http://www.internationalistes13.org...
• le 17 octobre 2012 •
Article mis en ligne le jeudi 18 octobre 2012
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• le 17 octobre 2012 •
Info DailyNord. Hasard de l’actualité (ou pas), alors que Jean-François Copé nous a gratifié il y a quelques semaines de sa sortie sur le racisme anti-blanc, ceux qu’on appelle parfois
« les deux Saïd » – les Roubaisiens Saïd Bouamama, sociologue engagé, et Saïd, du groupe de hip-hop Z.E.P – viennent d’être mis en examen par le tribunal de Paris pour « injures
publiques envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une race ou une religion ».
En août 2010, les deux Roubaisiens avaient sorti le livre « Nique la France – Devoir d’insolence » et le morceau de hip-hop « Nique la France », ce qui leur
avait valu un tombereau de réactions indignées (relire nos différents articles : Nique la France, le buzz nordiste ne laisse personne indifférent ; « Nique la
France » en question par Jean-Pierre Decool). A l’époque, une première plainte émanant d’un identitaire toulousain avait été classée sans suite. Cette fois, c’est l’Agrif (Alliance
Générale contre le Racisme et pour le Respect de l’Identité Française et Chrétienne) qui est à la manoeuvre et qui a réussi à convaincre le parquet d’instruire l’affaire. Rendez-vous est pris à
l’heure de l’apéro dans un café de Lille-Fives avec Saïd Bouamama qui, tout en sirotant une bière (pour ceux qui imagineraient d’emblée le personnage en barbu intégriste), a bien voulu répondre
aux questions de DailyNord. A 54 ans, ce sociologue formant des travailleurs sociaux, très investi dans la lutte pour les sans-papiers veut continuer « à poser des questions
embêtantes » y compris au sein du Front de gauche qu’il soutient.
DailyNord :
Votre mise en examen intervient alors que Jean-François Copé dénonce le racisme anti-blanc dont seraient victimes certains Français. Est-ce un hasard ?
Saïd Bouamama : Non, à force de céder à l’extrême-droite sur certains points, on assiste à une droitisation de la société. Copé reprend le racisme anti-blanc – vieille
antienne du FN – à son compte. L’extrême-droite peut désormais aller plus loin. A leur place, je dirais : « la circoncision est inhumaine, il faut l’interdire » et vous verrez
que dans deux ans, le débat sera porté en place publique. Or au final, c’est toujours l’extrême-droite qui gagne car la force du facisme, c’est de se présenter toujours plus net que la
photocopie.
DailyNord : Est-ce à dire que pour vous le racisme anti-blanc est une pure invention ?
Saïd Bouamama : Le FN et Copé mélangent deux choses : d’un côté, les réactions individuelles de quelques jeunes de quartiers minoritaires qui existent, de l’autre un racisme
structurel et institutionnel qui fait que tu as 30% moins de chances de trouver un boulot quand tu t’appelles Mohamed ou Mamadou. Le but étant d’invalider l’anti-racisme. On observe le même
phénomène pour délégitimiser les féministes : certains prétendent qu’il faut un mouvement « hommiste » pour défendre les hommes battus. Comme si on pouvait comparer les deux…
DailyNord : Quand vous écrivez « Nique la France » il y a deux ans, quel est votre objectif
?
Saïd Bouamama : Poser un certain nombre de questions dans une forme qui oblige à la réaction.
DailyNord : Au risque d’apparaître non-constructif ?
Saïd Bouamama : Mais la provocation est le seul moyen pour faire entendre une souffrance une frange de la population qui n’est pas entendue et qui n’a pas le droit à la
parole. Quelques mois avant, j’avais écrit un ouvrage « la France autopsie d’un mythe national » qui pose les mêmes questions mais de manière plus policée. Pourquoi certains
jeunes dans les banlieues disent « Nique la France » ? Parce qu’ils n’ont pas l’impression d’être considérés comme Français. La provocation permet aussi d’avancer. Regardez, quand je
disais il y a quelques années que la France possèdait encore un héritage colonialiste dont elle avait du mal à se défaire, on me disait que j’étais trop radical. Aujourd’hui François Hollande dit
qu’il faut reconnaître le massacre de Thiaroye au Sénégal.
DailyNord : Mais vous saviez que vous alliez braquer certaines personnes, y compris à gauche ?
Saïd Bouamama : Oui, mais il y a eu des critiques avec qui nous avons pu débattre. Même à gauche, on entend dire que les gamins doivent s’intégrer alors qu’ils sont Français. Une
partie de la gauche fait une erreur en construisant son discours sur des moyens. La laïcité, ce n’est qu’un moyen de bien vivre ensemble, ce n’est pas une fin en soi. Il ne faut pas que la gauche
abandonne cette grille de lecture qui dit que ce sont les conditions de vie qui déterminent les comportements.
Par ailleurs, je pose une question : pourquoi Michel peut-il dire qu’il n’aime pas le drapeau et pas Mohamed ? Pourquoi Aragon peut-il écrire « je conchie la France
impérialiste » et pas Saïd ? Nous sommes au début d’une interdiction de toutes critiques envers la France. Avec Sarkozy, on avait l’impression qu’il fallait faire allégeance au drapeau
tous les jours.
DailyNord : Ce livre n’est-il pas en fin de compte le reflet d’une période tendue entre jeunes des quartiers et
autorité publique ? En clair l’écririez-vous maintenant ?
Saïd Bouamama : Oui, mais avec un autre titre comme « Marre des discriminations ! ». Il est clair qu’il y a eu un nombre de discours insultants à l’époque
de Sarkozy. En sociologie, on appelle ça « le retournement du stigmate ». Le jeune qui entend toute la journée « t’aimes pas la France, t’aimes pas la France, t’aimes pas la
France », à la fin il te dit « oui, j’aime pas la France ». Dans cinquante ans, on verra ce livre comme le résultat inévitable d’un contexte.
DailyNord : Concernant votre mis en examen, vous êtes serein ?
Saïd Bouamama : Ce qui m’embête, c’est que depuis deux ans, j’ai reçu beaucoup de messages d’extrémistes disant « on va te faire la peau » et que
maintenant que la plainte est acceptée, la partie adverse peut avoir accès à mon adresse. Pour le reste, attendons le jugement, mais je compte bien invoquer Aragon, Léo Ferré et d’autres pour me
défendre.
Ils meurent par séries sur les routes, à chaque épidémie de grippe, à chaque vague de chaleur, à chaque erreur de ceux qui falsifient leurs aliments, à chaque innovation technique profitable aux multiples entrepreneurs d’un décor dont ils essuient les plâtres…
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