Une tribune pour les luttes

7ème et 8ème audiences du lundi 8 et mardi 9 février 2010 au procès des "inculpés de Vincennes".

La relaxe des inculpés-victimes de l’incendie du Centre de rétention de Vincennes aurait dû être évidente... mais de lourdes peines de prison ont été demandées

Une conférence de presse organisée par les avocats de la défense et en présence de témoins de la défense se tiendra demain mercredi 10 février.

Article mis en ligne le mardi 9 février 2010

Les audiences se sont terminées ce mardi 9 février 2010. Le réquisitoire du
parquet est lourd ; pour 9 des 10 prévenus le procureur a requis de la
prison ferme. Le jugement est en délibéré jusqu’au 17 mars, 13h30.

Une conférence de presse organisée par les avocats de la défesne et en
présence de témoins de la défense se tiendra demain mercredi 10 février à
14h, 9 place de l’hôtel, Paris(M° Hôtel de ville), bureau 220.


Délibéré : 17 mars.

CRA 2

* O. / 36 MOIS FERME dont 6 de sursis
* A. /18 MOIS FERME dt 6 sursis
* D.( le français préféré de la présidente) /36 MOIS FERMES dont 6 sursis
* M. 18 MOIS FERME dont 6 sursis

CRA 1

* O. 36 MOIS FERME dont 6 de sursis
* A. 18 mois avec sursis
* As ( dans la nature) 3 ANS FERME
* Ba. 6 mois
* Be. 6 à 8 mois

Dernière phrase du procureur :
- Il faut une expertise : " CAR C’EST UNE OBLIGATION MORALE ET LEGALE DE
PROTEGER LES POLICIERS"



Compte rendu de l’audience du 9 février 2010

http://www.migreurop.org/article1624.html
10 février 2010

L’accès à la salle n’est ouvert au public (à qui il est demandé «  pour quelle affaire » il vient) qu’après que toutes les personnes convoquées pour les autres affaires que le procès de Vincennes sont entrées. L’audience commence à 14h10, après le renvoi des cinq autres affaires audiencées ce jour. Il y a dix personnes sur les bancs du public.

La présidente appelle les témoins cités par la défense. Aucun n’est présent. Elle donne toutefois lecture des déclarations faites par deux d’entre eux, parlementaires, au magistrat instructeur.

Le sénateur Jean Desessard, qui a visité plusieurs CRA et la zone d’attente de Roissy, s’était rendu au CRA de Vincennes quinze jours avant l’incendie. S’il a vu en général des conditions d’accueil « aussi dignes que possible » il a senti à Vincennes un climat de tension et une violence palpable, l’ayant laissé plus de deux heures « vidé » après avoir quitté les lieux. Il voit dans les événements du 22 juin les conséquences d’une émeute comme il peut s’en tenir en prison, fruit d’une agressivité entre retenus due à la surpopulation difficilement supportable. Son témoignage vise à souligner que si des responsabilités individuelles sont retenues elles doivent être appréciées au regard de ces conditions [1].


Le député Jean-Pierre Brard,
alerté par le réseau RESF, s’était déplacé au CRA le 21 juin, après le décès de M. Souli. Sur place, un Malien lui avait donné des documents qu’il devait lui retourner lui rendre le lendemain. En arrivant le dimanche au CRA où l’incendie était déjà circonscrit, il y a vu les retenus assis par terre dans la cour. Comme il voulait téléphoner, mais que son téléphone était déchargé, un des retenus, M. D., lui a prêté le sien. L’intéressé n’était ni agité ni excité, mais lui a paru serein. M. Brard ajoute dans la déclaration qu’il a faite au juge d’instruction que cette visite n’était pas la première qu’il faisait dans un CRA, et qu’il peut attester que les départs de feu y sont chose fréquente, et que les pompiers sont souvent appelés pour éteindre des débuts d’incendie.


La parole est ensuite donnée aux conseils des parties civiles
. L’avocate des six fonctionnaires du CRA qui se sont constituées pour violences commence par souligner que malgré l’absence de la défense, elle est toutefois en mesure de lui répondre car les avocats des prévenus ont été là les trois premiers jours du procès et ont largement développé leurs arguments dans leurs conclusions de nullité, qui ont donné le ton qu’ils entendaient imprimer au procès, en parlant de procès politique. Elle évoque les formules qu’elle a relevées dans les plaidoiries de la défense : référence au procès Clearstream, chronique d’une mort annoncée, univers concentrationnaire, rafles, formules qui faisaient écho aux slogans des manifestants de la rue, et souligne combien, à la date anniversaire de la libération d’Auschwitz, il était grave et choquant d’entendre assimiler les CRA à des camps et leurs gardiens à des kapos. _ Elle poursuit : ce procès n’est pas celui des CRA. Ceux-ci existent depuis 1981, et ont été institués pour garantir des droits aux retenus après que la situation du centre d’Arenc ait été rendue publique [2] . Ce n’est pas non plus le procès du CRA de Vincennes. On sait ce qu’il en est à l’intérieur. « C’est vrai que j’étais ignorante de ce dispositif », dit-elle, mais on a les témoignages de la police, on a aussi les vidéos qui montrent qu’on est bien loin de la prison. Certes il y a l’enfermement, mais les retenus ont des droits : on leur donne des nécessaires de toilette à leur arrivée, on leur propose un coffre pour garder leurs effets, il y a une infirmière en permanence - on peut vérifier sur le site de la Cimade - , les retenus ne restent que quelques jours, ils peuvent recevoir des visites, il s’y échange des cigarettes, des briquets, des allumettes, des portables dont l’usage est toléré, la nourriture est conforme aux rites religieux, les retenus disposent de playstations, de tables de ping-pong, c’est propre. Comme on peut le voir sur les bandes vidéos, les policiers ont une présence réduite au strict minimum, les retenus vont et viennent, changent de chambre, jouissent d’une grande liberté. Les policiers le disent : il faut éviter qu’il y ait du ressenti d’agression. Souvent les retenus exercent des violences entre eux ou sur eux-mêmes (bagarres, automutilations, tentatives de suicide) mais les 21 et 22 juin, cette violence ils l’ont exercée contre les forces de l’ordre. Le 21 juin, les premières échauffourées, les premiers incendies ont eu lieu après la mort de M . Souli, puis les choses se sont calmées.
Le dimanche 22, c’était la marche religieuse, mais pas silencieuse selon un policier, puisqu’en même temps certains retenus ont commencé à sortir les matelas et les manifestants, à l’extérieur, ont « attisé le feu ». Une des fonctionnaires a été prise à parti, on lui a tiré les cheveux, elle est tombée, a été frappée à terre. Deux puis trois collègues sont venus à sa rescousse. Son réflexe a été de s’en aller, de partir, de refermer la porte derrière eux. Elle et ses collègues ont d’abord reçu des crachats, puis des projectiles : blocs de béton descellés, canettes, bouteilles, pour empêcher les policiers de venir éteindre le feu. Même les pompiers disent qu’ils n’ont pas pu intervenir avant l’arrivée des compagnies d’intervention.

Ce procès, c’est celui - s’agissant des clients de l’avocate - de six personnes, pas du CRA. La tâche du tribunal est de dire si les prévenus sont coupables des coups dont ils sont accusés.

A.A., actuellement sous mandat d’arrêt : on voit nettement sa participation sur les vidéos. N.O. a nié les faits alors que des photos le montrent en action. S’est déclaré en grève de la faim, quand celle-ci avait fini une semaine plus tôt. S.A. a d’abord nié, puis a admis qu’il avait lancé des pierres. A déclaré qu’il avait pris un cachet de subutex qu’un autre retenu lui aurait donné, alors que pour éviter les trafics c’est exclusivement l’infirmière qui délivrait les médicaments et obligeait les personnes à les avaler en sa présence. M.S. a aussi commencé par nier avant de dire qu’il avait voulu s’opposer à ce que les policiers entrent dans le centre. Il a été reconnu par une des parties civiles, ainsi que par d’autres fonctionnaires qui ont prêté serment, pour avoir lancé des morceaux de dalles arrachées. On l’identifie aussi sur des photos. A.B. a nié les faits, alors que sept témoignages de policiers le mettent en cause. Les témoins disent l’avoir vu cracher et pousser à terre une des parties civiles, d’autres ont reçu des coups de poing et des coups de pied, un morceau de parpaing, il est désigné comme « un des meneurs », « très agressif », « le plus virulent ». Tous les témoins l’ont reconnu sur les photos.

