Une tribune pour les luttes

Le Grand Soir

Cuba et la rhétorique des droits de l’homme

Salim Lamrani

Article mis en ligne le samedi 17 juillet 2010

15 juillet 2010

http://www.legrandsoir.info/Cuba-et-la-rhetorique-des-droits-de-l-homme-1-2.html

Cuba et la rhétorique des droits de l’homme (1/2)
Salim LAMRANI

Salim Lamrani est enseignant chargé de cours à l’Université Paris-Sorbonne-Paris IV et l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et journaliste français, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis. Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba. Ce que les médias ne vous diront jamais (Paris : Editions Estrella, 2009).

Un constat initial

En Occident, le nom de Cuba est inévitablement associé à la problématique des droits de l’homme. Les médias européens et étasuniens stigmatisent la plus grande île des Caraïbes de manière réitérée sur cette question. Aucun pays du continent américain n’est autant pointé du doigt que la patrie de José Martí, qui dispose d’une couverture médiatique disproportionnée par rapport à sa taille. En effet, des événements qui passeraient inaperçus dans n’importe quel autre pays d’Amérique latine ou du monde sont relayés par la presse internationale quand il s’agit de Cuba.

Ainsi, le suicide en février 2010 d’Orlando Zapata Tamayo, un prisonnier condamné pour des délits de droit commun, à Cuba a été bien plus médiatisé que la découverte en janvier 2010 d’un charnier de 2000 corps de syndicalistes et de militants de droits de l’homme assassinés par l’armée en Colombie. De la même manière, les manifestations d’opposants cubains apparaissent régulièrement dans la presse occidentale qui, en même temps, censure les exactions commises – plus de 500 cas d’assassinats et de disparitions ! – par la junte militaire, de Roberto Micheletti d’abord, et de Porfirio Lobo qui gouverne actuellement le Honduras après le coup d’Etat de juin 2009 contre le président démocratiquement élu José Manuel Zelaya (1).

Les Etats-Unis justifient officiellement l’imposition des sanctions économiques, en vigueur depuis juillet 1960 et qui affectent toutes les catégories de la société cubaine, en particulier les plus vulnérables, en raison des violations des droits de l’homme. De 1960 à 1991, Washington a expliqué que l’alliance avec l’Union soviétique était la raison de son hostilité à l’égard de Cuba. Depuis l’effondrement du bloc de l’Est, les différentes administrations, de Georges H. W. Bush à Barack Obama, ont utilisé la rhétorique des droits de l’homme pour expliquer l’état de siège anachronique, qui loin d’affecter les dirigeants du pays, fait payer le prix des divergences politiques entre les deux nations aux personnes âgées, aux femmes et aux enfants (2).

De son côté, l’Union européenne impose une Position commune – la seule au monde ! – depuis 1996 au gouvernement cubain, qui limite les échanges bilatéraux, pour les mêmes raisons. Cette stigmatisation constitue le pilier de la politique étrangère de Bruxelles à l’égard de La Havane et représente le principal obstacle à la normalisation des relations bilatérales. Entre 2003 et 2008, l’Union européenne a également imposé des sanctions politiques, diplomatiques et culturelles à Cuba en raison des « violations des droits de l’homme (3) ».

Une stigmatisation légitime ?

Il ne s’agit pas d’affirmer que Cuba est irréprochable sur la question des droits de l’homme et qu’aucune violation n’y est commise. En effet, Cuba est loin d’être une société parfaite et il y existe des atteintes à certains droits fondamentaux.

Néanmoins, Il convient de se questionner sur les raisons d’une telle stigmatisation de la part des médias occidentaux, des Etats-Unis et de l’Union européenne. Cuba présente-t-elle une situation des droits de l’homme particulière ? Est-elle pire que celle du reste du continent ? Washington, Bruxelles et la presse occidentale sont-ils réellement préoccupés par cela ? Disposent-ils d’une autorité morale suffisante pour s’ériger en donneurs de leçons ?

Pour répondre à ces questions, le rapport d’Amnistie Internationale (AI) de 2010 apporte un éclairage intéressant. Dix pays – cinq du continent américain : le Canada, les Etats-Unis, le Mexique, le Brésil et la Colombie, et cinq de l’Union européenne : la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et la République tchèque (leader du front des nations opposées à la normalisation des relations avec Cuba) seront soumis à une analyse comparative (4).

Les droits de l’homme à Cuba

Selon AI, il existe de « sévères restrictions sur les droits civils et politiques » à Cuba. AI recense «  55 prisonniers d’opinion […] incarcérés pour le seul fait d’avoir exercé de manière pacifique leur droit à la liberté d’expression (5) ». Dans une déclaration du 18 mars 2008, AI reconnaît néanmoins que ces personnes ont été condamnées « pour avoir reçu des fonds ou du matériel du gouvernement américain pour des activités perçues par les autorités comme subversives ou faisant du tort à Cuba (6) », ce qui constitue un délit d’ordre pénal à Cuba mais également dans n’importe quel autre pays du monde.

