Une tribune pour les luttes

Le CADTM pointe les responsabilités des mesures imposées par le FMI et la Banque mondiale dans la catastrophe alimentaire mondiale.

Article mis en ligne le jeudi 17 avril 2008

Communiqué de presse du 14 avril 2008

Lors de leur Assemblée de printemps à Washington, le FMI et la Banque mondiale ont souhaité tirer la sonnette d’alarme contre la forte hausse des prix des denrées alimentaires de base dans le monde et les émeutes de la faim qui en ont résulté dans plusieurs dizaines de pays.

En effet, en un an, les prix du riz et du blé ont doublé, celui du maïs a progressé de plus d’un tiers. Les stocks céréaliers sont au plus bas depuis 25 ans. Le coût d’un repas a fortement augmenté et les risques de famine sont très inquiétants.

Le CADTM souligne que la Banque mondiale semble surtout inquiète pour les troubles sociaux que cette situation engendre. Ces troubles pourraient sérieusement malmener le système économique néolibéral promu avec force depuis 25 ans par le FMI et la Banque mondiale : un système structurellement générateur de pauvreté, d’inégalités, de corruption, interdisant toute forme de développement et de souveraineté.

Le CADTM a identifié cinq grandes causes pour expliquer cette envolée des prix : déréglementations climatiques réduisant la production, hausse du prix des transports répercuté sur celui des marchandises, demande croissante de la Chine et de l’Inde en matières premières, développement catastrophique des agrocarburants qui excluent plus de 100 millions de tonnes de céréales par an du secteur alimentaire, spéculation intense suite à l’éclatement de la bulle de l’immobilier aux Etats-Unis. Mais ce n’est pas tout.

Le CADTM tient aussi à pointer la responsabilité du FMI et de la Banque mondiale. Après la crise de la dette du début des années 1980, dont l’effondrement du cours des matières premières était un élément déclencheur, le FMI et la Banque mondiale ont contraint les pays du Sud à adopter des politiques d’ajustement structurel qui se sont révélées dramatiques sur de nombreux plans. Au programme notamment : réduction des surfaces destinées aux cultures vivrières et spécialisation dans un ou deux produits d’exportation, fin des systèmes de stabilisation des prix, abandon de l’autosuffisance en céréales, fragilisation des économies par une extrême dépendance aux évolutions des marchés mondiaux, forte réduction des budgets sociaux, suppression des subventions aux produits de base, ouverture des marchés et mise en concurrence déloyale des petits producteurs locaux avec des sociétés
transnationales…

Aujourd’hui, les populations du Sud paient le prix fort. Pour le CADTM, la question de la responsabilité du G8, du FMI et de la Banque mondiale doit être posée de manière claire et ces institutions doivent rendre des comptes sur leurs agissements depuis 20 ans. Un timide mea culpa de leur part dans un rapport semi-confidentiel ne peut suffire car elles continuent de défendre un modèle économique qui a fait la preuve de son échec en termes d’amélioration des conditions de vie et de développement humain.

Pour le CADTM, l’annulation totale et immédiate de la dette extérieure publique des pays du Sud et l’abandon des politiques néolibérales sont des étapes indispensables pour enclencher une logique économique radicalement différente, soucieuse de l’intérêt des populations du Sud et du principe non négociable de souveraineté alimentaire.

http://www.cadtm.org/spip.php?article3273

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Vos commentaires

  • Le 15 avril 2008 à 14:58, par Christiane En réponse à : Communiqué de presse - La Via Campesina

    Une réponse à la crise mondiale des prix alimentaires : L’agriculture familiale durable peut nourrir le monde

    (Rome, 14 Février 2008)

    Les consommateurs du monde entier ont vu les prix des denrées alimentaires de base augmenter d’une façon dramatique ces derniers mois, entraînant de grandes difficultés particulièrement au sein des communautés les plus pauvres. En un an, le prix du blé a doublé et celui du maïs a augmenté de 50%.

    Cependant la production n’est pas en crise. Les statistiques démontrent que la récolte de céréales n’a jamais été aussi abondante qu’en 2007 (1).

    Les prix augmentent pour diverses raisons. D’abord, une partie de plus en plus importante de la production est actuellement détournée pour la fabrication d’agro-carburants ; les réserves mondiales d’aliments sont au niveau le plus bas depuis 25 ans suite à la dérégulation des marchés par l’OMC et certains pays exportateurs comme l’Australie ont connu de mauvaises récoltes en raison d’accidents climatiques. Par ailleurs, les prix augmentent parce que des entreprises financières spéculent sur l’alimentation du monde, misant sur la perspective d’une offre insuffisante. La production alimentaire, sa transformation et sa distribution tombent de plus en plus sous la coupe de compagnies transnationales qui monopolisent les marchés.

