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Occupation de l’ANAEM de Pantin

Lettre ouverte sur les nouvelles pratiques d’expulsions massives et collectives de roumains et de bulgares, souvent Rroms, auxquelles l’Agence Nationale d’Accueil des Etrangers et des Migrations participe.

Article mis en ligne le jeudi 8 novembre 2007

Occupation de l’ANAEM de Pantin

Aujourd’hui une cinquantaine de roumains, habitants du terrain de Bonneuil-en-France, accompagnés de soutiens, sont venus porter une lettre ouverte* aux salariés de l’ANAEM-Paris Nord (antenne de Pantin) ainsi qu’à sa direction.

Cette action avait pour but, après l’occupation de l’ANAEM-Paris Nord de Bagnolet le 26/10/07, d’informer les salariés du rôle que joue à l’heure actuelle l’Agence Nationale d’Accueil des Etrangers et des Migrations dans les expulsions de roumains et bulgares massives et collectives organisées par l’Etat.

Les habitants du bidonville de Bonneuil-en-France ont pu ré-affirmer au directeur de l’ANAEM Paris-Nord Mr Chartrez leur désir de rester en France et leur refus d’être renvoyés en Roumanie dans le cadre des retours humanitaires et volontaires que propose l’ANAEM.

Alors que le ministre de l’immigration Hortefeux présente aujourd’hui les premiers chiffres d’expulsion de l’année 2007 à la presse, cette occupation met en lumière les méthodes employées par l’Etat pour atteindre ces chiffres.

Des soutiens aux habitants roumains et bulgares, bidonvilliens vivants en Seine Saint-Denis et dans le Val d’Oise.


Lettre ouverte à l’attention des salariés de l’ANAEM - Paris Nord

Depuis quelques mois nous constatons que de nouvelles pratiques d’expulsions massives et collectives (par centaines) de roumains et de bulgares, souvent Rroms, sont effectuées en Seine Saint-Denis, dans le Val d’Oise (Bondy (26 septembre), Saint-Denis (10 octobre), Pierrelaye (17 octobre), Bagnolet (24 octobre)), ainsi que dans d’autre régions de France (Lyon, Saint-Étienne, Bordeaux, Nantes …) par la police, l’ANAEM (l’Agence Nationale d’Accueil des Etrangers et des Migrations) étant à chaque fois présente et jouant le rôle systématique de caution _____humanitaire de l’Etat.

Certains d’entre nous ont recueilli des témoignages auprès de ces personnes expulsées ou même étaient présents lors de ces expulsions massives. Tous constatent qu’à chaque fois la méthode est la même :
Des habitants roumains ou bulgares sont évacués très rapidement par la police de leurs terrains, en y abandonnant tous leurs effets personnels, systématiquement détruits.
Ils sont ensuite sommés de monter dans des cars spécialement affrétés pour l’occasion. Des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) leur sont alors distribuées et exécutées sur-le-champ sans aucune prise en compte de leur situation individuelle. Aucune possibilité ne leur est laissée d’exercer leur droit à un recours juridictionnel contre ces décisions, car sous la pression policière, ils sont « invités » à monter immédiatement dans les cars à destination de leur pays d’origine dans le cadre des procédures de retour humanitaire de l’ANAEM.

L’ANAEM et les préfectures prétendent qu’il s’agit de retours humanitaires et volontaires. Au vu des témoignages des uns et des autres, nous savons que c’est faux.

Très récemment nous avons appris que les habitants, majoritairement Rroms roumains et serbes, du terrain situé en face de l’aéroport du Bourget sur les communes de Gonesse et de Bonneuil-en-France avaient reçu, eux aussi, la visite de représentants de l’ANAEM de Pantin.

Or Certains d’entre nous ont noués des liens très étroits avec des habitants de ce terrain, liens qui nous ont conduit à suivre leurs expulsions successives et à comprendre dans quelles conditions ils sont amenés à vivre (pression policière permanente, expulsion de leur lieu de vie à intervalle régulier, absence des minimums vitaux tels que l’accès à l’eau, aux sanitaire ou à l’électricité …).

Après avoir discuté avec eux et avoir lu les documents que leur ont remis la police et les agents de l’ANAEM de Pantin, nous savons qu’ils vivent à l’heure actuelle exactement le même processus de harcèlement auquel l’ANAEM participe : arrêté d’expulsion du terrain devenant exécutoire dans les prochains jours, harcèlements policiers aux abords du bidonville, menaces de répression policière en cas de refus du retour volontaire, promesses d’aide à la réinsertion en Roumanie dont nous savons qu’elles ne sont jamais suivies d’effet.