L’organisation souligne également que «  nombre [d’opposants] ont déclaré avoir été battus lors de leur arrestation ». De graves restrictions pèsent encore sur la liberté d’expression, d’après AI, car «  tous les grands médias et Internet demeur[ent] sous le contrôle de l’État ». Par ailleurs, les sites des opposants sont bloqués à Cuba et ne sont accessibles que depuis l’étranger. Plusieurs dissidents ont été arrêtés puis relâchés. AI dénonce également les manœuvres d’intimidation à leur encontre. En outre, « les restrictions au droit de circuler librement ont empêché des journalistes, des défenseurs des droits humains et des militants politiques de mener à bien des activités légitimes et pacifiques ». Ainsi, l’opposante Yoani Sánchez n’a pas été autorisée à quitter le pays pour recevoir un prix aux Etats-Unis (7).

AI rappelle néanmoins qu’en mai 2009, Cuba « a été réélu au Conseil des droits de l’homme [ONU] pour un nouveau mandat de trois années », illustrant ainsi que la majorité de la communauté internationale ne partage pas l’avis de Bruxelles et de Washington au sujet de la situation des droits de l’homme à Cuba (8).

Enfin, AI reconnaît que les sanctions économiques imposées par les Etats-Unis ont « toujours des effets négatifs sur les droits économiques et sociaux des Cubains. La législation américaine restreignant les exportations vers l’île de produits et de matériel fabriqués ou brevetés par les États-Unis continu[e] d’entraver l’accès aux médicaments et aux équipements médicaux ». AI ajoute que les agences des Nations unies présentes à Cuba sont «  également pénalisées par l’embargo (9) ».

Ainsi, comme l’illustre le rapport d’AI, Cuba n’est pas irréprochable en matière de respect des droits de l’homme.

Les droits de l’homme sur le continent américain

Il convient désormais de mettre en perspective la réalité cubaine avec la problématique du continent à ce sujet.

Les Etats-Unis

D’après AI, 198 personnes sont toujours détenues illégalement sur la base navale de Guantanamo, sans inculpation, et ce depuis sept ans. Au moins cinq détenus se sont suicidés dans la prison de Guantanamo. Par ailleurs, plusieurs prisonniers ont été jugés par des tribunaux militaires qui n’offraient pas toutes les garanties d’un procès équitable (10).

De plus, «  plusieurs centaines de personnes, dont des enfants, étaient toujours détenues par les forces américaines sur la base aérienne de Bagram, en Afghanistan, sans avoir la possibilité de consulter un avocat ou d’être présenté devant un juge (11) ».

AI a également dénoncé le « programme de détentions secrètes de la CIA » et a révélé les «  actes de torture et autres formes de mauvais traitements infligés aux personnes détenues ». Elle cite deux exemples : « Parmi les techniques autorisées figuraient la nudité forcée, la privation prolongée de sommeil et le waterboarding (simulacre de noyade). […] Abu Zubaydah […] avait été soumis à cette dernière technique plus de 80 fois en août 2002 et Khaled Sheikh Mohammed 183 fois en mars 2003 ». Les auteurs de ces actes ne seront pas poursuivis par la justice comme l’ont déclaré Barack Obama et le ministre de la Justice Eric Holder (12).

AI remarque que « l’impunité et l’absence de voies de recours persistaient pour les violations des droits humains perpétrées dans le cadre de ce que le gouvernement du président Bush appelait la « guerre contre la terreur ». L’organisation ajoute que «  le nouveau gouvernement a bloqué la publication d’un certain nombre de photos montrant les sévices infligés à des personnes détenues par les États-Unis en Afghanistan et en Irak (13) ».

AI dénonce également les actes de « torture et autres mauvais traitements », commis sur le territoire des Etats-Unis par les forces de l’ordre à l’encontre de citoyens américains. « Au moins 47 personnes sont mortes après avoir été neutralisées au moyen de pistolets Taser, ce qui portait à plus de 390 le nombre total de personnes décédées dans des circonstances analogues depuis 2001 ». AI ajoute que « parmi les victimes figuraient trois adolescents non armés qui avaient commis des délits mineurs ainsi qu’un homme apparemment en bonne santé auquel des policiers de Fort Worth, au Texas, ont administré des décharges électriques pendant 49 secondes sans interruption, en mai (14) » 2009.

L’organisation internationale pointe du doigt les conditions de détention aux Etats-Unis. Selon elle, «  ses milliers de prisonniers étaient maintenus à l’isolement prolongé dans des prisons de très haute sécurité où, dans bien des cas, les conditions de vie bafouaient les normes internationales selon lesquelles les détenus doivent être traités avec humanité ». Ainsi « de très nombreux détenus […] dont beaucoup souffraient de troubles mentaux, étaient maintenus à l’isolement depuis 10 ans ou plus, 23 heures sur 24, sans soins adéquats et sans que leur situation ait été réexaminée en bonne et due forme ». Ces derniers « n’avaient la possibilité ni de travailler, ni de se former, ni de se distraire et n’avaient que très peu de contacts avec le monde extérieur (15) ».

Selon AI, « des dizaines de milliers de migrants, dont des demandeurs d’asile, étaient régulièrement incarcérés, en violation des normes internationales. Beaucoup étaient détenus dans des conditions extrêmement dures, pratiquement privés d’exercice, d’accès aux soins et de la possibilité d’obtenir une assistance juridique (16) ».

Par ailleurs, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a dénoncé plusieurs cas d’exécutions extrajudiciaires commises par les forces de l’ordre à l’encontre de migrants. «  Le nombre de morts en détention était supérieur aux 74 cas recensés par les autorités depuis 2003 », note AI (17).