L’avocate demande : après, on vient nous expliquer qu’il n’y a pas de charges contre les prévenus ? Or soit ils ont reconnu les faits, soit ils ont été reconnus sur les photos et les vidéos. Elle parle ensuite des parties civiles : l’un a eu cinq jours d’ITT, une autre trois, avec une entorse bénigne. Une fonctionnaire a été traînée par terre, a eu trois semaines d’arrêt de travail, avait le bras enflé, elle est malgré tout venue travailler car on avait besoin d’elle. Un quatrième a eu huit jours d’arrêt de travail et a gardé des attelles pendant trois semaines. Une autre a inhalé des fumées toxiques, une semaine d’arrêt de travail. Un fonctionnaire qui travaillait dans la salle de vidéosurveillance a fait beaucoup d’allées et venues, a inhalé beaucoup de fumée. En tout, il a dû arrêter de travailler trois mois, il a gardé des séquelles de surdité. Aux demandes de dommages et intérêts pour ces violences s’ajoutent le préjudice moral. On a beaucoup parlé de la détresse des retenus, mais pas de celle des fonctionnaires. Eux, ils essaient toujours de discuter, de passer des cigarettes, d’expliquer, ils jouent un rôle humanitaire et social. L’avocate ajoute : rappelons-nous qu’il n’y avait pas 280 retenus surexcités au CRA de Vincennes, seulement une quinzaine. Les autres il a fallu les rassurer, les évacuer, s’occuper d’eux.

Prend ensuite la parole l’avocate de l’agent judiciaire du trésor. Qui n’a « pas honte de représenter ici l’Etat ». Elle explique que son rôle n’est pas de dire qui est coupable, mais de dire qu’on ne peut accepter les excès. Certes la situation est difficile dans les CRA, pas seulement en raison des conditions matérielles, mais aussi pour des causes psychologiques et morales, on peut comprendre les déchirements des retenus qui craignent d’être renvoyés dans des pays où ils sont menacés, qui sont séparés de leurs proches, mais on ne peut accepter les excès comme ceux qui ont été commis le 22 juin et comme ceux qui ont été prononcés lors de cette audience. On ne peut accepter les comparaisons intolérables. Il faut aussi comprendre la dure tâche des policiers de faire appliquer la loi dans des circonstances difficiles. Ils ne sont pas là pour réprimer, ils viennent en appui, et subissent une violence qui ne leur est pas destinée. L’Etat est là pour dire qu’il les soutient. Il les emploie, leur demande de faire respecter la loi, les a assistés, les a aidés, les a soignés : l’Etat demande le remboursement des sommes qu’il a dépensés à cette fin. Par ailleurs, l’Etat demande réparation pour les bâtiments détruits, même si cette demande est symbolique parce qu’on sait pertinemment qu’il n’y aura jamais remboursement. Pour l’instant, le préjudice n’est pas chiffrable, c’est pourquoi est demandé un sursis à statuer.


C’est ensuite au procureur de s’exprimer
. Il est d’accord avec les parties civiles pour trouver honteuses les comparaisons avec l’univers concentrationnaire et les prisons de 1942. Il y voit une curieuse conception de l’histoire et une manipulation dangereuse et inquiétante, bien difficile à entendre, un outrage à la mémoire, à l’histoire, à ceux qui travaillent dans les CRA, ainsi qu’aux retenus qui y disposent de droits et ne sont pas promis aux camps d’extermination. Il évoque ensuite un article de presse selon lequel les avocats ont « déserté le prétoire » en renonçant à ce qu’ils réclamaient : un débat contradictoire. Il retient le terme « déserter » en soulignant qu’il s’agit d’un mauvais coup porté à la justice, qui interroge aussi sur l’intérêt de la démarche pour les clients. Il conclut son préambule en souhaitant «  que raison revienne ».

«  Concertation » Le procureur propose ensuite un retour sur la chronologie, s’appliquant à souligner le caractère sinon prémédité du moins très organisé des événements du 22 juin. Il rappelle les propos d’une des parties civiles selon laquelle on a entendu des retenus dire, après la mort de M. Souli, qu’ils voulaient mettre le feu. « La hiérarchie a été prévenue ». Il continue : vers 15h le 22 juin, une prière est organisée en mémoire à M. Souli ; sur la bande vidéo on voit qu’à 15h23 commence la première manifestation d’une quarantaine de personnes au CRA2, qui se déroule à peu près tranquillement. A 15h25 les retenus du CRA1 ont leur attention attirée par des cris de manifestants à l’extérieur du CRA, ainsi que par des slogans du CRA2. Une première vitre tombe au CRA1. A 15h27 des policiers entrent au CRA1. Au même moment dans le CRA2, plusieurs retenus parmi lesquels une personne mise en examen et ayant bénéficié d’un non-lieu, ainsi que d’autres dont M.D. sortent des matelas. A 15h33, départ de feu dans une chambre. A 15h36, les matelas commencent à brûler. En très peu de temps le bâtiment du CRA2 brûle et il y a un départ de feu au CRA1. Ainsi, en quelques minutes, plusieurs événements se déroulent de manière qu’on peut presque dire coordonnée. A 15h41 les pompiers arrivent. A 15h46 ils commencent à intervenir, leur travail durera plusieurs heures. «  L’espèce de concertation » qui aboutit à cette action dans les deux centres a un même objectif : détruire les bâtiments. Ceci ressort clairement d’une analyse de la chronologie : sinon préméditation, il y a eu un minimum de concertation entre les retenus de deux centres.

Le contexte : la mort de M. Souli, la veille, est naturelle, due à un syndrome asphyxique. On note qu’il est resté dans cet état sous le regard de ses co-retenus, qui n’ont pas alerté immédiatement les policiers qui étaient disponibles. Mais aussitôt après il y a eu une rumeur, des cris « à l’assassin », « au meurtre ». A l’instruction, M.D. a d’abord parlé de « meurtre », puis de «  mort ». La mort de M. Souli a immédiatement été exploitée, elle a permis à certains de faire valoir l’intérêt d’une démarche plus violente : ceci ressort nettement de ce qu’a dit une des parties civiles. Et la défense banalise la fréquence des départs de feu dans les CRA. On a parlé du climat (témoignage de M. Desessart, rapport du contrôleur général). Mais on est dans un lieu bien particulier, où les fonctionnaires ont une déontologie, ils savent que la situation est difficile mais on a des droits, ce n’est pas un lieu comme en 1942, mais un lieu où ils sont retenus avec une liberté limitée. Ceci entraîne des rapports difficiles, comme dans certaines maisons d’arrêt. Les vidéos permettent de voir aussi que certains ont joué un rôle plus important que d’autres au CRA1. Le procureur revient enfin sur le rapport contesté, parce que non contradictoire, du laboratoire de la police scientifique, qu’il juge très éclairant. Selon ce rapport, il y a eu plusieurs départs de feu simultanés, et non pas communication entre incendies, ce qui atteste du caractère volontaire de l’incendie. Le rapport s’interroge ensuite sur la manière dont le feu a pris. Il n’y a pas eu besoin d’accélérateur car les matelas n’étaient pas ignifugés, il suffisait d’une flamme.


Le réquisitoire

Au CRA1

A.B. est poursuivi uniquement pour violences sur policiers en réunion avec ITT inférieure à huit jours. Quand on voit la vidéo « pas de doute possible ». Il était énervé, donne des coups de pieds et des coups de poing. Pour se justifier il dit n’être pas dans son état normal, parle d’un traitement médical lourd (deroxal) interrompu par l’arrivée au CRA. Mais les vérifications ne confirment pas cette thèse. Il n’y a pas de demande de rencontre avec un psychiatre, il n’a jamais été à l’infirmerie. Les conséquences de l’arrêt brutal du deroxal ne sont pas des symptômes de violence. Sur les vidéos l’intéressé ne présente aucun signe de sevrage, n’a pas l’air souffrant. Il n’y a donc pas de raison médicale qui justifient ces violences : 6 à 8 mois ferme requis.

M.S. renvoyé pour trois chefs d’accusation : violences, dégradations de biens, incendie. Pas de doute permis d’après les photos et les vidéos. Les violences : il a contesté mais il est vu sur les photos en train de jeter des projectiles sur les policiers. Incendie : on le voit entrer dans la chambre 9 à 15h37 où il retrouve N.O. et X.B., il sort à 15h41, à 15h42 les flammes sortent de cette chambre  : 36 mois dont 6 avec sursis.

N.O. : on le voit avec S.A. saisir une porte et fracasser avec violence une vitre du local appelé « le bocal ». Il est très agité sur la vidéo. Il est coupable de violences, a participé aux échauffourées, a jeté des pierres sur les policiers, on le voit entrer dans une pièce avec M.S., en en sortir juste avant le départ du feu dans cette pièce : 36 mois dont 6 avec sursis.

S.A. : des photos le montrent en train de jeter de gros morceaux de béton contre les policiers et les bâtiments pour les dégrader. Il est avec N.O. sur la porte qui a servi à casser une vitre : 18 mois dont 6 avec sursis

A.A. : (sous mandat d’arrêt) il était avec N.O. et M.S. dans la pièce dont il est sorti juste avant que le feu ne s’embrase. On le voit sur les photos lancer des blocs de béton sur les policiers : 3 ans d’emprisonnement.

A.Bo : on le voit sur des photos lancer des projectiles et s’affronter aux policiers, échanges de coups. Il se montre très agressif. On le voit aussi notamment avec M.S. et S.A. essayer d’empêcher les policiers de fermer la porte : 6 mois.

Au CRA2, on trouve, dit le procureur, « des personnalités qui ont marqué la vie du CRA et de ce dossier ».

