

( Témoins n°5, printemps 1954) …
et certains moins que d’autres encore.

Article mis en ligne le mercredi 2 novembre 2011

Tentative d’expulsion d’une famille arménienne
de Verdun.

 http://blogs.mediapart.fr/blog/resf/021111/les-gouvernements-par-definition-nont-pas-de-conscience-et-certains-moins-que-

 

et ci-dessous :

 

« Les gouvernements, par définition, n’ont pas de
conscience »
(Albert CAMUS,

Témoins n°5,
printemps 1954)
… et certains moins que d’autres encore.

 

Marine et Chamal AVDALIAN, un
couple sans histoire, vivaient en
Arménie. Du fait de leur appartenance à une minorité religieuse, les Yézides, ils
ont été persécutés et ont dû fuir leur pays en 2003 et sont venus se réfugier
en Europe ; en Suède d’abord où ils ont eu leur 1er

enfant, Jamal en 2004, puis en Allemagne où leurs deux autres enfants,
Khanumzar (6 ans et demi) et Uso (5 ans) sont nés.

En
2007, ils ont été renvoyés dans leur pays d’origine, l’Arménie, où
ils ont vécu cachés jusqu’en juin 2009, date à laquelle Chamal et Marine
AVDALIAN sont arrivés sur le territoire
français avec l’espoir de pouvoir vivre
enfin en paix,
sans se cacher, sans avoir peur. La France, pays des droits de l’Homme
avec un grand H, de tous les hommes donc. Pays dont la devise fait rêver
d’une vie meilleure : LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE.

Je voudrais y croire encore… En tout cas, eux y croient !

Depuis cette date, la famille AVDALIAN met
tout en œuvre pour comprendre le fonctionnement de la France, sa culture, et ses lois
qu’elle respecte d’ailleurs scrupuleusement.

Marine, Chamal et leurs 3 enfants habitent
actuellement Verdun, en Meuse où ils sont très appréciés.

Ils vivent comme vous
et moi. Les parents parlent français, s’occupent de la santé de leurs
enfants, les emmènent à l’école chaque jour depuis 2 ans, participent aux
réunions, accompagnent les voyages scolaires. Les 2 ainés, eux aussi
s’expriment couramment en français avec leurs amis. Chamal AVDALIAN a été
élu depuis juin 2010 représentant du conseil de vie sociale du CADA et assume
son rôle avec beaucoup de sérieux. Il a aussi effectué bénévolement pour le
CADA des traductions en 6 langues. La famille a instauré de bonnes relations
avec l’ensemble de ses voisins et s’est fait des amis. De plus Chamal
a obtenu une promesse d’embauche en
CDI (maçonnerie).

Tout dans la vie de cette famille témoigne de son
intégration.
Si Marine et Chamal AVDALIAN vivent en apparence
« normalement », ils ont pourtant une épée de Damoclès en permanence
au dessus de la tête
.

Et oui, ce sont des demandeurs d’asile !
Et ils ont vécu le parcours tragiquement banal des demandeurs d’asile
aujourd’hui en France : 1ère demande rejetée en décembre 2009, appel
rejeté aussi assorti d’une Obligation de Quitter le territoire
Français : l’épée est tombée le 15 octobre 2011 avec brutalité et dans
la douleur !

« A 6h45 la police a toqué à la porte de notre logement
(8 personnes avec une traductrice russe). Mon épouse et moi avons compris tout
de suite ce qui allait se dérouler. Ma femme s’est mise à pleurer en
criant de ne pas toucher aux enfants. Ils m’ont dit que j’avais 15
min pour rassembler mes affaires et qu’ils allaient nous ramener dans un
centre de rétention. J’ai demandé pourquoi ils nous faisaient ça. Ils ont
répondu qu’ils faisaient leur travail et que c’était les ordres. »
Chamal Avdalian

Ils faisaient leur travail… Et
oui, il y a toujours des exécutants au bout de la chaîne. Il faut
bien des fonctionnaires de l’Etat pour faire le « sale
boulot », des personnes à qui l’on demande d’appliquer des
mesures qui broient des vies.