AI évoque les discriminations faites aux femmes issues des minorités en termes de droit à la santé. Ainsi, «  le nombre de décès évitables dus à des complications liées à la grossesse restait élevé ; plusieurs centaines de femmes sont mortes au cours de l’année. Des disparités liées aux revenus, à la race, à l’origine ethnique ou nationale existaient dans l’accès aux soins médicaux pour les femmes enceintes ; le taux de mortalité maternelle était près de quatre fois plus élevé chez les Afro-Américaines que chez les femmes blanches ». AI ajoute également que 52 millions de personnes de moins de 65 ans n’avaient pas d’assurance maladie, « un chiffre en augmentation par rapport à l’année précédente (18) ».

Selon AI, un objecteur de conscience a été condamné à un an de prison pour avoir refusé de servir en Afghanistan. L’organisation dénonce également les procès inéquitables à l’encontre de Leonard Peltier, détenu depuis 32 ans, « malgré les doutes quant à l’équité de sa condamnation en 1977 ». AI note également que la Cour suprême fédérale a refusé d’examiner l’appel interjeté par cinq prisonniers politiques cubains, Gerardo Hernández, Ramón Labañino, Antonio Guerrero, René González et Fernando González, condamnés à de longues peines de prison alors que «  le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] avait conclu, en mai 2005, que la détention de ces cinq hommes était arbitraire car ils n’avaient pas bénéficié d’un procès équitable (19) ».

Par ailleurs, la peine de mort continue à être appliquée aux Etats-Unis. Ainsi, 52 personnes ont été exécutées en 2009 (20).

Le Brésil

La situation au Brésil fait également l’objet d’un rapport. AI fait état «  d’un usage excessif de la force, d’exécutions extrajudiciaires et d’actes de torture de la part de la police ». Les forces de l’ordre « ont continué à se livrer à des violations massives », et des « centaines d’homicides n’ont pas fait l’objet d’enquêtes sérieuses et les suites judiciaires ont été inexistantes ou presque ». Ainsi, «  à Rio de Janeiro, en 2009, la police a ainsi tué 1 048 personnes ». A Sao Paolo, « ce chiffre s’élevait à 543, soit une augmentation de 36 % par rapport à 2008 ». Par ailleurs, «  les homicides imputables à la police militaire auraient quant à eux augmenté de 41 % (21) ».

L’organisation dénonce également « l’augmentation du nombre de milices – groupes paramilitaires armés composés en grande partie d’agents de la force publique agissant hors service » qui « usant de leur pouvoir sur la population pour en retirer des avantages économiques et politiques illicites, […] ont mis en danger la vie de milliers d’habitants et les institutions mêmes de l’État (22) ».

Au Brésil, «  les conditions de détention restaient cruelles, inhumaines ou dégradantes. La torture était régulièrement employée lors des interrogatoires ou à des fins d’extorsion, ou pour punir, contrôler ou humilier », selon AI, en plus du problème de surpopulation (23).

Par ailleurs, « des litiges fonciers ont cette année encore été à l’origine d’atteintes aux droits fondamentaux commises tant par des tueurs professionnels à la solde de propriétaires terriens que par des policiers ». Pas moins de 20 personnes ont été assassinées en 2009 (24).

Selon AI, les droits des travailleurs ont été bafoués et des «  milliers de travailleurs étaient maintenus dans des conditions s’apparentant à de l’esclavage ». Le droit à un logement convenable n’est pas non plus respecté. Par ailleurs, « de graves atteintes aux droits des populations indigènes étaient toujours commises dans l’État du Mato Grosso do Sul ». AI évoque plusieurs cas de disparition de militants indigènes (25).

Le Canada

Selon AI, les autorités canadiennes « n’ont pas veillé au respect des droits des peuples autochtones lors de la délivrance d’autorisations pour l’exploitation des mines, des forêts, du pétrole et d’autres ressources naturelles. Le gouvernement a continué d’affirmer, sans fondement, que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ne s’appliquait pas au Canada (26) ».

L’organisation dénonce également les discriminations à l’égard des indigènes et notamment des enfants. Par ailleurs, l’exploitation par la force du pétrole et du gaz se trouvant sur les terres des Cris du Lubicon a contribué à « une mauvaise santé et à une pauvreté très fréquentes chez eux (27) ».

Le droit des femmes est régulièrement violé au Canada. Ainsi, « les femmes, jeunes filles et fillettes autochtones étaient toujours nombreuses à subir des violences » et «  le gouvernement canadien n’a pris aucune mesure en vue de mettre en place un plan d’action national complet pour lutter contre la violence et la discrimination (28) ».

Le Canada s’est également rendu complice d’actes de torture en livrant des suspects aux autorités afghanes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (29).

Par ailleurs, les forces de police se sont rendues responsables d’un assassinat d’un suspect en lui administrant une décharge électrique à l’aide de pistolets Taser (30).

La Colombie

En Colombie, la population civile est «  victime de déplacements forcés, d’attaques aveugles, de prises d’otages, de disparitions forcées, d’enrôlement forcé de mineurs, de violences sexuelles à l’égard des femmes et d’homicides », commis par les forces de sécurité, les paramilitaires et la guérilla (31).

AI dénombre 20 000 cas de disparitions forcées et 286 000 cas de personnes déplacées. L’organisation souligne que « le gouvernement a refusé de soutenir une proposition de loi prévoyant l’octroi de réparations aux victimes du conflit sur une base non discriminatoire, c’est-à-dire sans aucune distinction selon que les auteurs des violations sont des agents de l’État ou non. Le texte a été rejeté par le Congrès en juin (32) ».

