Une tribune pour les luttes

Et Valls, a-t-il un alibi ?

Par philippe alain

Article mis en ligne le jeudi 4 avril 2013

04 avril 2013

Manuel Valls mobilise tous les moyens et les services de l’Etat pour traquer, pourchasser et expulser massivement les Roms. L’état français viole les lois européennes, la loi sur l’hébergement d’urgence, croise les fichiers de ses différents services et affiche son mépris pour la circulaire du 26 août 2012 pourtant signée par 7 ministres. En restant très discrète sur ces pratiques qu’elle connaît parfaitement, l’Europe encourage la France dans sa politique raciste et discriminatoire.

Jeudi 28 mars, environ 80 Roms sont expulsés de leur bidonville par la police suite à une demande de concours de la force publique du propriétaire, la mairie de Villeurbanne. Ils constituent un danger pour la santé des morts, selon la mairie. (1) En moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, des bulldozers se mettent en action et broient les cabanes. Jetées comme des chiens sous une pluie battante, les familles regardent, impuissantes, la France détruire le peu qu’il leur reste, c’est-à-dire pas grand chose. Touché par leur détresse, le curé de Gerland décide de les accueillir. Il profite d’une salle vide quelques jours pour héberger 50 personnes dont 25 enfants.

Dans un communiqué, le prêtre dénonce le refus du préfet d’appliquer la circulaire interministérielle : « « Aucune mesure d’accompagnement n’ayant été proposée, contrairement à ce que préconise la circulaire interministérielle du 26 août 2012, ces personnes se sont retrouvées à la rue, sans bagages, sous la pluie froide… Les différentes administrations contactées n’ayant proposé aucune solution, je me suis demandé ce qu’aurait fait le nouveau Pape François ... et j’ai accepté de les héberger momentanément dans une salle paroissiale. » Vendredi Saint, c’est le Cardinal Barbarin en personne qui vient exprimer son soutien aux familles expulsées. Le MRAP et l’association Enfant Sans Toit aident les familles à monter des référés liberté sur la base de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui précise que le refus d’un hébergement d’urgence à une personne en situation de détresse constitue une atteinte à une liberté fondamentale. (2)

Mercredi 3 avril, l’audience se déroule au tribunal administratif sans aucun représentant de la préfecture qui prouve ainsi son plus profond mépris pour les plus démunis. Dans son mémoire, le préfet ajoute une mention manuscrite dans laquelle il s’engage à ne pas expulser les familles du local paroissial. On croit rêver. Le préfet du Rhône ignore probablement la loi 1905 qui sépare les Eglises de l’Etat. C’est ce que souligne l’avocate des familles, Maître Amar : "Je ne pense pas qu’une salle paroissiale soit un bien de l’Etat, il y a bien une séparation de l’Eglise et de l’Etat, le préfet ne peut pas disposer de cette salle selon son bon vouloir !" Le préfet ignore aussi que la salle paroissiale doit être libérée et que mercredi soir, il n’y a aucune autre alternative que la rue pour les familles tant que l’Etat continuera de violer la loi. Au terme de l’audience, le juge a mis en délibéré sa décision au jeudi 4 avril. Sans solution d’hébergement, les familles décident de passer la nuit devant le tribunal en attendant la décision.

L’enjeu est considérable. Si le juge donne suite à la requête des familles, cela signifie que la justice française se met en travers de Manuel Valls et lui enlève son chiffon rouge qu’il agite frénétiquement pour nous faire oublier la crise, le chômage, la corruption et les affaires d’Etat. Si le juge donne suite à la requête des familles, cela signifie que l’Etat peut expulser des terrains occupés de manière illicite, mais ne peut pas le faire en violant à son tour la loi rappelée par le Conseil d’Etat.

Jeudi 4 avril, 70 Roms ont été expulsés à 9 heures du gymnase qui avait été réquisitionné pour les mettre à l’abri suite à l’incendie de leur bidonville à Saint-Fons. Après les avoir triés pour faire des économies (3), la préfecture recommence un second tri encore plus radical. De 100 on passe à 30. 30 personnes seront relogées, 70 jetées à la rue comme leurs compatriotes de Villeurbanne, c’est-à-dire comme des chiens. Non pardon, en France, on traite mieux les chiens que les Roms.

C’est un véritable piège que la préfecture a tendu aux familles. Profitant de leur présence dans le gymnase elle croise les fichiers de la DDCS (Direction Départementale de la Cohésion Sociale) avec ceux de la PAF (Police aux Frontières) et de l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration).

Alors même qu’elle recueille les noms des personnes à héberger, elle en profite pour dresser des OQTF (Obligations de Quitter le Territoire Français). Une douzaine de personnes sont concernées. Il y a fort à parier que de nouvelles OQTF seront délivrées incessamment. La liste des 30 heureux élus a été dressée et affichée dans le gymnase par des fonctionnaires qui ont expliqué aux familles médusées que toutes celles qui ont reçu des OQTF auparavant ainsi que toutes celles qui ont bénéficié de l’aide au retour en Roumanie ne seraient pas prises. Les fonctionnaires vont jusqu’à montrer des listes de l’OFII aux personnes présentes pour prouver les retours en Roumanie.

Dans l’agglomération lyonnaise, 3 terrains qui regroupent environ 600 personnes sont menacés d’expulsion par le préfet qui se justifie en expliquant qu’il ne peut pas loger toute la Roumanie : «  Qu’ils fassent valoir leurs droits en Roumanie plutôt qu’ici. Il est hors de question que la Roumanie se déverse à Lyon. » Les Roms sont ici comparés à des déchets et la Roumanie à une poubelle qui se «  déverse » en France. Bravo c’est fin, c’est distingué, c’est pas beau, c’est du Carenco. Le préfet du Rhône n’est pas le seul à afficher ainsi publiquement sa considération pour les Roms. C’est un véritable racisme d’Etat qui s’installe en France, à tous les niveaux, encouragé par le ministre de l’intérieur lui-même qui répète sans cesse : "les Roumains ont vocation à retourner en Roumanie".

Les expulsions de Roms pratiquées depuis juillet 2010 constituent pourtant une violation aggravée des droits de l’homme. En août 2012 , l’ONU a épinglé la France pour sa politique d’expulsions massives des Roms. L’Europe a déjà condamné 4 fois, du bout des lèvres. 4 Condamnations qui ne servent à rien puisque la situation continue à s’aggraver. (4)

Cette nuit, 50 personnes dont 25 enfants ont dormi devant le tribunal administratif de Lyon faute d’hébergement d’urgence. Parmi eux, il y a une femme enceinte de 8 mois. Le plus petit bébé a moins d’un an. Un curé courageux dort également sur le trottoir avec eux pour leur témoigner son soutien et sa solidarité.

Sur le toit du tribunal administratif flottent 2 drapeaux. Le drapeau français et le drapeau de l’Europe. Un drapeau… Symbole et fierté d’un pays… Ce soir, le symbole et la fierté de la France c’est de persécuter la minorité ethnique la plus importante d’Europe. Ce soir là, le symbole et la fierté de l’Europe, c’est de couvrir les agissements honteux, indignes et illégaux de la France.

Pour justifier son manquement à ses obligations d’hébergement, le préfet du Rhône, Jean-François Carenco prend pour alibi le curé.

Pour justifier ses expulsions ethniques qui violent le droit international, le droit européen et le droit français, pour justifier les croisements de fichiers informatiques, pour justifier son mépris pour la circulaire interministérielle du 26 août, Valls a-t-il un alibi ?

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