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HNS-info

Les pêcheurs italiens aident les migrants qui arrivent sur des embarcations de fortune au grand dam de l’Europe raciste

Jugement le 4 Mai 2009 pour les sept marins tunisiens accusés en Sicile d’aide à l’immigration clandestine pour avoir sauvé des sans-papiers.

Article mis en ligne le jeudi 30 avril 2009

http://www.hns-info.net/spip.php?article18448

mercredi 29 avril 2009

Source / auteur : Fortress Europe
http://fortresseurope.blogspot.com/...

MAZARA DE VALLO -

« Nous sommes au milieu. C’est notre zone de pêche, et leur zone de transit". Presque chaque jour, les pêcheurs siciliens croisent les embarcations des émigrants au large de Lampedusa. Et de plus en plus remplacent les Garde Côtes et la Marine Militaire dans des difficiles sauvetages. Le dernier fut le 28 novembre 2008. La mer en tempête, cinq équipage siciliens sauvèrent courageusement 650 personnes.

Pour les rencontrer je suis allé à Mazara del Vallo, premier district de pêche en Sicile. Et là j’ai découvert que ce n’était pas la première fois.
_ Ces dernières années, les pêcheurs de Mazara ont sauvé de centaines d’hommes et de femmes. Leurs histoires sont incroyables. Des histoires héroïques de marins qui se jettent dans la mer, en plein nuit, pour sauver des gens. Mais aussi cruels, indicible, de cadavres trouvés dans les filet, mangés par les poissons. En tout cas ce sont des histoires d’une profonde humanité. Des héros anonymes qui ne se sont pas tournés de l’autre coté. Car "quand tu vois un enfant âgé de trois mois en mer, tu ne pense plus à l’argent et au temps perdus. Tu pense seulement à lui sauver la vie."

C’était une petite fille de quelques mois, la première a monter à bord du Ghibli, l’après-midi du 28 Novembre 2008 à Lampedusa. "Elle était protégée par une couverture. Quand je l’ai vue, je lui faisais des grimaces. Elle riait." Elle avait passé trois jours en mer, comme sa mère, et les 350 autres passagers, entassés sur un vieux bateau en bois de dix mètres, bloqués dans la mer en tempête, à 10 miles au sud-est de l’île. Le capitaine Pietro Russo ne va pas oublier facilement son visage. Le commandant des Garde Côtes lui a demandé d’intervenir : leur bateaux n’étaient pas assez grand pour défier ces vagues et il n’y avait pas de navires de la Marine militaire dans la zone. Seulement les grands bateaux de pêche de 35 mètres de Mazara pouvaient intervenir. Quand Russo entendit qu’à bord il y avaient des femmes et des enfants, il ne put pas se tourner de l’autre coté. Et il pris le risque. De la même façons qu’avait fait, la nuit auparavant, le commandant du Twenty Two, Salvatore Cancemi, qui n’hésita pas à sortir en mer force 7 pour sauver 300 personnes en danger.

Les informations donnaient l’embarcation à 15 miles à l’ouest de l’île, près du rocher de Lampione. Cinq embarcations de la flotte de Mazara partirent la chercher, en dépit des conditions maritime. "Il y avait des vagues de huit mètres de hauteur et des rafales de vent à 70 km/h" – raconte Cancemi. "La mer était trop agitée pour un abordage - dit-il -, mais aussi pour les remorquer, le câble pouvait se rompre. Il y avait trop de vagues. Nous avons donc décidé de les escorter. On naviguait à leur côté, en faisant mur contre le vent." Ils cherchèrent refuge sous les rocher de la Cozzo Ponente. Il mouillèrent l’ancre juste à quelque mètres de la côte, en plein nuit. Et puis, petit à petit, transbordèrent tous les passagers. Cela fut le moment le plus difficile, dit le pêcheur. Un faux pas et le bateau allait immédiatement se renverser dans l’eau. Et ce n’aurait pas été la première fois.