Par ailleurs, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones a qualifié la situation des droits des peuples indigènes de Colombie comme étant « grave, critique et profondément préoccupante ». AI note qu’« au moins 114 hommes, femmes et enfants indigènes ont été tués en 2009, un chiffre en hausse par rapport à l’année 2008 (33) ».

Le Département administratif de sécurité, qui opère sous l’autorité directe du chef de l’État, est impliqué dans «  une vaste affaire d’espionnage illégal, mené sur une longue période. Au nombre des victimes figuraient des défenseurs des droits humains, des membres de l’opposition politique, des juges et des journalistes, dont on cherchait ainsi à restreindre, voire à neutraliser, l’action. Ces manœuvres auraient été effectuées avec l’étroite collaboration de groupes paramilitaires. Des membres des milieux diplomatiques et des défenseurs étrangers des droits humains ont également été pris pour cibles ». AI ajoute que «  Certains militants espionnés par le Département administratif de sécurité avaient reçu des menaces de mort et fait l’objet de poursuites pénales pour des motifs fallacieux (34) ».

En 2009, 80 membres du Congrès ont fait l’objet d’une « information judiciaire en raison de leurs liens présumés avec des groupes paramilitaires ». Plusieurs magistrats participant à l’enquête ont reçu des menaces de mort, selon AI (35).

Plus de 2 000 exécutions extrajudiciaires ont été commises par les forces de sécurité. « Le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a déclaré que ces homicides étaient commis par un nombre important d’éléments de l’armée ». L’armée a continué de collaborer avec les groupes paramilitaires, lesquels se sont rendus coupables de « massacres ». Au moins 8 militants des droits de l’homme et 39 syndicalistes ont été assassinés en 2009. AI note que « l’impunité dont jouissaient les auteurs de violations restait source de profonde préoccupation (36) ».


Le Mexique

Au Mexique, plus de 6 500 personnes ont été tuées dans des violences liées au narcotrafic. AI évoque des « violations des droits humains commises par des militaires, notamment des exécutions extrajudiciaires et d’autres homicides illégaux, des disparitions forcées, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que des détentions arbitraires ». L’organisation ajoute que « des victimes et des proches de victimes ont reçu des menaces après avoir tenté de déposer plainte » et déplore «  l’impunité dont jouissent les coupables (37) ».

AI affirme que « plusieurs cas de violations des droits humains – disparition forcée, recours excessif à la force, torture et autres mauvais traitements et détention arbitraire, notamment – imputables à des agents de la police municipale, fédérale ou des États ont été signalés ». De plus, «  les promesses des autorités, qui s’étaient engagées à mener une enquête sur toutes les allégations de torture, sont restées lettre morte (38) ».

Les migrants ont également été victimes des autorités mexicaines. Ils ont subi des « brutalités, menaces, enlèvement, viol et assassinat, entre autres – perpétrés essentiellement par des groupes de criminels mais aussi par certains fonctionnaires ». AI souligne par ailleurs que « deux défenseurs des droits fondamentaux des indigènes ont été enlevés, torturés et assassinés à Ayutla ». AI note également qu’« à la fin de l’année, Raúl Hernández, prisonnier d’opinion et militant d’une autre organisation locale de défense des droits des populations indigènes, se trouvait toujours en prison sur la base d’une accusation de meurtre forgée de toutes pièces (39) ».

Au Mexique, plusieurs journalistes ont été menacés, agressés et enlevés, selon AI, tout particulièrement ceux qui « s’intéressaient aux questions de sécurité publique et de corruption ». Au moins 12 journalistes ont été assassinés en 2009. De plus, « les enquêtes ouvertes sur les meurtres, les enlèvements et les menaces dont les professionnels des médias faisaient l’objet donnaient rarement lieu à des poursuites, ce qui contribuait à entretenir un climat d’impunité (40) ».

AI dénonce les discriminations et violences commises à l’égard des peuples indigènes, spoliés de leurs terres et de leurs habitations par les autorités, « le but étant d’exploiter les ressources locales (41) ».

Les femmes et les filles sont constamment victimes de violences. «  De très nombreux cas d’assassinat de femmes après enlèvement et viol ont été signalés dans les États de Chihuahua et de Mexico », remarque AI. Mais, « l’impunité demeurait la norme pour les meurtres de femmes et les autres crimes violents dont elles étaient victimes ». Par ailleurs, 14 des 31 Etats du Mexique refusent d’appliquer la loi de dépénalisation de l’avortement (42).

Conclusion

Le rapport d’Amnistie Internationale est édifiant à plusieurs égards. Tout d’abord, on découvre que si l’organisation recense certaines violations des droits humains à Cuba, l’île des Caraïbes est loin d’être le mauvais élève du continent. Ce constat remet donc en cause la stigmatisation des médias occidentaux, de Washington et de Bruxelles à l’égard de La Havane.

Ainsi, la presse occidentale trompe l’opinion publique en présentant Cuba comme étant le principal violateur des droits humains sur le continent américain. Les Etats-Unis, de leur côté, ne peuvent en aucun cas justifier l’imposition des sanctions économiques en raison de la situation des droits de l’homme dans l’île et doivent y mettre un terme. En effet, non seulement ils ne disposent d’aucune autorité morale pour disserter sur cette question au regard de leur propre situation, mais en plus la plupart des pays du continent présentent une situation pire que celle de Cuba.