« J’ai parlé des problèmes de santé de mon fils
Uso, de tous les gestes à faire lors de son réveil et du traitement médical
très important pour lui. J’ai signalé qu’il pouvait arriver un
incident à mon fils sur la route jusqu’à Paris et j’ai demandé
qui en porterait la responsabilité, je voulais un nom. Ils se sont retranchés
derrière les ordres reçus. »
Chamal Avdalian

Les ordres, toujours les
ordres ! Mais qui donc ordonne
sans connaître les personnes qui subissent l’arrestation ? Si les
décideurs de cette expulsion connaissaient cette famille, ils auraient su
qu’un de leurs enfants était malade, ils auraient
prévu (on
peut l’espérer) des dispositions particulières. La dépersonnalisation
facilite évidemment la prise de décision… Chamal, Marine AVDALIAN et
leurs 3 enfants (dont le plus jeune est malade) ne sont plus alors des Hommes
mais un dossier à traiter ! C’est consternant !

« J’explique alors que je suis en France depuis
26 mois et que je connais les lois, ils m’ont répondu qu’une fois
au centre de rétention j’aurais le temps de faire le nécessaire avec un
avocat. J’ai répondu, Monsieur, on est samedi et je ne pourrai contacter
personne, vous avez pris nos portables. »
Chamal Avdalian

Voilà une affaire rondement
menée ! Arrêter toute une famille un samedi et confisquer leurs
téléphones… C’est vrai que c’est finement pensé, on ne peut
guère trouver mieux comme procédé pour empêcher cette famille de réagir et de
se défendre. Ecœurant !

« Ils avaient des sacs poubelle et ont commencé à vider
les armoires et à remplir les sacs, à vider tous les meubles et à rassembler
nos papiers. Ils sont allés dans les chambres et ont habillés les enfants alors
que je venais de leur dire comment il fallait faire avec Uso selon les
consignes du médecin. Mais ils ne m’écoutaient pas. J’entendais mes
enfants pleurer. J’essayais d’expliquer ma situation aux autres
policiers, pourquoi j’étais ici en France. […]Je suis allé dans la
chambre de mon fils entre des policiers qui m’entouraient. J’ai vu
que l’armoire était vidée et à côté il y avait un sac poubelle plein.
J’ai alors dit que nous n’étions pas des chiens et que les affaires
de mes enfants n’étaient pas des détritus. J’ai cherché mes enfants
et ils n’étaient plus là. J’ai paniqué et la police m’a dit
de ne pas m’inquiéter, ils étaient dans la voiture. J’ai
compris qu’ils avaient fait exprès d’éloigner mes enfants. Je
ne voulais pas les laisser seuls. Donc nous sommes descendus. »
Chamal
Avdalian

Voilà comment en 15 min, sur
commande, la vie de 5 personnes ciblées se retrouve dans des sacs poubelles ! Leurs
vies ont-elles si peu de valeur qu’elles ne méritent pas mieux ?
Mais pas le temps pour la dentelle, il fallait faire vite, ne pas rater
l’avion. Quel avion me direz-vous ? C’est vrai, il n’a
pas été question d’avion jusqu’ici, mais de centre de rétention.
Pourtant c’est bien à l’aéroport de Roissy que la famille AVDALIAN
allait être conduite. Mentir à Marine et Chamal et utiliser leurs enfants pour les
faire monter dans la voiture, voilà où on est aujourd’hui, dans ce
pays !

« Les policiers se sont arrêtés sur un parking en face
de l’aéroport, des gens rentraient et sortaient, il y avait des taxis.
J’ai réalisé qu’ils n’avaient pas l’intention de nous
emmener en centre de rétention mais bien de nous renvoyer en Arménie. Je
l’ai dit à ma femme, elle a pleuré et j’étais choqué. »
Chamal
Avdalian

La famille a été conduite dans un
commissariat proche de l’aéroport où un policier est venu informer Chamal
qu’ils allaient être conduits à l’aéroport.

« J’ai demandé à voir un avocat ; des
organisations susceptibles de m’aider. J’ai expliqué ma situation
[…]. Ils m’ont dit que toute la procédure était terminée et je
n’avais pas de chance, pas d’avocat et personne pour nous aider.
J’ai regardé un policier de Verdun en pleurant et je lui ai fait
comprendre qu’il m’avait menti en me parlant du centre de rétention.
Il m’a regardé le visage un peu gêné et a tourné la tête. »
Chamal
Avdalian

Ce policier avait de quoi être mal
à l’aise, se sentir coupable même. Les actes que l’on ordonne aux policiers sont abjects et
méprisables.

« Après, j’ai parlé de la France, des lois, de la
démocratie et du pays des droits de l’Homme. »

Chamal AVDALIAN a choisi la FRANCE
pour ses valeurs, parce qu’il pensait qu’il y serait respecté,
parce qu’il pensait que lui et sa famille pourraient y vivre libres et
égaux.

