Une tribune pour les luttes

CNT-AIT

À propos du système carcéral français.

Article mis en ligne le dimanche 29 octobre 2023

En tant qu’anarchistes, nous sommes hostiles au système d’enfermement carcéral des personnes délinquantes et criminelles. Autrement dit, nous sommes contre les prisons que nous jugeons apporter une réponse archaïque aux questions de délinquance et de criminalité, dans cette société comme dans toute autre d’ailleurs, dont celle que nous souhaitons : anticapitaliste, anti-étatique et anti-autoritaire donc égalitaire, libertaire et communiste. Notre positionnement sur cette question de l’incarcération est mal perçu dans l’opinion publique (ce fut d’ailleurs longtemps mon cas lorsque je ne connaissais que superficiellement l’Anarchisme) car nous ne présentons que trop rarement les raisons de celui-ci et de ce fait beaucoup supposent, au mieux, un angélisme et une naïveté des anarchistes, au pire notre complicité avec les délinquants et les criminels (1), ce qui n’aide pas à rallier à notre cause ou tout au moins à attirer la sympathie de personnes pouvant pourtant partager bon nombre de nos critiques envers la société actuelle et bon nombre de nos idéaux et valeurs.

Plusieurs études [1] venant de paraitre sur la santé mentale des personnes détenues en France permettent d’étayer par divers chiffres les reproches que nous portons sur le système carcéral :

Les personnes détenues ont 3 fois plus de troubles psychiatriques que la population générale (Et pour la plupart relèvent plus de soins médicaux dans des établissements adéquats que d’un emprisonnement. Mais, la prison permet la surpopulation et une journée d’emprisonnement ne coûte que 105 euros par personne à l’État -32 000 euros l’année – tandis qu’une journée en hôpital psychiatrique lui coûte plusieurs centaines d’euros par jour…)

Elles souffrent 8 fois plus de troubles liés à l’usage de substances nocives que la population générale

40 % des personnes incarcérées présentent au moins 2 troubles psychiatriques contre 15 % dans La population générale.

2/3 des hommes et 3/4 des femmes incarcérés souffrent d’au moins un trouble (psychiatrique ou addictologique) à leur sortie de prison, ce qui prouve que l’emprisonnement aggrave l’état de santé des personnes plutôt que de les soigner.

Le taux de suicide des personnes détenues est 7 fois plus élevé que dans la population générale,

Le personnel pénitentiaire est épuisé par une surpopulation carcérale chronique (Au 1ᵉʳ avril dernier, les prisons françaises comptaient 60 899 places pour 73 080 personnes détenues, ce qui donnait une densité carcérale globale de 120 % contre 117,1 % il y a un an. Le taux d’occupation atteignait même, 142,2 % dans les maisons d’arrêt où sont incarcérées les personnes en attente de jugement, donc présumées innocentes, celles condamnées à de courtes peines ou ayant un petit reliquat de peine après condamnation et celles condamnées à de longues peines en attente d’une cellule libre en Centre de détention ou en Centrale où l’encellulement individuel est de règle) de plus en plus violente et par le manque de moyens également chronique (manque de surveillants, manque de médecins, manque de psychologues, manque d’enseignants, manque de professeurs de sport, manque de conseillers d’insertion et de probation pénitentiaires chargés notamment d’aménager incarcération des personnes détenues et de préparer leur libération : renouer ou entretenir des liens familiaux notamment avec les enfants, montage avec les personnes incarcérées de leurs dossiers de demande de libération anticipée sous contrainte ou conditionnelle, recherche d’un logement, d’un travail ou d’une formation et organisation de la poursuite de soins et d’un suivi médical si nécessaire pour La sortie de prison

Même si beaucoup de CPIP ont été recrutés ces dernières années, chacun a encore en moyenne 703 personne détenues à aider, et parfois jusqu’à 100 dans les maisons d’arrêt les plus surpeuplés, manque de salles et de terrains de sport pour offrir à chacun une activité régulière, manque de salles pour les activités scolaires, culturelles et récréatives qu’il faut donc limiter, manque de travail en ateliers, ce qui place beaucoup de personnes détenues souhaitant s’occuper par le travail et gagner un peu d’argent [2], sur des listes d’attentes interminables, etc.)