Quant à l’Union européenne, elle doit éliminer la Position commune qui est discriminatoire et peu crédible et normaliser les relations avec La Havane. Il convient désormais d’évaluer l’autorité de Bruxelles sur cette question.

Salim LAMRANI

Notes

1 Salim Lamrani, « Cuba, les médias occidentaux et le suicide d’Orlando Zapata Tamayo », Voltaire, 1er mars 2010.

2 Salim Lamrani, Cuba. Ce que les médias ne vous diront jamais (Paris : Editions Estrella, 2009), pp. 121-134.

3 Ibid., pp. 21-36.

4 Amnesty International, « Rapport 2010. La situation des droits humains dans le monde », mai 2010. http://thereport.amnesty.org/sites/... (site consulté le 7 juin 2010).

5 Ibid., pp. 87-88.

6 Amnesty International, « Cuba. Cinq années de trop, le nouveau gouvernement doit libérer les dissidents emprisonnés », 18 mars 2008. http://www.amnesty.org/fr/for-media... (site consulté le 23 avril 2008).

7 Amnesty International, « Rapport 2010. La situation des droits humains dans le monde », op. cit., pp. 87-88.
8 Id.
9 Id.
10 Ibid., pp. 105-09
11 Id.
12 Id.
13 Id.
14 Id.
15 Id.
16 Id.
17 Id.
18 Id.
19 Id.
20 Id.
21 Ibid., pp. 48-52.
22 Id.
23 Id.
24 Id.
25 Id.
26 Ibid., pp. 62-63.
27 Id.
28 Id.
29 Id.
30 Id.
31 Ibid., pp. 72-76
32 Id.
33 Id.
34 Id.
35 Id.
36 Id.
37 Ibid., pp. 210-14.38 Id.39 Id.
40 Id.
41 Id.
42 Id.


http://www.legrandsoir.info/Cuba-et-la-rhetorique-des-droits-de-l-homme-2-2.html

Cuba et la rhétorique des droits de l’homme (2/2)
Salim LAMRANI

Analysons à présent la situation des droits de l’homme en France, en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni et en République tchèque.

Les droits de l’homme au sein de l’Union européenne

La France

Selon Amnistie International (AI), de graves violations des droits de l’homme persistent en France. Ainsi, la police est responsable « de recours excessif à la force et de mauvais traitements qui, dans un cas au moins, ont entraîné la mort d’un homme ». Ali Ziri, un Algérien de 69 ans, «  est mort après son interpellation le 9 juin [2009] à Argenteuil », suite à un contrôle de routine. Selon AI, Ziri a été frappé par les forces de l’ordre lors de son arrestation et de son transfert au poste de police en compagnie d’un ami. « Un mois plus tard, le parquet à classé l’affaire sans suite, affirmant que les investigations menées par la police d’Argenteuil n’indiquaient pas que des mauvais traitements aient eu lieu ». La famille de Ziri a alors exigé une contre-expertise à l’Institut médico-légal (IML) de Paris. Cette nouvelle autopsie « relevait de multiples hématomes sur le corps d’Ali Ziri et indiquait que la mort résultait probablement d’une asphyxie mécanique ». Une information judiciaire a alors été ouverte mais AI note que « les policiers mis en cause n’avaient pas été suspendus de leurs fonctions ». L’organisation dénonce également l’impunité dont jouissent les responsables de ces exactions. Ainsi, «  outre la lenteur de leur progression, les enquêtes sur ces allégations menées par les organes chargés de l’application des lois et par les autorités judiciaires semblaient souvent manquer d’indépendance et d’impartialité (1) ».

AI souligne également le cas d’un autre homicide commis par la police en janvier 2005. L’IML de Paris a rendu son rapport à ce sujet en juillet 2009. « Leur rapport d’expertise indiquait que la mort de cet homme résultait d’une violente secousse et que le témoignage d’un policier affirmant qu’Abou Tandia s’était jeté contre un mur était contredit par les constatations médicales ». Le juge d’instruction a refusé de demander l’audition des policiers responsables du crime (2).

AI dénonce également « la surpopulation extrême et le manque d’hygiène dans le centre de rétention de Mayotte », ainsi que les conditions de vie dégradantes des migrants de Calais dont les campements de fortune ont été rasés par les autorités (3).

L’organisation note la création deux nouveaux fichiers policiers destinés à recueillir des informations sur des personnes considérées comme représentant une menace pour l’ordre public. Selon elle, « des inquiétudes subsistaient toutefois en raison de l’ampleur des données personnelles collectées sur des personnes qui n’étaient accusées d’aucune infraction, y compris sur des enfants dès l’âge de 13 ans, et de la formulation vague des critères d’inclusion dans ce fichier, qui concernait notamment les personnes dont l’activité […] indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique (4) ».

Le 14 juin 2010, la France a exigé de Cuba qu’elle libère « tous les prisonniers d’opinion et de conscience (5) », sans délai. Cuba, de son côté, affirme que personne n’est emprisonné pour des délits d’opinion mais pour avoir reçu un financement du gouvernement des Etats-Unis, chose que les dissidents eux-mêmes reconnaissent.