Chamal, son épouse et leurs 3
enfants ont été conduits au pied de l’avion dans lequel ils devaient
embarquer pour le pays qu’ils ont fui. Connaissant ses droits, Chamal
AVDALIAN a refusé avec courage de sortir du véhicule. Le policier l’a
informé qu’ils iraient en prison. Pour leur sécurité et celle de leurs
enfants, Marine et Chamal ont couru le risque, préférant la prison française
plutôt que l’Arménie.

Ils ont finalement été relâchés
après avoir été interrogés et sont rentrés à Verdun par leurs propres moyens
(taxi et train).

Ce que la famille AVDALIAN
a subi ce 15 octobre 2011 est inacceptable.

Monsieur le Président de la
République, jeudi dernier, sur TF1 et France 2, disait à propos de la
France : « Il n’y a pas un pays d’Europe ou du monde qui
est aussi généreux avec les étrangers ».

Je
ne demande qu’à croire M. Sarkozy.

Mais, faire vivre une famille
irréprochable dans la peur, faire subir à des enfants un traumatisme (l’arrestation
dont les conséquences sont lourdes :
cauchemars, peur panique de la police, difficulté de séparation entre parents
et enfants) qu’ils ne sont pas prêts d’oublier n’est pas de la générosité. C’est
la preuve de la déshumanisation totale du traitement infligé aux sans-papiers.

Accueillir des familles demandeuses d’asile pour les jeter ensuite n’est pas de
la générosité.

En
offrant à la famille
AVDALIAN la possibilité de s’enraciner à notre pays,
d’adopter notre culture, nos codes, nos lois, la France leur a donné le
faux espoir d’une vie meilleure pour eux !


où le Président de la République voit de la générosité, j
e vois de la cruauté.

« Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que
notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société
des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des
immigrés[…] »
Stéphane Hessel

L’histoire de Chamal, Marine, Jamal, Khanumzar et Uso
peut encore bien se finir.

Ne
perdons pas l’une des composantes essentielles qui fait l’être
humain : la faculté d’indignation et l’engagement qui en
découle.

L’indifférence
serait la pire des attitudes !

Pour la régularisation de cette famille,
engageons-nous !

Signons la pétition : http://resf.info/P2028

 

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Vos commentaires

  • Le 2 novembre 2011 à 22:43, par Christiane En réponse à : Récit d’une rétention : « Ils disent que ce n’est pas une prison »

    A. Lombre
    travailleur en rétention

    http://blogs.rue89.com/la-retention...

    Je sors et je rentre dans une salle dite « salle de détente ». Il y a un baby-foot. Je n’y ai jamais joué. Dans la cours, une table de ping pong. Je demande à jouer avec quelqu’un mais il n’y a ni balles ni raquettes. Je comprends qu’ici on s’ennuie vite. Pourtant ils disent que ce n’est pas une prison. On est enfermé sans aucune possibilité d’activité. Je ne sais pas comment appeler ça...

    Je voulais vous raconter l’histoire de B., un jeune tunisien. quand je suis rentré ici, il m’a dit qu’il était le plus ancien et là depuis 42 jours. Quand il m’a dit ça, j’ai eu peur pour moi. J’ai un boulot, je ne peux pas rester même 10 jours ici. Je vais tout perdre. Mais il me rassure. Il me dit que j’ai un enfant et une femme, que je verrai l’association et qu’ils me diront comment faire. Ici, tu restes cinq jours et après tu vois le juge. Soit il te libère, soit il t’ajoute vingt jours. Il connaît tout ici ce jeune tunisien. Les policiers, l’heure des repas et les lois...

    Je retourne dans ma chambre. Ma femme me téléphone au numéro du centre. Je la rassure. Je suis enfermé mais je ne vais pas le rester longtemps. Je pars me coucher et quelques minutes après je vois les policiers ouvrir ma porte, me regarder et dire un chiffre. Ils sont en train de nous compter. Je constate qu’ici je ne suis qu’un chiffre. La preuve, le lendemain on nous réveille à 7h pour le petit déjeuner. Une voix qui résonne dans les hauts parleurs. On se met tous devant la porte. Je dis bonjour mais personne ne répond. Ils sont encore en train de nous compter. Et ça c’est le plus important pour eux.