A.D. était vêtu de manière très reconnaissable sur les photos (béret bleu gris). Il est coupable d’une seule mise à feu, mais importante. Bouge beaucoup sur les photos, très actif pour sortir les matelas du CRA, en accompagnant Ma.D. qui portait un chiffon allumé, ainsi que M.D. dans la chambre 2. On le voit faire des allers-retours avec un drap (inflammable, selon le labo), pour fournir du combustible. Les horaires démontrent le lien de causalité entre les actes et l’incendie : il entre à 15h33 dans la chambre 2, sort un peu avant 15h36, la fumée sort de la chambre à 15h36, à 15h37 le feu explose. On ne le voit pas mettre le feu mais ils étaient dans la pièce et dès leur sortie il a pris : pas de doute. Pour le feu extérieur, il était à côté de E.M. et n’y a pas pris part. Mais il animait le mouvement pour sortir des matelas avec l’objectif de les incendier : 30 mois dont 6 avec sursis.

M.D. : « personnalité intéressante, dont le tribunal n’a pu faire le tour car il n’est pas resté assez longtemps ». Il crie beaucoup, dit des bêtises. A une fonctionnaire qui voulait lui serrer la main il refuse en disant « je ne parle pas aux femelles », proteste beaucoup, dit qu’il est français. Il a une situation administrative différente des autres. « Mais il n’est pas question de cela », dit le procureur. «  Il est question de l’incendie ». M.D. est reconnaissable à sa stature, sur les photos il a un Coran à la main, dont il se sert à un moment pour masquer une caméra. En regardant les vidéos on voit qu’il a joué un rôle moteur dans les mises à feu. Il était avec les autres qui sont entrés dans la chambre, et a alimenté le feu avec des matelas. Il a renversé une table de ping pong (ce qui n’a pas été retenu contre lui), mais il doit être condamné pour dégradation par incendie. Et s’il considère qu’il était irrégulièrement retenu, il a participé à l’incendie : ça ressort du film, des témoignages des policiers, mais aussi de ses déclarations « détruire le CRA, mettre le feu » : 36 mois dont 6 avec sursis.

E.M. : le plus jeune et apparemment le plus fragile lors des interrogatoires. Il ne paraît pas un « foudre de guerre ». A dit qu’il n’avait qu’une volonté, c’est rentrer chez lui. Concernant les faits : on le voit, sous le regard de N.O., accroupi près des matelas, farfouiller dessous, se lever, s’éloigner, se retourner pour regarder, et autour des retenus se masquer le nez, puis on voit la fumée, et l’arrivée des policiers pour arrêter le feu. E.M. a voulu se justifier, d’abord en disant qu’il n’était pas là, puis au vu des photos il a dit qu’il cherchait sa montre et son argent dans les matelas - mais les matelas sont sans housse, précise le procureur. Il est donc bien responsable du départ d’incendie : 18 mois dont 8 avec sursis.

Ma.D. : « personnalité sympathique », en France depuis huit ans, est allé huit fois en CRA, « s’y trouve bien ». Dit qu’il a trouvé ce chiffon enflammé avec lequel on le voit, qu’il a voulu le jeter, mais « curieusement on le voit le portant précautionneusement » dans la pièce d’où est parti le feu après qu’il en soit sorti : 30 mois dont 6 avec sursis.

Le procureur précise que pour tous les prévenus, le tribunal peut s’il le veut prononcer un mandat d’arrêt.

Concluant sur l’absence de la défense, il y voit « un problème pour les prévenus qui ne seront pas défendus ». Et ajoute enfin que si l’agent judiciaire du Trésor est représenté, et que les dégradations sont très importantes, le préjudice n’est pas évalué,. La nature de ces dégradations ne peut être prise en compte pour les peines. « J’ai essayé », dit le procureur, «  de ne pas tenir compte de l’après ». Des victimes par fumées toxiques, mais pourquoi sont-elles toxiques ? Les prévenus doivent être condamnés pour le geste qui a entraîné l’incendie, mais pourquoi les draps et les matelas n’étaient-ils pas ignifugés ? Pourquoi, le lendemain du 21 où il y avait eu des heurts et des violences, les extincteurs n’étaient-ils pas en état de marche ? Si le tribunal doit se prononcer sur les dommages intérêts, il devra ordonner une expertise pour évaluer la façon dont le feu s’est propagé. C’est important non seulement pour la peine, mais aussi pour le respect des policiers qui travaillent au CRA. Il y a là une responsabilité morale et sans doute une responsabilité pénale.

Le jugement est mis en délibéré jusqu’au 17 mars, 13h30.

L’audience est levée à 16h15

Notes

[1] Cf communiqué de Jean Desessard « L’enfermement et la surpopulation, premiers responsables de l’incendie du CRA de Vincennes », 25 janvier 2010
- http://www.desessard-senateur.org/a...

[2] Depuis le milieu des années 60, un hangar du quai de la gare maritime d’Arenc servait de prison clandestine où étaient illégalement enfermés, sur simple décision administrative, des étrangers en instance d’expulsion. La situation a duré jusqu’à 1981, lorsque les modalités de la rétention administrative ont été légalisée


Migreurop

Compte rendu de l’audience du 8 février 2010, 14h00, 16ème chambre correctionnelle. Il manque la dernière heure d’audience, le compte rendu complet sera mis en ligne demain dans la journée.

http://www.migreurop.org/article1622.html

13h55, l’audience débute. La présidente renvoie à des dates ultérieures des dossiers qui devaient passer aujourd’hui.

Pour un des dossiers, le tribunal doit délibérer sur la maintien en détention provisoire du prévenu. L’audience est donc suspendue à 13h57.

14h00, l’audience reprend, le prévenu sera maintenu en détention. L’audience du procès de l’incendie du centre de rétention de Vincennes reprend. L’interprète est remercié et invité à se présenter une nouvelle fois demain.

Le contexte

La présidente souhaite revenir sur le contexte qui existait courant juin 2008.

Elle rappelle que le 21 juin 2008, Monsieur Salem Souli est décédé dans la chambre 11 du CRA 1 des suites d’une asphyxie et de problèmes respiratoires aigus. Suite à ce décès, le même jour des émeutes auraient débutés au sein du CRA puis se seraient calmées. Le lendemain, le 22 juin 2008, une marche silencieuse en commémoration du décès de Monsieur Souli, dégénérera en émeute. A la suite de cette émeute, des incendies se déclareront dans des chambres mais également à l’extérieur des bâtiments. Des dégradations de matériels sont relevées : bris de verre et de cabines téléphoniques.

Le 22 juin, une enquête est diligentée. Les premiers constats des policiers nous informent tout d’abord que pour les intérieurs : . Le bâtiment E du CRA 1 a été dégradé, notamment du mobilier et une cabine téléphonique . Le bâtiment D du CRA 1 a été totalement «  ravagé » par les flammes . Le bâtiment C du CRA 2 a été incendié et menaçait de s’écrouler. Concernant les extérieurs : . Les portes 2 et 9 : amoncèlement de matelas et de draps avec des marques de combustions

18 à 20 détenus ont été emmenés à l’hôpital pour intoxication due aux inhalations toxiques.

Le Procureur a ensuite saisi les services des laboratoires scientifiques de Paris qui concluent dans leur rapport à un incendie volontaire allumé par un briquet ou une allumette. Le rapport souligne qu’il n’y avait pas de liquide inflammable mais que cela n’était pas obligatoire pour de tels dégâts.

Les chambres touchées par les incendies sont les numéros 12, 24 et 3 ainsi que la salle de détente du CRA 2 et le gymnase.

Les enquêteurs constatent également la présence de caméras et décident de les récupérer afin de travailler sur leur contenu. Certaines bandes sont très endommagées, il faudra donc les couper puis les monter afin de pouvoir les exploiter.

Les enquêteurs décrivent ce qu’ils voient sur les bandes : des déplacements de matelas, des allers et venus de retenus et de la fumée sortant des chambres. Ces dernières images ont permis aux enquêteurs de se concentrer sur des points précis afin de regarder qui entrait et sortait des chambres, qui était près de ces pièces...etc. Ensuite, plusieurs détenus ont été déférés devant le juge d’instruction, notons que trois d’entre eux ont été placés sous mandat d’arrêt. Un des détenus a été entendu en tant que témoin assisté, aucune charge ne sera finalement retenue contre lui puisque tous laissait pense, notamment des témoignages de policiers, que cette personne avait essayé de calmer les tensions au lieu de les attiser.

Dix détenus ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel.

La présidente précise que le tribunal va travailler à l’aide d’un album photos réalisé à partir des images vidéos des vidéosurveillances des CRA 1 et 2.

Les différents interrogatoires des prévenus


Monsieur A.D
. : Lui sont reprochés des faits de dégradations au CRA 2

Dans ces déclarations en garde à vue, Monsieur D. a d’abord nié avoir participé à l’incendie, affirmant que si le 22 juin il avait bien sorti des matelas, s’était parce qu’il voulait dormir dehors. Monsieur D. précise que le 21 juin 2008, il a été frappé par les policiers pour qu’il se taise concernant le « meurtre ». Il dit ne pas savoir d’où le feu provenait et qu’il ne sait pas qui a mis le feu. Il affirme ne pas être un des meneurs de la révolte. A la question : avez-vous masqué une des caméras ? Monsieur D. répond tout d’abord non puis précise que si ça avait été le cas, il ne l’aurait pas fait intentionnellement.