En revanche, Paris reconnaît officiellement la présence de «  prisonniers politiques », par la voix de Michèle Alliot-Marie, ministre de la Justice. Le quotidien Le Monde relate cette réalité dans un article du 31 janvier 2009 :

« Interrogée sur la promesse du gouvernement de rapprocher les détenus corses, "MAM" assura : "Il faut être pragmatique. Vous avez 28 places à la prison de Borgo (près de Bastia) et 26 sont occupées..." Avant de préciser : "En plus, sur les 26, huit sont des prisonniers politiques." La surprise l’emporte alors dans la petite mairie de Calvi où elle se trouve. "Prisonniers politiques" ? L’Etat a toujours refusé de qualifier ainsi ceux qu’il considère comme des prisonniers de droit commun ou des terroristes, alors que les nationalistes corses, eux, revendiquent ouvertement cette appellation (6) ».

L’Allemagne

Selon AI, les autorités allemandes ont fait usage « de preuves apparemment extorquées sous la torture » dans le cadre d’une affaire de terrorisme international. « L’acte d’accusation du parquet s’était fondé pour partie sur des déclarations faites par l’accusé pendant sa détention au Pakistan, durant laquelle il affirmait avoir été battu et privé de sommeil ». L’organisation souligne également que «  des enquêteurs allemands avaient interrogé un témoin détenu à Tachkent en présence d’agents du Service de la sécurité nationale d’un pays, l’Ouzbékistan, où la pratique de la torture est systématique (7) ».

L’Allemagne a expulsé des «  terroristes présumés dans des pays où ils risquent d’être torturés ou de subir d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce qui est contraire aux obligations internationales » de la nation (8).

Berlin a également participé au programme de détentions secrètes de la CIA, malgré une enquête du Parlement allemand excluant toute implication des pouvoirs publics et des services du renseignement. «  Pour Amnesty International, cependant, l’enquête et le rapport fournissaient suffisamment d’éléments prouvant que l’Allemagne était complice de violations des droits humains ». Par ailleurs, la Cour constitutionnelle fédérale a considéré que « le gouvernement avait violé la Loi fondamentale parce qu’il n’avait pas communiqué à la commission d’enquête parlementaire certains documents utiles, en arguant du fait que, dans l’intérêt de l’État, ils devaient rester confidentiels (9) ».

L’Allemagne a procédé à l’expulsion de plusieurs demandeurs d’asile vers leur pays d’origine, où ils ont été arrêtés et torturés par les autorités. Plusieurs Roms ont également été expulsés vers le Kosovo, malgré les risques encourus. Selon AI, «  le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’est déclaré préoccupé par ces expulsions (10) ».

L’organisation note que les migrants en situation irrégulière et leurs enfants « n’avaient qu’un accès limité aux soins de santé, à l’éducation et à des voies de recours en cas de violations de leurs droits du travail », en Allemagne (11).

Selon AI, les forces de l’ordre ont été impliqués dans le décès d’une personne en garde à vue. Par ailleurs, l’Allemagne, dans le cadre de l’OTAN, est responsable d’un raid aérien meurtrier qui a coûté la vie à 142 personnes près de Kunduz en Afghanistan, le 4 septembre 2009. «  Sous la pression, trois hauts responsables gouvernementaux et militaires ont été contraints de démissionner en novembre (12) ».

Enfin, Berlin n’a toujours pas ratifié la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains du Conseil de l’Europe. Il y a une raison précise à cela révélée par l’organisation : «  L’Allemagne continuait d’être un pays de destination et de transit pour les femmes utilisées à des fins d’exploitation sexuelle », pays où la prostitution est légale (13).


L’Espagne

D’après AI, les actes de torture et autres mauvais traitements de la part de la police et des forces de sécurité sont monnaie courante en Espagne. «  Cette année encore, des cas de torture et d’autres mauvais traitements mettant en cause des représentants de la loi ont été signalés ». L’organisation note qu’après l’installation de systèmes complets de vidéosurveillance dans les postes de police autonome de Catalogne, les plaintes pour violences à l’encontre des policiers ont diminué de 40% par rapport à l’année précédente. « La police nationale et la Garde civile n’avaient toutefois pas encore mis en œuvre ces mesures ». Au total, plus de 230 plaintes « pour tortures et autres mauvais traitements infligés par des représentants de la loi » ont été déposées en 2009. L’organisation ajoute que « les autorités n’ont pris aucune mesure pour créer une commission indépendante chargée de traiter les plaintes contre la police, malgré les recommandations formulées à maintes reprises par les organes internationaux de défense des droits humains, notamment par le Comité des droits de l’homme [ONU] (14) ».

Plusieurs policiers responsables de meurtres n’ont toujours pas été mis en examen en Espagne. D’autres, coupables de coups et blessures, ont été condamnés à de simples amendes (600€). AI fait part d’une « augmentation des contrôles d’identité à caractère raciste effectués par la police », et dénonce les atteintes aux droits des migrants et des demandeurs d’asile (15).

Par ailleurs, « les autorités ont maintenu au secret des personnes soupçonnées de participation à des activités liées au terrorisme, bien que les organes internationaux de défense des droits humains aient à plusieurs reprises exhorté l’Espagne à renoncer à cette pratique ». Ainsi, « en vertu de la législation en vigueur, les personnes détenues au secret voient leur possibilité de bénéficier d’une assistance juridique très fortement restreinte et courent un risque accru d’être maltraitées ou torturées ». Le Comité contre la torture de l’ONU a condamné ces pratiques. Plusieurs cas de torture ont été dénoncés en Espagne (16).