    Mon ami tunisien en est à 44 jours de rétention. Bientôt c’est fini. Mais une policière vient lui dire qu’ils l’ont eu. Que demain il partait au pays par bateau. Il décide de passer à l’action. Il ne se laisserait pas faire. Il a avalé des lames de rasoir bien enveloppé dans du scotch, avec du pain. Il avale aussi du gel douche. A 2 heures du matin, on l’entend crier. Il est à moitié nu et hurle qu’il a mal. On appelle les policiers.. Leur première réaction c’est de dire que c’est de la simulation. Ils le regardent longtemps avant de se décider à appeler le SAMU. On lui donne une chemise et un pantalon et il part sans chaussures. C’est la dernière fois qu’on l’a vu. On apprendra par la suite qu’il a été renvoyé au pays comme ça, sans bagages ni chaussures.
    Pourquoi courir après le lion quand la prime au lapin...

    Je rencontre enfin l’association qui aide les étrangers au centre. Là, on m’a donné des conseils mais surtout écouté. Et ça c’est énorme quand on se retrouve dans cette situation. Je voulais les voir chaque jour mais je comprends vite qu’ils ne peuvent pas le faire. Trop de monde à voir chaque jour. L’association n’a que peu de moyens par rapports aux policiers. Si les policiers passaient plus de temps à rechercher les bandits, les violeurs, les braqueurs ou les tueurs... Mais bon, pourquoi courir après le lion quand la prime au lapin est plus élevé.

    Le 25 septembre, j’ai eu rendez-vous avec le juge des libertés. Je fais venir ma femme et mon enfant de six mois. Il renouvelle pourtant ma rétention de vingt jours. Je pleure dans la salle avec ma femme. Elle avait préparé à dîner pour mon retour. Je retourne au centre avec un grand désarroi. Toujours rien à faire. Pas même lire.... Le vide entre quatre murs. Je trouve que c’est pire que la prison.

    Quelques jours plus tard, arrivent cinq jeunes tunisiens. Ils sont d’une énergie à faire tomber les montagnes. Dès leur arrivée dans le centre, ils parlent avec tout le monde, ils chantent, dansent et courent partout. Les deux premiers jours, ils sont encore pleins de vie. Le troisième jours, leur comportement change. Maintenant, une seule question : comment sortir de là...

    Je les entend parler. Ils veulent forcer une porte mais comprennent vite que c’est impossible.

    Le climat est tendu dans l’espace de vie... Tout le monde est un peu énervé. Juste avant de passer chez le juge, je vois Y. que se pend dans la cour en sautant de la table de ping pong, le drap accroché aux grilles du toit. Le choc est terrible. Je n’avais jamais vu de pendu. C’est effrayant. Un ami lui tient tout de suite les jambes. on appelle les policiers. On détache le drap. Il est allongé, encore vivant. Le SAMU vient et l’emmène à l’hôpital. Il sera libéré deux jours plus tard. C’est dur de devoir en arriver là. Tout ça parce qu’il faut faire partir le plus de gens possible.
    La tension monte

    Après la tentative de suicide de Y., les autres se disent qu’ils vont faire la même chose. La tension monte. J’essaye de les raisonner. Mais je vois que je suis dans la même merde qu’eux et je me dis que c’est vraiment pas humain de nous garder comme ça pendant 45 jours. Sans espoir. Le lendemain, on se réunit avec l’ensemble des détenus. Il faut faire quelque chose. On n’allait pas se laisser faire comme ça. On décide d’une grève de la faim. On prévient l’association qui nous demande de rédiger une lettre expliquant pourquoi. C’est ce qu’on fera.

    Le premier jour, la grève se passe bien. Tout le monde est content. On est moins seul. Il faut dire que la solitude dans ces centres de rétention est pire qu’ailleurs. Ici on meurt d’angoisse rien qu’en imaginant la terrible incertitude de l’avenir. Mais pour une dois la solidarité nous a donné des forces, l’espoir. On a beaucoup parlé ensemble pendant ces moments... de notre avenir, de nos espoirs. C’était plus chacun pour soi mais tous ensemble pour une même cause. On commence à faire une lettre commune. On y dénonce ces 45 jours de rétention sans espoir, sans loisirs, sans rien pour oublier qu’on peut venir à tout moment nous chercher pour l’avion, le bateau, sans nous prévenir à l’avance. La seule chose qu’on te propose ici, c’est un lit en attendant qu’on vienne te mettre dans l’avion ou le bateau. On demande à voir les medias. On imagine qu’on sera un peu soutenu dehors. Quelques journalistes nous ont alors appelé.

    Le lendemain, la solitude que l’on avait chassé commence à revenir. On tente de se soutenir encore les uns les autres. C’est difficile.

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