Nous sommes donc convaincu qu’ils risquent à terme de subir à leur tour votre prétendu « retour humanitaire ».

Or ils nous l’ont dit très clairement, de la même manière qu’ils l’ont dit aux agents de l‘ANAEM de Pantin qui sont passés sur leur terrain : Ils refusent catégoriquement de quitter leur terrain et encore plus d’être renvoyés dans leur pays d’origine.

Nous exigeons donc que leur parole soit entendue et qu’aucune mise en place de retour humanitaire ne se fasse sur ce terrain.

Nous exigeons, plus généralement, que l’ANAEM cesse d’effectuer ces soit disant « retour humanitaires » qui nous apparaissent, au vu des méthodes employées, plus proches de déportations massives de populations que de retour volontaires.

Arrêts des rafles et des expulsions !

Liberté de circulation et d’installation pour tous !

Régularisation de tous les sans-papiers !

Des soutiens aux habitants roumains et bulgares, bidonvilliens vivants en seine Saint-Denis et dans le Val d’Oise.


Communiqué de Presse de l’occupation de l’ANAEM-Paris Nord du 26/10/07

La police rafle, l’ANAEM déporte,
l’Etat fait du chiffre

Des soutiens aux habitants roumains et bulgares des bidonvilles de la région parisienne occupent ce jour, vendredi 26 octobre, les bureaux de l’ANAEM – Paris Nord .

Par leur présence dans ces lieux ils souhaitent dénoncer publiquement le rôle que joue aujourd’hui l’Agence Nationale d’Accueil des Etrangers et des Migrations (ANAEM) dans de nouveaux processus d’expulsions des populations roumaines et bulgares.

Nous savons que depuis plusieurs années les Rroms de Roumanie et de Bulgarie sont devenus de la chair à expulsion pour l’Etat français et permettent ainsi au gouvernement d’atteindre ses objectifs chiffrés de 25 000 expulsions par an : Ces populations ont représenté 25% des expulsés de l’année 2006.

Depuis septembre 2007 de nouvelles pratiques d’expulsions massives de ces populations se mettent en place, l’ANAEM servant de caution humanitaire à l’Etat français pour les justifier.

En effet à plusieurs reprises les habitants de bidonvilles de Saint-Étienne (deux en septembre et une en octobre) Bondy (26 septembre), Saint-Denis (10 octobre) ou Pierrelaye (17 octobre) ont été évacués par la police de leurs terrains, y abandonnant tous leurs effets personnels, systématiquement détruits.
Ils ont ensuite été sommés de monter dans des cars spécialement affrétés pour l’occasion, des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) ne faisant aucun cas de leur situation individuelle leur étant alors distribuées sans leur laisser la possibilité d’exercer leur droit à un recours juridique suspensif.
Puis, sous la pression policière, ils ont été « invités » à monter immédiatement dans les cars à destination de leur pays d’origine dans le cadre des procédures de retour humanitaire de l’ANAEM.

La manière dont l’Etat met en place ce « Retour volontaire » (absence dans la majorité des cas de traducteurs, « Invitation » à accepter immédiatement le retour volontaire sous la pression policière …) n’est qu’un simulacre.

Il s’agit bien ici d’expulsions collectives et massives (par centaines à chaque fois) organisées par l’Etat sous couvert de retour volontaire et humanitaire.

Nous exigeons :

- L’abandon immédiat de ces pratiques de « retours volontaires » forcés orchestrées par l’état et l’ANAEM !
- L’arrêt des rafles et des expulsions !
- La régularisation de tous les sans-papiers !
- La liberté de circulation et d’installation de tous !


Rappel :

Les retours humanitaires forcés : un nouveau concept !

Le ministre de l’Immigration a bien du mal à atteindre l’objectif de 25.000 reconduites à la frontière qui lui a été fixé pour 2007… Il s’en était justifié en août dernier en mettant en avant « la difficulté d’expulser Roumains et Bulgares », dont les pays sont désormais membres de l’UE, ce qui rend les procédures « plus complexes ». Il vient de trouver une solution : des dispositifs d’aide au « retour humanitaire », instaurés par une circulaire de décembre 2006, ont été utilisés à plusieurs reprises pour habiller des opérations d’expulsion de ces nouveaux citoyens européens.