    La tragédie des agro-carburants : ils nourrissent les moteurs, pas les peuples

    Les agro-carburants, (les carburants produits à partir des plantes, de l’agriculture et des forêts) nous sont présentés comme la réponse à la crise pétrolière et au réchauffement climatique. Toutefois de nombreux scientifiques et institutions admettent aujourd’hui que leur pouvoir énergétique et que leur influence sur l’environnement seront limités ou carrément négatifs. Malgré cela, le monde économique se rue vers ce nouveau marché qui entre en compétition directe avec les besoins alimentaires des populations. Le gouvernement indien envisage de planter 14 millions d’hectares de Jatropha, La Banque inter-américaine de Développement estime que le Brésil dispose de 120 millions d’hectares qui pourraient être cultivés pour des récoltes destinées aux agro-carburants et le lobby des agro-carburants parle déjà de 379 millions d’hectares disponibles dans quinze pays Africains (2). La demande actuelle de maïs pour la production d’éthanol représente déjà 10% de la consommation mondiale, ce qui fait monter les prix.

    Les agro-carburants industriels sont une absurdité économique sociale et environnementale. Leur production devrait être arrêtée et la production agricole devrait être dirigée en toute priorité sur l’alimentation.

    Tous les producteurs ne profitent pas de ces augmentations de prix

    Les prix records des aliments frappent les consommateurs/trices, et contrairement à ce qu’on pourrait attendre, ils ne bénéficient pas non plus à tous les producteur/trices. Les éleveurs de bétail sont en crise suite à l’augmentation du prix des aliments pour bétail, les producteurs de céréales voient le prix des engrais augmenter et les paysans sans terres ainsi que les travailleurs agricoles se voient dans l’impossibilité d’acheter les aliments de base. Les agriculteurs/trices vendent leur production bien au dessous du prix que payent les consommateurs. La COAG, la Coordination espagnole des agriculteurs et des éleveurs a calculé que les consommateurs/trices espagnol(e)s payaient jusqu’à 600% de plus que le prix payé aux producteur/trices.

    Les producteurs/trices et les consommateurs/trices ont besoin de prix justes et stables, et pas de l’instabilité actuelle. Les paysan(ne)s ne peuvent produire quand les prix sont trop bas, comme cela a souvent été le cas au cours des dernières décennies. Par conséquent ils ont besoin d’une régulation des marchés qui va à l’encontre des politiques de l’OMC

    Ce sont les entreprises agro-industrielles et la grande distribution qui profitent en premier lieu de l’augmentation des prix alimentaires actuelle parce qu’elles augmentent leurs prix bien au delà de ce qu’elles devraient le faire. Le prix des aliments descendra-t-il lorsque les prix agricoles baisseront ? Les grandes entreprises peuvent stocker des quantités de produits et les mettre sur le marché quand les prix sont élevés, ce qui leur permet de spéculer.

    La “libéralisation” du commerce agricole provoque la crise

    La crise actuelle montre bien que la “libéralisation” du commerce agricole entraîne la faim et la pauvreté. Les pays sont devenus très dépendants des marchés globaux. En 1992, les paysan(ne)s indonésien(ne)s produisaient assez de soja pour satisfaire la demande nationale. Le tofu et le ’tempeh’ produits à partir du soja constituent une part importante de la diète quotidienne dans l’archipel. En adoptant la doctrine néolibérale, le pays a ouvert ses frontières aux importations alimentaires, permettant au soja américain à très bas prix d’inonder le marché. Ceci a détruit la production nationale. Aujourd’hui 60% des fèves de soja consommées en Indonésie sont importées. En janvier dernier les prix records du soja des États Unis ont causé une crise nationale quand les prix du tofu et du ’tempeh’ (la “viande du pauvre”) ont doublé en quelques semaines. Le même scénario se répète pour de nombreux autres pays comme pour la production de maïs au Mexique.

    La dérégulation et la privatisation des mécanismes de protection ont également contribué à la crise actuelle. Les réserves nationales alimentaires ont été privatisées et sont maintenant gérées comme des multinationales. Celles-ci spéculent au lieu de protéger les producteur/trices et les consommateurs. De la même façon, les mécanismes de prix garantis sont démantelés partout dans le monde sous le dictat des politiques néolibérales, ce qui expose producteurs/trices et les consommateurs/trices à une instabilité extrême des prix.

    Le temps de la Souveraineté Alimentaire est arrivé !

    Devant les perspectives d’augmentation de la population mondiale jusqu’en 2050 et face à la nécessité d’affronter les changements climatiques, le monde devra produire plus d’aliments dans les années qui viennent. Les paysans et les paysannes sont capables de relever ce défi comme ils l’ont fait dans le passé. De fait, la population mondiale a doublé au cours des 50 dernières années mais les producteurs/trices ont augmenté la production de céréales à un rythme encore plus rapide.