Lors de la première audition devant le juge d’instruction, Monsieur D. soutient qu’il n’a rien fait. Lors d’un autre interrogatoire, il affirme qu’il a sorti les matelas afin de « faire comme tout le monde », « pour montrer (leur) révolte ». Il rappelle que les détenus n’ont pas le droit d’avoir des briquets. Le juge d’instruction le confronte aux photos de l’album, notamment une photo à l’extérieur d’un bâtiment où on le verrait à côté des matelas. Sur les vidéos, le juge d’instruction soulignera ensuite qu’on le voit partir et se retourner en regardant en direction des matelas, quelques minutes après ils prendraient feu. Le magistrat instructeur demandera alors des explications sur ce comportement. Monsieur D. reconnaîtra s’être retourné mais ne l’explique pas.
Monsieur D. entre dans la chambre 22 avec un autre détenu, Monsieur Dr. Qui aurait un tissu enflammé à la main. Monsieur D. sort de la chambre et revient avec un drap. Monsieur D. affirme qu’il n’est pas entré avec des draps dans le bâtiment mais qu’il est sorti du bâtiment avec des draps. Le magistrat instructeur demande alors si Monsieur D. s’était rendu compte que l’autre détenu avait un tissu enflammé. Monsieur D. ne répond rien. L’avocat de Monsieur D., lors du visionnage des vidéos, observera qu’on ne voit pas son client mettre le feu à la chambre. La présidente précise qu’effectivement il n’y a pas de caméras dans les chambres du CRA et que l’avocat ne fera pas d’autres observations. Devant le juge d’instruction, Monsieur D. répète qu’il n’est pas un meneur. Toutefois, le juge précise que les policiers le désignent comme tel mais également comme ayant un comportement injurieux et irrespectueux. Monsieur D. répondra qu’il les traitait de « stagiaires ».
La présidente précise que Monsieur D. n’est pas poursuivi pour dégradation de biens mais qu’il a tout de même reconnu avoir dégradé la table de ping-pong et qu’il s’en est excusé. Ainsi, malgré les réquisitions du Ministère publique, cette charge ne sera pas retenu contre lui.

Monsieur D. dénonce ses conditions de détention, déplorant la mauvaise qualité de la nourriture ainsi que les problèmes de douche (quote D257)

Mme Dutartre poursuit, Monsieur D. portait un T-shirt clair avec une inscription « NYC » et une casquette bleu grise.

Le tribunal regarde les photos de l’album, la présidente précise qu’il faut se concentrer sur le positionnement de Monsieur D. par rapport à la chambre.

La présidente demande si le parquet ou les parties civiles souhaitent des précisions. Ces derniers répondent que non.


Monsieur M.D.
 : il lui est reproché des faits de dégradations par incendie au CRA 2. Monsieur M.D. est placé en garde à vue suite au visionnage des vidéosurveillances. Monsieur M.D. sera entendu plusieurs fois.

De l’interrogatoire de garde à vue il ressortira qu’il reconnait avoir obstrué une caméra mais de manière non intentionnelle. Il reconnait également avoir sorti son matelas mais précise que c’était pour qu’il ne brûle pas. Il mentionne également qu’il a jeté une bouteille en plastique sur le matelas car il ne pouvait pas la ranger dans une de ses poches. Il confirme qu’il a bien effectué des allers et venus dans le bâtiment car il était à la recherche de son chargeur de portable. Monsieur M.D. reconnaît qu’il était énervé, qu’il a retourné la table de ping-pong et a secoué les grillages. La présidente informe le tribunal que Monsieur M.D. n’est pas poursuivi pour les dégradations sur le table de ping-pong. Il termine en expliquant qu’il a été appelé par les policiers pour qu’on « étouffe » la mort de Monsieur Souli.

Lors d’un autre interrogatoire, Monsieur M.D. dépose qu’il était à l’extérieur du bâtiment lorsque les incendies ont débuté, il précise qu’il est non fumeur. On l’informe qu’on le voit sur une vidéo et « qu’une lueur est noté au bout de sa main », qu’il est prêt d’une chambre et proche d’autre prévenus : Messieurs Dr., M.M. et A.D.. Son conseil observera qu’il est impossible de dire ce qu’était cette lueur et qu’on ne peut imputer un incendie sur cette « preuve ». Monsieur M.D quand à lui confirme qu’il rentre dans la chambre mais qu’il n’est pas le seul et qu’il est impossible de dire qui a fait quoi. La juge précise que ce sont les photos 17 à 25 où l’on voit Monsieur M.D. entrer et sortir de la chambre.

Lors d’une confrontation avec les policiers, ces derniers et Monsieur M.D. campent sur leur position.

Les policiers décrivent Monsieur M.D. comme un meneur et une personne violente.

Monsieur M.D. portait un T-shirt gris et un bonnet le jour des incidents.

Mme Dutartre demande si le parquet ou les parties civiles ont des observations. Ils répondent que non. La présidente précise que Monsieur Jean Pierre Brard, député, a déposé devant le magistrat instructeur dans le cadre de la procédure. Elle devrait lire ce témoignage plus tard.


Monsieur E.M.
 :
il lui est reproché des faits de dégradation par incendie au CRA 2.

Monsieur E.M. précise lors d’un interrogatoire qu’il était sous valium lorsque les émeutes ont commencé le 21 juin. Le 22, il a fait la marche avec d’autres puis a repris des médicaments pour dormir puis un camarade est venu le réveiller.
Les policiers lui montrent alors une photo où on le voit sortir un matelas. Il concède qu’il a sorti un matelas mais précise que cela ne veut pas dire qu’il a mis le feu. Il explique même qu’il a essayé d’éteindre le feu en apposant un drap sur les matelas. Il précise qu’il a fait ça discrètement, qu’il ne « voulait pas être pris à parti par les meneurs africains ». Il explique qu’il a participer aux événements avec les autres mais sous l’emprise de médicaments en précisant que les médicaments le «  rendent maboul » avec des phases d’endormissement ou d’excitation.
Sur d’autres images, on le voit monter dans une chambre. Il souhaitait récupérer son argent et sa montre précise-t-il. On lui fait alors remarqué qu’il a pensé à sortir des matelas mais pas ses effets personnels.
Monsieur E.M. confirme en expliquant qu’il n’y avait pas pensé au début.

Dans un des interrogatoires, Monsieur E.M. n’exclue pas un échange de cigarette entre lui et un détenu. Mme Dutartre précise que c’est ce que l’on voit au visionnage. Monsieur E.M. répondra à l’époque qu’il est impossible de mettre le feu avec une cigarette.

Devant le juge d’instruction, Monsieur E.M. revient sur ses conditions de rétention qui lui paraissent «  normales ». Le magistrat instructeur précise que Monsieur A.D. quant à lui dénonce la nourriture, les policiers ...etc. Monsieur E.M. précise que pour lui, ça va. Concernant les évènements du 21 juin, E.M. reconnait que certains détenus avaient essayé de forcer le barrage des policiers suite au décès de Monsieur Souli.

Au visionnage dans le bureau du juge d’instruction, on voit E.M. entrer et sortir de la chambre 6. Monsieur E.M. précise que c’est sa chambre. Apparemment, on le voit entrer avec quelque chose à la main mais qu’il est impossible d’identifier. On le voit également devant les matelas qui se trouvaient devant le CRA 2, puis faire des allers et venus dans le bâtiment. Monsieur E.M. reviendra sur le fait qu’il était sous médicaments.

La présidente souligne que E.M. a tenté plusieurs fois de se suicider, notamment lors de sa détention provisoire où un policier le retrouvera tailladé à plusieurs endroit du corps, avalant une lame de rasoir afin de s’étouffer. Il sera transporté à l’hôpital.

Monsieur E.M. informe le juge d’instruction qu’il prend du valium pour dormir mais qu’avant la « prison » ça allait bien. Il précise qu’il veut retourner dans son pays.

Monsieur Ma.D. : il lui est reproché des faits de dégradation par incendie au CRA 2. Monsieur Ma.D. est placé en garde à vue courant juillet 2008.

Devant les enquêteurs, il reconnait avoir participé à la marche silencieuse mais il ne sait pas qui a mis le feu. Il confirme avoir sorti des matelas «  comme tout le monde ». Il précise qu’il voulait jeter la serviette enflammée qu’il tenait à la main. Les policiers l’informent que sur les vidéos, on le voit entrer du bâtiment et non en sortir. Monsieur Ma.D. reconnaît que ce n’est pas logique.
Concernant l’obstruction de caméra, il précise qu’il ne voulait pas que « les violences soient filmées ». Il s’est dit « triste de ce qui s’était passé car ça faisait plusieurs fois qu’il venait à Vincennes et que c’était bien ». Il conclut qu’il a jeté des draps mais au hasard.