Nicola Asaro, classe 1953, est le capitaine du Monastir. La nuit du 17 Juillet 2007 ils étaient en train de pêcher des crevettes rouges au large des côtes libyennes, quand ils furent approché par une petite embarcation avec 26 personnes à bord. "Ils étaient sans carburant. Ils voulaient de l’essence, mais nous utilisons le gasoil, nous ne pouvions pas les aider." En tout cas Asaro ordonna d’abaisser une échelle et de les laisser monter. La mer était plate. Il fut un moment. Quelqu’un se leva par derrière, et commença à pousser les autres. Dans un instant le bateau chavira. "Nous lancêmes immédiatement dans la mer des gilets de sauvetage et des cordes. Ils ne savaient pas nager. Ils se tiraient l’un l’autre au dessous de l’eau." Finalement les marins de Asaro en sauvèrent 14 et récupérèrent un mort. "Les 11 autres, je les ai vus couler de mes propres yeux."

La même chose s’est passé encore, il y a quelques mois, en Juin 2008, avec le capitaine de l’Ariete, Gaspare Marrone. Ils étaient en train de remorquer une cage de thons. Le bateau, avec 30 personnes à bord, chavira à deux mètres de l’Ariete, pendant les secours. Les membre de l’équipage réussirent à récupérer 22 personnes de la mer et les cinq qui s’étaient accrochés à la cage. Mais trois personnes, dont une femme, disparurent entre les vagues. Un an plus tôt, en septembre 2007, Marrone avait sauvé 10 hommes en haute mer, accrochés à la quille d’un zodiac coulé, un tube de 20 cm de largeur et 4 mètres de longueur. Ils étaient là depuis plus de deux heures, nu. Les 30 autres passagers étaient tous noyés. "De loin ils me semblaient des bouées, quand j’ai compris qu’ils étaient des hommes, je ne voulait pas en croire mes yeux. Nous leur lancâmes des ceintures de sauvetage. Un des marins sauta en mer pour les aider, ils n’avaient plus de force ".

Même le jeune mauritanien trouvé tout seul en haute mer, à 70 miles de Lampedusa, par le bateau de pêche Ofelia, le 23 août 2007 n’avait plus de forces. "C’était l’aube - dit le capitaine Antonio Cittadino -. Je l’ai vu par hasard, par la fenêtre de la cabine. Au début, je me suis dit que c’était un bidon. Ensuite, j’ai vu quelque chose bouger. Il avait soulevé la main. Il était un homme." Il était le seul survivant d’un naufrage qui a couté la vie à 47 personnes. Depuis 48 heures il restait assis sur trois planches de bois de la coque du bateau coulé. "Dès que nous l’avons tiré à bord, il s’est effondré sur le sol. Il ne parlait pas. La peau était devenu blanche à cause de l’eau salée. Quand il s’est repris, le lendemain, il m’appelait l’ami de Dieu. "

Russo, Asaro, Cancemi, Marrone, Cittadino et tous les autres capitaines courageux font honneur à l’Italie. Pour reconnaitre leur engagement, le Haut Commissariat de Nations Unies pour les Réfugiés a institué en 2007 le prix « Per Mare ». Un prix qui réaffirme publiquement la valeur des sauvetages en mer, alors que dans le tribunaux la solidarité semble être devenu un crime.


C’est le cas du capitaine Zenzeri et de six marins tunisiens. Depuis deux ans ils sont en procès à Agrigento, en Sicile. Quand il vit les deux enfants et la femme enceinte parmi les 44 passagers du zodiac a moitié coulé, il n’hésita pas un instant pour les secourir. C’était le 8 août 2007.
Aujourd’hui le ministère public demande deux ans et demi d’emprisonnement pour les sept marins plus une amende de 440.000 euros. L’accusation est d’aide à l’immigration clandestine. Le jugement est attendu pour le 4 Mai 2009.
Lorsque j’ai rencontré Zenzeri en Tunisie, il me disait que s’il pouvait revenir en arrière, il ferait la même chose. C’est la loi de la mer. La solidarité n’est jamais un crime. Il en est convaincu. Et ils en sont convaincus les avocats de la défense - Leonardo Marino et Giacomo La Russa - qui en cas de condamnation, promettent bataille, jusqu’à la Cour européenne.