Tout cela ( plus le fait de mélanger différents types de délinquants et criminels entre eux, dans un même lieu : la prison, en leur donnant quasi à tous une même réponse pénale : la privation de liberté, la cellule, un peu accès à la cour de promenade, un peu de travail, un peu d’école, un peu de sport, un peu de soins et surtout la promiscuité avec tous types de délinquants et criminels, et tous types de profils psychologiques, à la différence de ce que font d’autres pays qui emprisonnent avec plus de modération que nous et regroupent surtout dans des lieux différents qui peuvent être ouverts et n’être en rien des prisons – les personnes selon les causes communes de leur mise sous main de justices ce qui permet une aide adéquate aux uns et autres autre, et d’éviter la récidive bien plus efficacement qu’en France [3] fait comprendre que l’incarcération est une réponse inadaptée aux problèmes de délinquance et de criminalité et personne ne peut s’étonner que 45% des personnes sortant de prison commettent un nouvel ace de délinquance dans les 2 années suivant leur libération [4].

Ce n’est pas tout, d’après les études précitées, d’une part, près de 100 % des personnes incarcérées ont été victimes de maltraitance étant enfants (dont 37 % de violences sexuelles pour les femmes et 13% pour les hommes), sachant que ces maltraitances durant l’enfance sont de grandes pourvoyeuses de troubles psychiatriques et que, d’autre part, 30 % des hommes incarcérés et 40 % des femmes incarcérées ont été placés en familles d’accueil durant leur enfance (Ce qui n’est pas une critique des familles d’accueil, mais la preuve que ces enfants ont connu un choc du fait de la rupture avec leurs parents), toutes choses qui font conclure, par le Syndicat de la magistrature [5], que c’est le désengagement de l’État et des collectivités territoriales en matière de protection de l’enfance, pour des raisons budgétaires, qui a conduit beaucoup de jeunes à la délinquance, voire à la criminalité faute d’avoir été aidés et pris en charge en temps utiles...

Cela fait penser à cette « merveilleuse » politique de fermeture de lits en soins psychiatriques qui commença dans les années 80 et fut rondement amorcée, au nom de l’humanisme, par de soi-disant socialistes et autres élus d’une pseudo-gauche, qui prétendaient mieux intégrer ainsi à la société les personnes présentant des troubles psychiatriques, mais qui voulaient surtout réaliser des économies budgétaires, en parfaits tenants du libéralisme économique qu’ils étaient… Une partie de ces personnes rejetées des hôpitaux psychiatriques, selon les aléas de leurs vies personnelles, se retrouvèrent à la rue ou en hébergements d’urgence pour SDF, d’autres en prison… Et, s’y retrouvent toujours comme le démontrent les chiffres ci-dessus…

En conclusion :
Une grande partie des personnes incarcérées n’ont rien à faire en prison, d’autant plus si elles souffrent déjà de troubles psychiatriques au moment de leur arrestation, car le système carcéral ne leur apportera rien de positif pour leur avenir et ne les préparera en rien à un retour apaisé dans la société, ce qui risque d’être à nouveau nuisible pour cette dernière. La plupart des personnes incarcérées ne devraient pas se retrouver en état de délinquance ou de criminalité car ce sont leurs troubles psychiatriques qui les ont menés à commettre leur acte répréhensible, auraient dû être pris en charge en amont par la société. Des pays novateurs ont démontré que des choix différents de politique pénale, tournant le dos à la priorité que donne à l’enfermement une oligarchie française des plus bornées, portaient ses fruits. La conclusion s’impose : ici comme sur d’autres sujets, la réalité des choses donne raison aux anarchistes quand ils prônent, dès la société actuelle, la fin du système carcéral, loin de toute naïveté, de tout angélisme, et de toute complaisance pour les délits et les crimes, mais avec une compassion naturelle pour les victimes d’actes de délinquance ou de criminalité et le souci du bien-être ou du mieux-être de tous…

Il reste néanmoins que c’est l’avènement d’une société anarchiste, donc égalitaire, libertaire et solidaire, qui entraînera le plus facilement et le plus rapidement la disparition des causes d’une multitude de délits et crimes et donc de ceux-ci…

Pour aller plus loin : Catherine Baker – Pourquoi faudrait-il punir ? Sur l’abolition du système carcéral (2004).

P.-S.

CNT-AIT 7 rue St Rémésy 31000 TOULOUSE

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