Devant le juge d’instruction, il précise qu’il a ramassé la serviette enflammée par terre et l’a jeté dans la chambre car la porte était ouverte.
Monsieur Ma.D. explique que le 21 juin, il n’était pas content car il voulait aller à l’infirmerie puisqu’il avait pris des gaz lacrymogènes des policiers dans les yeux mais qu’un cordon de sécurité avait été déployé et qu’il était impossible de passer. Il réfute complètement les accusations des policiers concernant les violences qu’il aurait commises. Il indique qu’il n’était pas un «  fidèle » de Monsieur M.D. malgré les dires des policiers qui affirment que Monsieur Ma. D. était plus violent lorsqu’il était aux côtés de Monsieur M.D.

Lors d’un autre interrogatoire, Monsieur Ma.D. affirme qu’il a lancé la serviette enflammée mais par la fenêtre (quotte 1044).

Lors du visionnage avec le juge d’instruction, la présidente précise que ni le conseil de Monsieur Ma.D. et le parquet n’avait fait d’observation.
Monsieur Ma.D. observe quant à lui qu’on ne le voit pas mettre le feu.

Monsieur N.O. : Trois chefs de présomption : dégradation, dégradation par incendie et violences volontaires sur une personne dépositaire de l’autorité publique au CRA 1 (quotte 1118 et suivantes) Monsieur N.O. a été arrêté sur mandat d’arrêt. Il n’a pas été entendu lors de l’instruction. Lors de son interrogatoire de première comparution, il réfutait sa participation et ne se reconnaissait pas sur les photos.

Pour le juge d’instruction, Monsieur N.O. portait les jours des faits un T-shirt noir avec des inscriptions blanches. Monsieur N.O. affirme que son T-shirt était uniquement noir. Mme Dutartre précise qu’au visionnage on voit le T-shirt, il est bien noir avec des inscriptions blanches sur le côté. Le magistrat instructeur fait référence à la corpulence de Monsieur N.O., il est plus facilement reconnaissable, il ajoute qu’on voit Monsieur N.O. torse nu à un moment sur les vidéos, ce qui facilite encore son repérage sur les vidéos.
Monsieur N.O. déclare qu’il était malade au moment des faits. Toutefois, Monsieur Aw. Dans une déposition affirme qu’il était avec Monsieur N.O. dans la salle de détente au même instant. Apparemment, on les voit au visionnage dans la salle de détente.

La présidente poursuit et indique que les vidéosurveillances montrent Monsieur N.O. jeter des projectiles sur les fonctionnaires de policer.

Monsieur N.O., lors d’un interrogatoire affirmera qu’il n’était pas en état de participer aux évènements le 22 juin car il était fatigué d’une grève de la faim qu’il avait mené quelques jours auparavant. La présidente souligne que le juge d’instruction vérifiera les dires de Monsieur N.O. sur ces déclarations. Apparemment, du 4 au 13 juin, Monsieur N.O. a effectivement été en grève de la faim et ne s’est pas présenté au réfectoire du CRA mais à partir du 14 juin et jusqu’au 21, Monsieur N.O. a repris une alimentation normale.

Au terme du visionnage, Monsieur N.O. est vu en train de briser une vitre en sautant sur une porte (photos 19,20 et 21) ainsi que lançant des projectiles. Concernant l’incendie, il est vu dans la chambre 9 entrant avec d’autres personnes puis en ressortant, quelques minutes après de la fumée sort de la pièce. A l’extérieur, on le voit s’affronter avec des policiers.

Monsieur N.0. s’est plaint des conditions de rétention (quotte 1766).

Monsieur M.S. : Lui sont reprochés des faits de dégradation par incendie et des violences volontaires sur une personne dépositaire de l’autorité publique au CRA 1 (quottes 1114 et suivantes).

En garde vue, Monsieur M.S. affirme qu’il « n’a rien fait », qu’il dormait dans sa chambre et que se sont les policiers qui l’ont réveillé lorsqu’ils évacuaient les bâtiments. Les policiers lui montrent les photos où on le verrait aux prises avec des policiers. Il explique qu’il souhaitait récupérer les bijoux de sa femme dans sa chambre. Monsieur M.S. niera avoir endommagé une cabine téléphonique et une porte. Mme Dutartre précise que l’on voit Monsieur M.S. déplacer une porte sur une vidéo.

Concernant les violences sur les policiers pour lesquelles il est également poursuivi, la présidente précise qu’on le voit sur les images dans une position active, il est notamment face aux policiers. En ce qui concerne les jets de pierre sur les forces de police, Monsieur M.S. explique que les policiers leur interdisaient l’accès au bâtiment et qu’il leur a donc jeté des pierres.

Monsieur M.S. revient sur ses conditions de rétention qu’il qualifie de « pas mal », « les policiers étaient sympas ». A la fin de l’interrogatoire de garde à vue, il précise qu’il a entendu avant d’être déféré que c’était « un africain qui pose souvent des problèmes qui a mis le feu au CRA 2 ».

Devant le juge d’instruction, Monsieur M.S. revient sur des conditions de rétention qu’il qualifie à ce moment de « difficile », il se sentait « comme dans une prison ». Le jour des incidents, il explique qu’il jouait à la PlayStation quand ils ont entendu du bruit à l’étage, il est alors monté voir ce qui se passait et a vu un policier et un retenu se battre. Il soutien que les détenus avaient peur du feu, que les policiers ont commencé à les frapper et à les gazer et que c’est à ce moment là qu’ils ont riposté à ce qu’il qualifie d’une «  humiliation ». Il confirme qu’il a bien dégradé une cabine téléphonique, concernant la porte, il explique qu’elle trainait sur le sol, les gens marchaient dessus, il l’a prise pour la déplacer et la mettre de côté. On le verrait au visionnage tenter de mettre un coup de poing aux policiers. Il explique que seul le 21 juin, il a été en contact avec des policiers afin de demander des explications sur le décès de Monsieur Souli. Lorsqu’au visionnage, le juge d’instruction le voit briser une vitre, il explique que c’est pour se protéger des gazages et des violences policières. Il affirme devant le magistrat instructeur qu’il n’est pas à l’origine des dégradations de la porte, qu’il n’était pas seul au moment des faits et qu’on ne peut pas lui imputer l’incendie de la chambre car il n’y a pas d’éléments tangibles. La présidente précise que Monsieur M.S. ne se souvient plus quelle chambre il occupait. Il a pu penser que c’était le 22 mais Mme Dutartre souligne que c’est peu probable puisque la chambre 22 était occupée par Monsieur M.D. qui était dans le CRA 2 et non 1 où se trouvait M.S.

Monsieur S.A. : Lui sont reprochés des faits de dégradation et violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

En garde à vue, Monsieur S.A. nie les faits et explique que ses conditions de rétention étaient « correctes ».

A un autre moment, il explique qu’il était sous subutex à l’époque des faits, qu’il ne se souvient de ce qui s’est passé et que s’il a fait quelque chose, il n’était pas maitre de lui-même ce jour là. On lui montre les vidéos, S.A. confirme qu’il a bien brisé une vitre mais explique que c’était pour récupérer un extincteur afin d’aider un camarade. Il confirme qu’il a jeté des projectiles et qu’il était bien avec Monsieur N.O. dans la salle de détente avant que les fumées ne se répandent. Il affirme qu’il ne sait pas qui a mis le feu.

Devant le juge d’instruction, Monsieur S.A. lie les événements au décès de Monsieur Salem Souli. Il revient sur ce qui est pour lui un « simulacre » concernant la sortie du corps de ce dernier qu’il considérait comme son ami. Les policiers ont fait croire qu’il était encore vivant alors que ce n’était pas le cas. En ce qui concerne les dégradations et les violences, Monsieur S.A. réaffirme qu’il était sous subutex et donc qu’il n’était pas maitre de lui-même. Mme Dutartre précise que l’information n’a pas permis de savoir si S.A. prenait effectivement ce traitement. Le procureur souligne que l’on apprend tout de même que ce n’est pas l’infirmière qui aurait donné le subutex mais un autre détenu.

Monsieur A.B. : Lui sont reprochés des faits de violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique.

En garde à vue, il nie sa participation et soutien qu’il a tenté de calmer la situation et non de l’envenimer. Les enquêteurs lui montre alors la photo 4 (D1110) où il s’affronte avec des policiers, il continue de nier avoir frappé et craché sur des policiers qui étaient de l’autre côté du grillage. Ensuite, il poursuit en expliquant qu’il a d arrêter brutalement son traitement de peroxat (environ quatre jours avant les incidents) ce qui pourrait expliquer son comportement du 22 juin. Il reconnaît qu’il y a eu des « petites disputes ».

Devant le juge d’instruction, il admet avoir essayé de mettre un coup de poing et s’explique en soulignant qu’il est « entré dans le courant sans réfléchir ». Lors d’une deuxième audition, il affirme qu’il ne se souvient pas avoir frappé un policier mais n’exclut pas d’avoir été violent car il n’était plus sous traitement. Le magistrat instructeur lui demande alors pour quel maux il était traité, il réponde que c’était « euh...pour la dépression ». Le juge souligne alors que lorsqu’on est dépressif, on est le contraire d’agressif. Monsieur A.B. continue, explique qu’il est entré dans une chambre mais qu’il ne s’explique pas son comportement, il serait monté sur une table pour voir ce qui se passait dehors puis ce serait dirigé vers une autre chambre.