Compléments

http://fortresseurope.blogspot.com/2006/01/forteresse-europe.html

13.767 immigrés au moins sont morts aux frontières de l’Europe depuis 1988, dont 5.449 ont disparu en mer.

En mer Méditerranée et dans l’océan Atlantique 9.806 migrants ont perdu la vie . Dans le Canal de Sicile 3.465 personnes sont mortes, entre la Libye, l’Égypte, la Tunisie, Malte et l’Italie, dont 2.350 disparus, et 125 autres ont perdu la vie le long des nouvelles routes entre l’Algerie et l’île de Sardaigne ; 4.402 personnes sont mortes au large des îles Canaries et du détroit de Gibraltar entre le Maroc, l’Algérie et l’Espagne, dont 2.234 disparus ; 1.072 personnes sont mortes en mer Egée, entre la Turquie et la Grèce, dont 592 disparus ; 603 personnes sont mortes en mer Adriatique, entre l’Albanie, le Montenegro et l’Italie, dont 220 disparus. Et pour rejoindre l’île française de Mayotte, dans l’océan Indien, 624 personnes se sont noyées. Mais la mer on ne la traverse pas seulement à bord des pirogues. En navigant cachés à bord de navires de cargaison régulièrement enregistrés, au moins 153 hommes sont morts asphyxiés ou noyés.

Mais avant d’arriver à la mer, le Sahara est un passage obligé et tout autant dangereux. Les aventuriers africains le traversent sur des camions comme sur des véhicules tout terrains le long des pistes entre le Soudan, le Tchad, le Niger et le Mali d’une côté et la Libye et l’Algérie de l’autre. Ici au moins 1.691 personnes sont mortes depuis 1996. Mais selon les survivants, presque chaque voyage compte ses victimes. Le nombre des victimes donc pourrait être bien plus élevé. Les chiffres incluent aussi les victimes des déportations collectives pratiquées par les gouvernements de Tripoli, d’Alger et de Rabat, désormais habitués à abandonner des groupes de centaines de migrants en zones frontalières en plein désert.

En Libye les migrants sont maltraités. Il n’y a pas de données officielles, mais au cours du 2006 Human Rights Watch et Afvic ont accusé Tripoli des détentions arbitraires et tortures dans les centres d’arrestiation, dont trois sont financés par l’Italie. En septembre 2000 à Zawiyah, dans le nord-ouest du pays, au moins 560 étrangers ont été tués pendant des assauts racistes

En voyageant cachés dans les camions 352 personnes ont trouvés la morte. Et 208 migrants se sont noyées dans les fleuves délimitants la frontière, la plupart dans l’Oder-Neisse, entre la Pologne et l’Allemagne, l’Evros entre la Turquie et la Grèce, le Sava entre la Croatie et la Bosnie ; et le Morava entre la Slovakie et la Republique Tchèque. Autres 112 personnes sont mortes d’hypothermie en tentant de franchir la frontière dans les montagnes, la plupart en Turquie et Grèce. En Grèce, le long de la frontière avec la Turquie, il y a encore des champs de mines. En essayant d’entrer en Grèce après avoir traversé le fleuve Evros, au moins 92 personnes y sont morts

209 migrants sont morts sous le feu de la police de frontière, dont 37 aux enclaves espagnoles au Maroc, Ceuta et Melilla, 50 en Gambie, 56 en Égypte et 33 en Turquie, le long de la frontière avec l’Iran et l’Iraq. Mais d’autres personnes ont été tuées aussi en France, en Belgique, en Espagne, en Allemagne, au Maroc et en Libye. 41 personnes en fin ont été retrouvées mortes dans le train d’atterrissage d’avions de ligne, 29 personnes sont mortes à Calais ou bien cachés sous les trains dans le tunnel sous la Manche en direction de l’Angleterre, 2 se sont noyés en essayant traverser la Manche et 12 ont perdu la vie sous autres trains en Italie, Grèce et Suisse

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