L’Espagne s’est rendue coupable d’atteintes graves aux droits des enfants. «  Des mineurs vivant dans les maisons pour enfants gérées par les pouvoirs publics ont subi des violations de leurs droits fondamentaux. Les informations recueillies ont fait état de plaintes pour négligence, médication forcée, recours excessif à la force et violences psychologiques et physiques de la part du personnel (17) ».

La situation des femmes est également un motif de préoccupation. La violence domestique continue de faire des ravages en Espagne. AI remarque que «  les mesures des pouvoirs publics face aux autres formes de violences liées au genre, notamment la traite à des fins d’exploitation sexuelle, [sont] insuffisantes », et regrette qu’« aucune structure officielle ne permett[e] d’identifier les victimes de trafic sexuel ou de leur faire bénéficier d’une assistance (18) ».

AI dénonce la présence persistante de discriminations dues à des critères ethniques et d’origine en Espagne. Les recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] et l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes n’ont pas été appliquées. L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne regrette que l’Espagne ne dispose pas d’un organe national pour lutter contre les discriminations (19).

En Espagne, les disparitions forcées ne sont toujours pas inscrites parmi les infractions réprimées par le Code pénal. L’Audience nationale refuse ainsi d’enquêter sur les disparitions forcées datant de la guerre civile et de la dictature de Franco. Plusieurs tribunaux pénaux locaux ont qualifié la découverte de charniers « d’infractions de droit commun et ont clos les enquêtes aux motifs que les crimes présumés étaient prescrits (20) »

La République tchèque

En République tchèque, les Roms « se sont heurtés à une hostilité croissante de la part de la société tchèque dans son ensemble ». Ils souffrent « de ségrégation en matière d’enseignement, de logement, et de discrimination dans le travail ». Les agressions à l’encontre des populations rom sont fréquentes et les autorités judiciaires refusent de dissoudre les milices du Parti des travailleurs, « une formation d’extrême droite dont les militants organisaient des patrouilles prenant pour cible les Roms ». La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance a dénoncé « la montée des propos haineux contre les Roms dans les débats publics et de la multiplication des manifestations de groupes d’extrême droite », et a regretté que les pouvoirs publics refusent « la mise en oeuvre énergique des lois interdisant toutes les formes de violence raciste ou d’incitation à la haine ». Ainsi, une famille rom a grièvement été brûlée suite à l’incendie criminel de leur logement (21).

La discrimination contre les enfants roms est également répandue en République tchèque. La Cour européenne des droits de l’homme note que Prague s’est rendu coupable « de discrimination contre des enfants roms en les plaçant – parce qu’ils étaient roms – dans des écoles spéciales ». Selon AI, « la ségrégation rest[e] la règle dans les établissements scolaires ». L’organisation ajoute que «  les jeunes Roms étaient toujours surreprésentés dans les écoles primaires et les classes pour élèves souffrant d’un « handicap mental léger » », ou étaient rassemblés dans des «  écoles et des classes du système classique qui leur étaient réservées », lesquelles «  dispensaient souvent un enseignement de qualité inférieure ». Le système d’enseignement tchèque a «  tendance à exclure les élèves ayant des besoins pédagogiques particuliers ». D’après un rapport portant sur la discrimination, «  près de la moitié des élèves roms scolarisés dans le primaire redoublaient ou étaient orientés vers des écoles spéciales ». Par ailleurs, la justice a débouté plusieurs plaignants roms qui avaient dénoncé des cas avérés de discriminations (22).

Les Roms sont victimes «  de pratiques ségrégationnistes en matière de logement ». La Cour européenne des droits de l’homme a regretté la passivité du gouvernement à ce sujet (23).

Des cas récurrents de « stérilisation forcée des femmes roms » persistent en République tchèque. La Cour constitutionnelle a rejeté la demande d’indemnisation d’une femme rom « qui avait été illégalement stérilisée (24) ».

AI dénonce enfin des cas de « torture et autres mauvais traitements » de la part des autorités. Ainsi, « certains établissements psychiatriques continuaient d’utiliser des lits de contention, y compris en l’absence de tout risque pour les patients ou pour leur entourage ». Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants avait recommandé en 2004 que les « lits-cages soient immédiatement retirés du service et que les lits à filet soient eux aussi abandonnés dans les meilleurs délais », sans succès (25).


Le Royaume-Uni

Le Royaume-Uni s’est rendu coupable de « violations graves des droits fondamentaux de personnes détenues à l’étranger », notamment de «  torture et autres mauvais traitements » réalisés par des « agents des services britanniques du renseignement ». Les autorités ont refusé toute enquête indépendante à ce sujet et les responsables britanniques auraient en outre tenté de dissimuler l’implication du Royaume-Uni dans ces affaires (26).

Londres a été impliqué dans le programme de «  restitutions » mené par la CIA, en référence aux personnes enlevées illégalement, participant ainsi aux exactions commises par les autorités étasuniennes. Les autorités britanniques ont également fait usage de preuves obtenues sous la torture (27).