La présidente souligne alors que Monsieur A.B. paraît dire des choses puis revenir dessus. Mme Dutartre poursuit, expliquant qu’il a été essayé de savoir si Monsieur A.B. était effectivement sous traitement. Les hôpitaux de Paris répondent qu’il n’y a pas de dossier au nom de Monsieur A.B., qu’il n’a jamais pris de rendez vous à l’hôpital ni au centre de rétention et qu’il n’y a pas eu non plus de déplacement à l’hôpital. Mme Dutartre en conclut qu’il n’ya pas d’éléments objectifs qui viendraient corroborer les déclarations de Monsieur A.B.

Concernant les conditions de rétention, A.B. les trouve « tranquilles »

Lors du visionnage avec le juge d’instruction et son avocat la question du crachat est abordé. Sur la vidéo, A.B. est près du grillage, un policier tourne la tête rapidement et A.B. fait « un geste ». Le juge d’instruction revient également sur une poubelle que A.B. aurait lancé, Mme Dutartre souligne que le Ministère public ne le voit pas jeter de poubelle mais la déplacer pour la mettre ailleurs. Concernant les coups échangés avec les policiers, le parquet souligne lors du visionnage que c’est une bousculade mais postérieure à des échanges de coups. Les policiers persistent sur le crachat.

Monsieur A.A. : Lui sont reprochés des faits de dégradation par incendie et violences sur agent de la force publique. Monsieur A.A. n’a jamais été entendu puisqu’il est toujours sans mandat d’arrêt, le tribunal ne sait pas où il se trouve.

Au visionnage, on le voit se mêler à une altercation avec des policiers, puis s’en retirer et regarder la scène « passivement » (quottes 1124 et suivantes). Ensuite, il y a de la fumée dans le couloir, Monsieur A.A. entre et sort de la chambre 9 puis Monsieur N.O. amène un objet mais on en sait pas ce que c’est. A.A. sort de la pièce en dernier, quelques instants après de la fumée sort de cette chambre. Sur les vidéos, A.A. fait beaucoup d’aller et venu entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment. D’après les témoignages des policiers, A.A. était comme « hystérique ». La présidente précise que ce dernier semblait gêné par les fumées, il portait quelque chose sur son visage. Mme Dutartre poursuit et précise qu’on le voit jeter des projectiles mais que l’on arrive pas à savoir si c’est sur les bâtiments ou sur les policiers.

Monsieur A.Bo. : Lui sont reprochés des faits de dégradation de bien ainsi que des violences sur agent de la force publique (quottes 1130 et suivantes). Ce dernier n’a pas été entendu car il est également sous mandat d’arrêt, le tribunal ne sait pas où il se trouve à l’heure actuelle.

D’après les témoignages des policiers, A.Bo. aurait arraché des dalles du sol, les aurait brisé puis lancé sur les forces de l’ordre. Sur les vidéos, il aurait une chemise noire ouverte, on le voit lancer des projectiles mais également s’affronter dans le couloir avec des policiers.

15h50, les résumés des déclarations des prévenus sont terminés. La présidente souligne que ce qui ressort clairement c’est qu’aucun policier ne peut affirmer clairement qui a mis le feu.

Les déclarations des policiers


Déclaration de Mme E
., premier policier, affirme dans ses déclarations qu’il y avait en réalité une dizaine de meneurs. Pour elle, Monsieur M.D était un des plus virulents précisant qu’il ne supportait qu’une femme lui donne des instructions. Monsieur A.B. lui a craché dessus et l’a poussée à terre. Monsieur M.S. était également un des plus virulents d’après elle. Concernant messieurs N.O., A.B. et A.A., elle ne les a pas vu. Elle n’a pas vu également les prévenus mettre le feu.


Déclaration d’un deuxième policier
 : de façon globale les détenus ont lancé des morceaux de dalles aux pompiers. Mme Dutartre précise que ça apparaît également dans les rapports des services de pompiers : « mouvement de foule », « difficulté d’accéder », « subissons ‘caillassage’ ». Une vingtaine de personnes seront blessées légèrement. D’après le policier, la matinée était calme mais « il y avait quelque chose dans l’air », « c’était tendu depuis plusieurs mois » surtout concernant les conditions de rétention. Monsieur M.D. dès son arrivée au CRA aurait dit qu’il allait mettre le feu mais le policier précise qu’il ne l’a vu le faire le jour de l’incendie. Le policier précise que pendant l’émeute il a reçu un caillou sur son pied qui a été fracturé. Le caillou aurait été lancé par un africain d’environ 35 ans qui ferait 1m70, toutefois, il ne saurait le reconnaître.

Déclaration d’un troisième policier : Monsieur M.D. incitait les autres à la violence. Monsieur MA.D. était agité et aurait donné une heure de rendez vous mais le policier n’a pas entendu pourquoi. Le policier affirme qu’il n’a pas assisté aux dégradations car il était derrière ses collègues, il a par contre entendus des insultes de la part des manifestants.

Déclaration d’un quatrième policier : Il voir Monsieur A.D. sortir des matelas. Le policier a entendu que M.D et A.D. auraient retourné la table de ping-pong. Il a également vu Monsieur A.B. pousser un des ses collègues. Il affirme que Monsieur A .D. et Ma.D. font partie de « la bande à M.D. ». Selon les déclarations de ce policier, A.B. est très « actif », c’est un « meneur », il a frappé un de ses collègues, Monsieur Da. Le policier déclare se souvenir de Monsieur S.A. mais ne pas l’avoir vu faire quelque chose. Il en va de même pour les autres prévenus. Le policier n’a vu personne allumer un feu.

Déclaration d’un cinquième policier : Monsieur A.D. était un élément perturbateur mais il serait impossible pour lui de dire qui a mis le feu le 22 juin. Monsieur A.B. s’en ai pris physiquement aux forces de l’ordre. Il affirme avoir vu Monsieur N.O. entrer dans la chambre 9. Monsieur A.Bo. était agressif et s’en est pris physiquement à un de ses collègues. Pour les autres prévenus, le policier ne les a pas vus.

Déclaration d’un sixième policier
 : Monsieur M.D. et A .D. étaient « les principaux meneurs ». Monsieur M.D. incitaient les autres à l’émeute mais le policier ne l’a pas vu dégrader les bâtiments. D’après ce policier, la journée du 21 juin avait été très tendue suite au décès de Monsieur Souli mais tout était revenu au calme en fin d’après midi. Le lendemain, les tensions ont repris. Lors d’une autre audition le policier affirmera que M.D. avait menacé de mort un de ses collègues mais soulignera qu’il ne sait pas ce qu’a fait M.D. le 22 juin.

Déclaration d’un septième policier : Il constate qu’il y a des matelas et des draps dehors son attention est attiré par de la fumée qui sort des matelas. Il a vu un « africain avec un T-shirt blanc déchirer un matelas et mettre des cigarettes à l’intérieur » mais il ne connaît pas l’identité de cette personne. Il ne souvient pas des prévenus le jour des incidents. Il se souvient de Monsieur M.S. qui injuriait régulièrement les femmes mais ne s’en souvient pas le 22 juin. Les détenus insultaient les policiers et jetaient des projectiles mais il n’a pas reconnu les prévenus.


Déclaration d’un huitième policier
 : M.D. était « le meneur ». Le policier n’a pas vu qui a mis le feu aux matelas.


Déclaration d’un neuvième policier
 : Monsieur A.D. était un des plus virulents. Ce policier n’a travaillé que le samedi 21 juin, il déclare qu’il y a eu des violences, des crachats mais qu’il n’a entendu personne menacer de mettre le feu.

Déclaration d’un dixième policier : un des détenus à demandé à dormir dehors car il avait peur pour sa sécurité, un des « meneurs » aurait dit qu’il allait mettre le feu. Le policier a vu le meneur jeter des matelas. La présidente précise que Monsieur A.D. a jeté des matelas.


Déclaration d’un onzième policier
 : Messieurs A.D. et M.D. étaient les plus virulents. Ce fonctionnaire de police n’a pas vu les prévenus mettre le feu.

Déclaration d’un douzième policier : Il n’a pas vu les prévenus mettre le feu mais précise qu’à l’arrivée de Monsieur M.D. au centre de rétention de Vincennes, ce dernier a déclaré qu’il ne resterait pas un mois et qu’il ferait «  sa propre justice ».


Déclaration d’un treizième policier
 : Il n’a pas vu qui a mis le feu. Ce policier est seulement témoin d’aller et venu des détenus. Il soutient que Monsieur Ma.D. était «  virulent ».

Déclaration d’un quatorzième policier : Ce dernier aurait vu « un africain, d’environ 1m80, portant un T-shirt bleu clair, mettre des matelas dehors ». Il n’a vu personne mettre le feu.