    Pour La Via Campesina, l’alimentation doit prévenir de l’agriculture paysanne durable afin de protéger la subsistance, les emplois et la santé des populations ainsi que l’environnement. La nourriture ne peut pas être abandonnée au contrôle des grandes entreprises du secteur alimentaire et de la grande distribution. Les OGM et l’agriculture industrielle ne fournissent pas d’aliments sains et continuent à détériorer l’environnement. Par exemple, la nouvelle “révolution verte” promue par AGRA en Afrique (nouvelles semences, engrais chimiques et grands programmes d’irrigation) ne résoudra pas la crise. Au contraire, elle l’aggravera. Par ailleurs, des recherches récentes montrent que les petites exploitations biologiques sont au moins aussi productives que les fermes conventionnelles. D’aucuns estiment même que la production alimentaire mondiale pourrait augmenter jusqu’à 50% grâce à l’agriculture durable. (3)

    Pour éviter une crise alimentaire majeure, les gouvernements et les institutions publiques doivent adopter des politiques spécifiques afin de protéger la production de l’énergie la plus importante au monde : la nourriture !

    Les gouvernements doivent développer, promouvoir et protéger la production locale afin de réduire la dépendance face aux marchés mondiaux. Cela implique le droit de chaque pays ou union à contrôler les importations et le devoir de mettre fin à toute forme de dumping alimentaire.

    Ils doivent également mettre en place (ou maintenir) des mécanismes de régulation ou de gestion des marchés tels que la constitution de stocks de sécurité et des prix minimum garantis pour créer des conditions stables pour les producteurs/trices.

    Selon Henry Saragih, co-ordinateur général de Via Campesina et leader du Syndicat des Paysans Indonésiens, « les paysan/nes ont besoin de terres pour produire et alimenter leur communauté et leur pays. Il est temps de mettre en oeuvre de vraies réformes agraires pour permettre aux familles paysannes de nourrir le monde ».

    Pour Ibrahim Coulibaly, président de la Coordination Nationale des Organisations Paysannes (CNOP) du Mali : « Devant les fortes augmentations des prix alimentaires, notre gouvernement a donné son accord aux revendications des organisations paysannes qui demandent que la protection et le développement des marchés locaux d’aliments plutôt que l’augmentation des importations. Augmenter les importations alimentaires ne fera que nous rendre encore plus dépendants des fluctuations brutales, à la hausse ou à la baisse, des marchés mondiaux ».

    La Via Campesina estime que la solution de la crise actuelle des prix de l’alimentation réside dans la Souveraineté Alimentaire. La Souveraineté Alimentaire est le droit des personnes à une alimentation saine et appropriée aux cultures locales, produite par des méthodes écologiquement intelligentes et durables. Elle est aussi le droit des gouvernements à définir leurs propres politiques agricoles et alimentaires sans endommager l’agriculture d’autres pays. Elle place les aspirations et les besoins de ceux qui produisent, distribuent et consomment la nourriture au coeur des systèmes de production et des politiques, plutôt que selon la demande des marchés et des corporations. La Souveraineté Alimentaire met en priorité les économies et les marchés locaux et nationaux. Elle garantit également l’autonomie de décision qui leur correspond. aux paysans et à une agriculture et à une production alimentaire gérée par des familles de fermiers,

    www.viacampesina.org

    (1) Les Chambres d’Agriculture - France : http://paris.apca.chambagri.fr/

    (2) Grain : www.grain.org

    (3) “Shattering Myths : Can sustainable agriculture feed the world ?” : www.foodfirst.org

  • Le 16 avril 2008 à 10:10, par Christiane En réponse à : Emeutes de la faim

    37 pays sont très touchés selon la FAO, dont une grande majorité en Afrique.,

    Selon une note interne de l’ONU (cité par le Monde du 13/04), "pour chaque augmentation de 1 % du prix des denrées de base, 16 millions de personnes supplémentaires sont plongées dans l’insécurité alimentaire.(...) Parmi les pays en première ligne : l’Erythrée, la Sierra Leone, Madagascar, Haïti, la Géorgie, le Burundi ou le Zimbabwe."

    La part de responsabilité des biocarburants :

    Jean Ziegler :
    "La fabrication de biocarburants est aujourd’hui un crime contre l’humanité",
    " Quand on lance, aux Etats-Unis, grâce à 6 milliards de subventions, une politique de biocarburant qui draine 138 millions de tonnes de maïs hors du marché alimentaire, on jette les bases d’un crime contre l’humanité pour sa propre soif de carburant… "

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