Le Royaume-Uni a expulsé plusieurs personnes vers des pays où elles risquaient « de subir des violations graves de leurs droits fondamentaux, notamment d’être torturées ». La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a également dénoncé plusieurs cas de violations du «  droit à la liberté » des ressortissants britanniques incarcérées sans inculpation ni jugement (28).

AI dénonce les « ordonnances de contrôle » qui permettent aux autorités «  de restreindre, sur la base d’éléments tenus secrets, la liberté, les déplacements et les activités de personnes soupçonnées d’implication dans des actes de terrorisme ». Plusieurs personnes sont actuellement détenues sans raison précise (29).

En Irak, les autorités britanniques se sont rendues coupables d’actes de torture et de plusieurs assassinats dans les centres de détention gérés par le Royaume-Uni. Ainsi, Baha Moussa est mort « en Irak après avoir été torturé pendant 36 heures par des soldats britanniques (30) ».

En novembre 2009, le Parlement a adopté une loi relative aux coroners qui confère à l’exécutif « le pouvoir d’ordonner la suspension d’une enquête du coroner (laquelle est menée en cas de mort violente, subite ou suspecte), d’ouvrir d’autres investigations dans le cadre de la Loi de 2005 relative aux commissions d’enquête, au motif que ces dernières seraient compétentes pour rechercher les causes d’un décès (31) ».

La police et les forces de sécurité ont «  fait un usage disproportionné de la force, utilisé des armes telles que des matraques et des boucliers durant des charges contre des manifestants et retiré intentionnellement leur matricule ». Selon AI, « sur des enregistrements vidéo publiquement accessibles et datés du 1er avril, on a pu voir un policier portant un casque et une cagoule frapper Ian Thomlinson à coups de matraque sur le mollet puis le faire tomber. Au moment du premier contact, Ian Thomlinson, un marchand de journaux de 47 ans, tournait le dos à une rangée de policiers antiémeutes et s’éloignait à pied, les mains dans les poches. Il s’est écroulé et est mort peu après ». Ce n’est qu’après la diffusion de l’enregistrement vidéo que la police a reconnu qu’un contact avait eu lieu avec Ian Thomlinson (32).

En février 2009, le parquet d’Angleterre a annoncé que «  les éléments de preuve n’étaient pas suffisants pour conclure qu’il y avait eu infraction de la part de la police dans l’affaire de la mort de Jean Charles de Menezes, un Brésilien tué par balle à Londres en 2005 par des policiers ». Selon AI, «  cette décision semblait entériner l’impunité pour cet homicide (33) ».

AI dénonce également l’impunité pour des « homicides à caractère politique » commis par le passé au Royaume-Uni, avec la « complicité de l’État ». Elle cite plusieurs cas dont ceux de Patrick Finucane, « avocat, éminent défenseur des droits humains », de Robert Hamill, de l’avocate militante des droits humains Rosemary Nelson et de Billy Wright (34).

AI note enfin des discriminations à l’égard des Roms, des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants. L’organisation dénonce également la détention administrative appliquée à des enfants et des femmes. Par ailleurs, la violence contre les femmes et les filles reste un problème récurrent au Royaume-Uni (35).

Conclusion

Au vu des rapports d’Amnistie internationale, il est difficile pour l’Union européenne de prétendre que la Position commune de 1996, toujours en vigueur, se justifie par la situation des droits de l’homme à Cuba. En effet, les principales nations du Vieux continent présentent également de graves violations des droits humains, souvent pires que celles commises à Cuba. L’autorité morale de Bruxelles devient ainsi discutable à plus d’un titre (36).

L’Espagne, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, reconnaît que l’actuelle Position de l’Europe des 27 à l’égard de Cuba est difficilement défendable en raison de son caractère discriminatoire et du manque de crédibilité de Bruxelles. Elle a ainsi appelé à mettre un terme à une politique qui n’a pas porté ses fruits et qui a fortement terni l’image de l’Europe au sein du continent latino-américain, opposé en grande majorité à toute sanction arbitraire contre Cuba37. La voie de la normalisation des relations entre La Havane et Bruxelles passe par l’élimination de la Position commune. (37)

Salim LAMRANI

Notes

1 Amnesty International, « Rapport 2010. La situation des droits humains dans le monde », mai 2010. http://thereport.amnesty.org/sites/... (site consulté le 7 juin 2010), pp. 115-17.
2 Id.
3 Id.
4 Id.

5 El Nuevo Herald, «  Francia vuelve a pedir excarcelación de presos de conciencia cubanos », 14 juin 2010.

6 Isabelle Mandraud, « Un grain de sable dans la visite de ‘MAM’ en Corse », Le Monde, 31 janvier 2009.

7 Amnesty International, op. cit., pp. 14-15.
8 Id.
9 Id.
10 Id.
11 Id.
12 Id.
13 Id.
14 Amnesty International, op. cit., pp. 101-04
15 Id.
16 Id.
17 Id.
18 Id.
19 Id.
20 Id.
21 Amnesty International, op. cit., pp. 270-72
22 Id.
23 Id.
24 Id.
25 Id.
26 Amnesty International, op. cit., pp. 275-79
27 Id.
28 Id.
29 Id.
30 Id.
31 Id.
32 Id.
33 Id.
34 Id.
35 Id.

36 El Nuevo Herald, «  LaUE aplaza revisión de la Posición Común hacia La Habana », 15 juin 2010.

37 El Nuevo Herald, «  Moratinos critica ‘posición común’ de UE », 1er juin 2010.

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