Déclaration d’un des détenus, non prévenu, Monsieur T.
 :

Monsieur T. déclare qu’il y a eu beaucoup d’évènement au CRA, certains disaient « qu’on tuait des étrangers ». Monsieur T. s’est mis du « côté des policiers » car il « n’a rien à se reprocher ». Le 22 juin à 14h00, il part pour l’hôtel Dieu afin que son œil soit soigné. En effet, d’après ces déclarations, il a été frappé par d’autres détenus pour ne pas qu’il « parle ». Lors de son interrogatoire, les policiers lui montrent une photo de M.D., il dit le reconnaitre mais qu’il ne sait pas s’il a incité les autres à la violence. La présidente précise que ce témoignage permet de se rendre compte du contexte de tension qui existait au sein du CRA.

16h20, suspension d’audience pour 15 minutes.

16h52, l’audience reprend sur les éléments de personnalité versés au dossier d’instruction.

Monsieur A.Bo. a été condamné le 06/10/2008 par le Tribunal correctionnel de Bobigny pour infraction à la législation sur les étrangers à une interdiction du territoire français (ITF) de 2 ans.

Monsieur Ma.D. a été condamné une première fois en 2003 à 4 mois de prison et une ITF de trois ans pour infraction à la législation sur les étrangers. Courant 2005, il sera également condamné à un an de prison et 3 ans d’ITF pour vol et infraction à la législation des étrangers. Il sera condamné une deuxième fois à 150 euros d’amende pour possession de stupéfiant et infraction à la législation des étrangers.

Monsieur A.A. n’a jamais été condamné.

Monsieur M.D. a été condamné 12 fois entre 1994 et 2007 notamment pour infraction à la législation des étrangers, pour vol, vol avec violence, rébellion, dégradation de bien appartenant à autrui, conduite sans permis, outrage à personne représentante de l’autorité publique et soustraction d’enfant par personne ayant autorité.

Monsieur A.D. n’a jamais été condamné

Monsieur E.M. n’a jamais été condamné. Une enquête sociale a été versée au dossier, elle révèle que lorsqu’en 2008 on lui pose des questions sur son avenir, ce dernier paraît en avoir une vision morbide. Dans la vie, il s’occupe de sa tante et l’aide à son kiosque. En Algérie, il aurait occupé plusieurs emplois : pêcheurs, soudeur (diplômé)...etc..

Monsieur S.A. n’a jamais été condamné

Messieurs A.B., N.O. et M.S. n’ont jamais été condamné.

La présidente informe le tribunal qu’il n’y a pas d’autres éléments de personnalités au dossier, les prévenus n’étant pas présents à l’audience « nous n’en saurons pas plus ».

Mme Dutartre informe les parties civiles qu’elle souhaiterait commencer à les entendre aujourd’hui.

Les parties civiles à la barre

Monsieur C. : La présidente lui demande ce dont il a été témoin et le contexte du CRA. Il répond que le 21 juin, il a demandé à quitter son poste afin d’aller renforcer le barrage devant la porte de la chambre de Monsieur Souli. Monsieur A.D. et Ma.D. ont tenté de forcer le barrage. Monsieur Ma.D. était le plus virulent.

17h00, dans la salle d’audience un incident survient. Les gendarmes demandent à une personne du public de sortir de la salle. Le procureur est informé par un gendarme qu’un téléphone portable a été saisi, une personne aurait été prise en train d’enregistrer les débats. Mme Dutartre rappelle que ceux qui seront pris en train d’enregistrer les débats ou de prendre des photos peuvent être poursuivis. Elle demande ensuite aux gendarmes de vérifier l’ensemble des portables du public, excepté apparemment pour les journalistes. La présidente prévient que si ce genre de problème se réitère, l’audience se tiendra à huit clos.

Le policier poursuit : monsieur M.D. incitait les autres à mettre le feu.

Mme Dutartre l’interrompt et lui demande s’il a effectivement entendu le prévenu directement ou indirectement dire qu’il allait mettre le feu.
D’après sa déposition, il affirme que depuis plusieurs jours le prévenu menaçait de mettre le feu. Mme Dutartre demande si M.D. jouait un rôle moteur et si notamment il se permettait certains écarts en les justifiant du fait qu’il n’était pas expulsable et français. Le policier répond qu’il ne sait pas précisément. Concernant Monsieur A.B., Mme Dutartre demande au policier de confirmer s’il a bien donné un coup de poing. Monsieur C. précise qu’il a « tenté de donner un coup de poing ». La présidente poursuit : « est ce que vous pensez avoir tout dit ? » Le policier ajoute que Monsieur A.B. était très agité ce jour là, violent et qu’il a jeté des projectiles. Mme Dutartre précise que lors d’une déposition, le policier a dit que Monsieur A.D. était très virulent le 21 juin. Il répond que les policiers faisaient leur travail à l’intérieur de la chambre et qu’il disait aux détenus qu’ils ne pouvaient pas rentrer. Les choses se sont envenimées. _ La présidente demande si les policiers ont donné des explications sur ce qui se passait. Monsieur C. répond qu’il ne sait pas.

La présidente ajoute que selon les dépositions un des retenus aurait obtenu des explications sur la
situation mais cela n’aurait pas suffit et ils seraient venus à plusieurs afin de constater.

Le policier poursuit en expliquant le cas de sa collègue Mme Ch. qui a été attrapée et frappée par
cinq individus mais il est impossible pour le policier de les reconnaître formellement. Monsieur C.
affirme que les manifestants à l’extérieur du centre ont attisé les tensions avec les sans papiers en
scandant «  policier assassins ».

La présidente demande si Monsieur C. a reçu des projectiles de la part des manifestants, il répond
que non. Elle continue : « est ce que vous avez vu les pompiers se faire caillasser ? » Monsieur C.
répond par la négative mais affirme qu’il a vu un pompier qui saignait beaucoup.
« Avez-vous inhalé des fumées toxiques ? » « oui » répond le policier. « Etes vous allé à l’hôpital ? »
_Le policier répond également oui, en précisant qu’il était plus de minuit.

Monsieur C. a eu une
interruption temporaire de travail de trois jours puis il a repris son service. Mme Dutartre demande
alors quel était le climat au centre. Monsieur C. répond que le centre était totalement fermé mais
que le dépôt1, le quartier des femmes, précise-t-il, fonctionnait encore.
La présidente demande alors si Monsieur C. a été surpris par la rapidité avec laquelle l’incendie s’est
répandue. Le policier répond qu’il a effectivement été surpris.
« Saviez-vous si les bâtiments étaient aux normes ? », Monsieur C. explique qu’il a commencé à
travailler au centre courant février 2008 et qu’il ne sait pas si les bâtiments étaient aux normes.
« Est-ce que le centre était surpeuplé ? » Le policier répond que Vincennes n’a jamais atteint sa
population maximale qui est de deux fois 140 personnes.

Monsieur C. explique que la fonction des policiers au sein du centre c’est « d’accueillir les personnes,
leur dire leurs droits et de les accompagner voir la Cimade. S’ils demandent quelque chose, la plupart
du temps ils l’obtiennent.
 »
La présidente demande à Monsieur d’expliquer comment les retenus faisaient pour fumer, devaient-
ils demander aux policiers du feu ? Oui c’est vrai mais peu avant l’incendie un allume cigare avait été
placé à l’extérieur. Monsieur C. précise que les retenus n’avaient pas le droit de fumer à l’intérieur.
La présidente demande s’il y avait des détecteurs de fumèe, Monsieur C. répond par l’affirmative.
Mme Dutartre poursuit « Est-ce que le week end du 21 juin 2008, il y avait cet allume cigare ? »
Monsieur répond que oui, il avait du être installé environ un mois avant.
Un des assesseurs demande alors s’il arrivait qu’un retenu ait un briquet ou des allumettes. Monsieur
C. répond par la négative.
Le procureur demande s’il y avait des policiers de garde ce jour là ? Monsieur C. répond par
l’affirmative.

Le policier poursuit en expliquant que c’était le deuxième feu qu’il voyait au centre de rétention. Le
procureur l’interpelle et lui dit que les avocats de la défense ont pourtant expliqué qu’il y avait eu
beaucoup de feux avant.
Concernant les extincteurs, les policiers paraissent avoir eu des problèmes pour s’en servir. Il est
alors demandé au policier s’ils reçoivent une formation là-dessus ? _ Monsieur C. répond que non.
La présidente poursuit « Comment communiquer avec des étrangers qui ne parlent pas le français ?
Monsieur C. répond que quand un des retenus ne parle pas français, il demande le plus souvent à un
de leur camarade de les aider. Il y a surtout des problèmes de langue avec les asiatiques, en général
c’est assez rare que les personnes ne soient pas francophones.
Mme Dutartre demande s’il y avait déjà eu d’autres événements (marche silencieuse, émeute) de la
sorte dans le CRA auparavant ? Monsieur C. répond que non. La plupart du temps les problèmes
surviennent les week end et lorsqu’il y a des manifestations à l’extérieur.

Madame F. :

Madame F. explique qu’elle a pris son service à des postes de contrôle donnant sur l’extérieur du
centre. A un moment, des retenus ont grimpé au grillage, les polciers leur ont demandé de
descendre.