A Bondy (93) le 26 septembre dernier, à Saint-Denis le 10 octobre, Bagnolet le 24, et dans d’autres villes encore, la police a investi à l’aube des terrains occupés par des Rroms, ressortissants bulgares ou roumains selon les cas, a fait monter les habitants dans des bus affrétés tout exprès, et leur a donné à choisir entre « la prison » ou « l’expulsion immédiate avec l’aide au retour ». Personne n’a été autorisé à récupérer ses affaires, ni à présenter les documents qui auraient pu prouver qu’il remplissait toutes les conditions pour avoir le droit de rester durablement en France. Ceux qui avaient sur eux leurs passeports se les sont vu confisquer. Les bus ont emmené tout le monde directement en Bulgarie ou en Roumanie, quasiment sans faire de halte.

À l’arrivée, des chèques correspondant à la fameuse « aide au retour » ont été remis à chacun des passagers de ces bus, d’un montant de 153 euros pour les adultes et de 46 euros pour les enfants.

Les expulsions de terrains occupés parfois depuis des années par des Rroms, de quelque nationalité qu’ils soient, ne sont pas exceptionnelles. Dès le début de l’été, ces expulsions ont été accompagnées de distribution en rafales d’OQTF (Obligation à quitter le territoire français), motivées de façon plus que fantaisiste. Les opérations de ces dernières semaines sont, elles, d’un genre tout nouveau, où se conjuguent brutalité et mépris total du droit.

Les victimes de ces retours forcés sont en effet des citoyens européens, et depuis janvier 2007, Bulgares et Roumains, à l’instar des ressortissants des dix Etats devenus membres de l’UE en mai 2004, jouissent du droit à la libre circulation en Europe.

En cas de contestation de ce droit en France, il doit leur être remis une OQTF dûment motivée. Seulement voilà : une mesure administrative est susceptible de recours, et la procédure qui s’ensuivrait empêcherait d’exécuter l’expulsion du territoire ou rendrait difficile de l’exécuter rapidement. Or il faut faire du chiffre ! Et peu importe que les personnes chassées reviennent quelques semaines après…

Par bonheur, une circulaire de fin 2006 [1] organise des retours dits « humanitaires », gérés par l’ANAEM, pour les étrangers en situation irrégulière ou de dénuement. Quelle aubaine ! Partout en France on s’est empressé d’utiliser ce dispositif.

Certes, la circulaire détaille toute une procédure à mettre en œuvre : information, préparation d’un projet de réinstallation, accompagnement personnalisé avant le départ et le cas échéant à l’arrivée dans le pays de retour. Dans les opérations des dernières semaines, rien de tout cela n’a été respecté : ni vérification du droit au séjour des intéressés, ni notification d’une OQTF, ni information, ni enquête sociale… Rien, sinon les 153 euros, gages apparemment qu’il s’agit bien de la procédure ANAEM de retour « humanitaire ».

Nicolas Sarkozy, lors de sa récente visite en Bulgarie, a déclaré, évoquant le sauvetage des infirmières bulgares, que tout « opprimé (…) devient automatiquement français » !! Le paradoxe entre les larmes versées sur les infirmières bulgares (en Bulgarie) et le traitement réservé aux Bulgares (en France) est aussi éclatant que celui qui associe l’idée d’aide au retour « humanitaire » avec le sordide de ces rafles menées au petit jour, dans la précipitation, sous les menaces et le chantage, avec destruction de tous les biens des personnes raflées… Nouvelle figure de l’humanitaire, ces citoyens européens enfermés à bord de bus roulant à tombeau ouvert ?…

Le 26 octobre 2007

Signatures :

- ASAV
- Association de solidarité aux familles roumaines de Palaiseau-Massy-Chilly-Wissous
- Association de solidarité Roms Val d’Oise
- CLASSES
- Collectif d’aide aux familles rroms de Roumanie pour le Val d’Oise et les Yvelines
- Fnasat
- GISTI
- La voix des Rroms
- LDH (Ligue des Droits de l’Homme)
- PARADA
- PROCOM (à Bordeaux)
- Réseau de solidarité Rroms de St-Etienne
- Réseau Solidarité Roms Val d’Oise
- Romeurope


Voir aussi plus bas l’article 6941 :

"

Un enfant oublié dans une expulsion groupée"

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