Il est environ 17h15 dans la salle, lorsqu’un autre incident éclate
Un gendarme demande à une personne du public de se taire. Le gendarme affirme qu’une personne
du public discute avec une autre. La personne concernée réfute. La présidente lui demande de sortir
de la salle d’audience. A ce moment là, plusieurs personnes du public interviennent et soutiennent
que cet individu n’a effectivement pas parlé. Cette personne finie par sortir d’elle-même de la salle
d’audience accompagnée d’une bonne partie du public. Une personne lance « De toute façon dans
votre tribunal, il n’y a déjà plus de prévenus et plus de défense, il n’y aura donc plus de public
 ». La
salle d’audience se vide, demeure deux journalistes et quatre personnes dans le public. Il est à noter
que les observateurs de Migreurop sont également dans le public, notamment à ce moment là nous étions le rang devant la personne qui d’après le gendarme discutait. Bien qu’il soit habituel que le
public chuchote parfois au cours des audiences et à chaque audience nous entendons des
commentaires, nous essayons d’ailleurs parfois de les relater dans les comptes rendus. Toutefois, ce
n’était pas le cas cet après midi au moment où le gendarme a cru entendre des chuchotements, le
public était silencieux et attentif au témoignage d’une des parties civiles.

Madame F. reprend le fil de son récit. Les retenus devenaient de plus en plus nombreux au niveau du
grillage, les policiers semblaient dépassés. Ils entendaient « On est à Auschwitz ! ». Madame F. sort
de son poste de surveille et se dirige vers l’intérieur du CRA. Elle précise que ses collègues sont
dépassés par les évènements, elle voit des jets de poubelles et de projectiles. Ses collègues était là
car un retenu se sentait mal, ils souhaitaient le mettre à l’abri. Ils l’ont donc transporté à l’extérieur
et sont allés vers les grilles. Lorsqu’ils ont refermé les grilles, les injures et les crachats ont
commencé.
Monsieur Bo. essaie de donner des coups de poing, Monsieur M.S. lance des dalles. Elle retourne
ensuite ou point de surveillance 6 et 7. Elle souligne qu’elle a entendu monsieur M.S. dire
« aujourd’hui, on va tuer du flic, on va lancer des dalles ».
La présidente affirme qu’à un moment on ne sait pas si certains prévenus lance des projectiles sur les
policiers ou les bâtiments. Madame F. est formelle, elle a vu monsieur M.S. casser une dalle, les
regarder dans les yeux et lancer les projectiles.
Madame F. a eu un arrêt de travail d’une semaine. Ensuite, elle est revenue au centre de rétention,
elle avait inhalé beaucoup de fumée le jour de l’incendie. Madame F. explique qu’avec l’adrénaline,
la peur et l’angoisse, elle a perdu l’usage de ses jambes et qu’elle a été transportée à l’hôpital car ses
collègues ont insisté pour qu’elle soit prise en charge. Elle souligne qu’on s’occupait plus des retenus
que des services de police.

Madame F. travaille au CRA depuis six ans, elle était là lors du premier incendie à Vincennes. Elle
explique qu’avec les retenus, les policiers «  essaient de dialoguer » mais ce jour là, il était
impossible de dialoguer. Les policiers essaient « de connaître les besoins de chacun » mais
effectivement il y a la barrière de la langue, toutefois si «  on prend le temps, ça se passe bien ».
Ce jour du 22 juin, les policiers « avaient aussi peur pour leurs vies pour celles des retenus. ». « Ces
gens doivent assumer leur responsabilité ».

La présidente demande si les retenus ont une prise en charge médicale au centre ? Oui, lorsqu’ils
arrivent, il voit une infirmière, beaucoup d’entre eux demandent à voir un médecin, ce qui se passe la
plupart du temps le lendemain. Le médecin doit alors décider si ces personnes sont aptes ou non à
rester en rétention ou s’ils doivent être dirigés vers un hôpital.
Mme Dutartre demande ce qu’il en est du Subutex. Madame F. répond qu’il y a des petits trafics dans
le centre à certains moments. Une mesure a d’ailleurs été prise pour les endiguer, les retenus
devaient prendre leur cachet devant l’infirmière.
La présidente demande si des fouilles sont opérées ? Oui régulièrement après les visites de la famille
et des amis, d’après madame F, ils ont «  le don de cacher les choses ». Mme Dutartre demande sur
quelle base sont effectuées ses fouilles. Madame F répond que ses collègues des vidéosurveillancespeuvent les informer de qui se passe quoi au moment des visites : des briquets, des allumettes, des
bouts de fer, « On s’attendait à tout avec eux ».
La présidente : « Est-ce c’était aux normes ». Madame F. répond qu’elle n’est pas entrepreneur mais
qu’effectivement les extincteurs ne fonctionnaient pas, plus précisément celui du point de
surveillance 1. Elle précise que les bâtiments étaient neufs et que l’Etat a du construire aux normes.
La présidente précise que la veille l’extincteur en question avait été utilisé. Madame F. précise
qu’effectivement c’est parce qu’il était vide qu’il ne fonctionnait pas et qu’il n’avait pas eu le temps
de le changer.
Le procureur demande si Madame F. a inhalé de la fumée. Elle confirme en expliquant que lorsque
les retenus étaient dans le gymnase et que le feu a pris également à cet endroit, le vent ne leur était
pas favorable et que donc elle a inhalé des fumées.
Le procureur poursuit en expliquant qu’un prévenu affirme qu’il cherchait des effets personnels dans
la housse de son matelas. Madame F répond que ce n’est pas possible, il n’ya pas de housse. Le
procureur lui demande alors si elle savait que les matelas n’étaient pas ignifugés. Madame F. ne
savait pas.
La présidente demande si les vols étaient courants au centre. Madame F. explique que
généralement, les policiers laissent 80 euros aux retenus sur la somme qu’ils ont avec eux. Ensuite,
s’ils souhaitent garder plus sur eux, c’est possible. Il n’est pas possible par contre d’avoir un portable
qui fait vidéo et photo mais le téléphone n’a pas ces options, ils les gardent. Madame F souligne
que de toute façon « ils n’en font qu’à leur tête, c’est pareil pour les cigarettes (à l’intérieur du CRA),
si on y va trop souvent on risque l’émeute
 ».

L’avocat de la partie civile intervient et demande si elle a vu arriver les pompiers. Madame F. répond
qu’elle ne les a pas vus arriver mais qu’un pompier lui a demandé d’accéder à l’entrée du CRA 2 et
que la porte était impossible à ouvrir. Le pompier a été obligé d’endommager la porte pour entrer.
Elle n’a pas vu le ‘caillassage’ des pompiers.


Monsieur B. :

Le 21 juin, il y a eu des gaz lacrymogènes envoyés sur les retenus afin de les repousser.
Ses collègues lui ont dit qu’ils avaient entendus certains retenus dire qu’ils allaient mettre le feu.
Le 22 juin, Monsieur B. a pris son service à 14h45, tout était très calme, il a appris qu’il n’y avait
qu’une seule bagarre entre retenus. Ensuite, il est informé qu’il y a une manifestation à l’extérieur et
que des retenus s’agitent à l’intérieur du centre. Il demande de sortir de son poste pour aller aider
ses collègues, les policiers demandent aux retenus de se calmer. Il reconnait monsieur A.B. qui est au
« 1ère loge », c’est le plus virulent. Il ya un échange de coup avec lui, Monsieur B. reçoit un coup de
pied sur l’avant cuisse gauche. Les policiers essaient d’extraire monsieur A.B. de la foule mais les
autres retenus réussissent à le ramener vers eux. Ensuite monsieur B. est appelé au CRA 2 car des
matelas et des draps sont jetés à l’extérieur, puis au CRA 1, là une chambre est en feu. Ensuite, il se
dirige sur l’extérieur du centre, vers les manifestants qui sont virulents et insultants. Ensuite, il va en
soutien de ses collègues afin d ‘aider les pompiers à entrer et intervenir. Il y a bien eu ‘caillassage
des pompiers par les retenus, notamment par monsieur Bo. Ensuite, le policier escorte les retenus vers le gymnase qui finira par prendre feu également. La présidente précise que le feu du gymnase se
déclarera à côté de messieurs M.D. et E.M.

Le policier parle ensuite de sa collègue, Madame Ch. qu’il a vu se faire agresser mais qu’il ne sait pas
par qui. Il n’est pas allé à l’hôpital directement, il ne s’y rendra que le lendemain, il n’a pas été pris
en charge.
Monsieur B. a eu un arrêt de travail d’une semaine puis il a repris à Vincennes.
La présidente demande si les retenus qui ont été aspergés de gaz lacrymogènes ont pu être soignés.
Monsieur B. répond que oui mais à l’hôpital pas sur place. Mme Dutartre demande qui a lancé des
détritus, des poubelles. Le policier affirme qu’il a vu monsieur A.B. lancer une poubelle, même si
apparemment d’après les vidéos ce n’est pas tout à fait le cas.

La présidente poursuit en demandant au policier au sujet de monsieur A.D.. Monsieur B. répond qu’il
se rappelle qu’il était quelqu’un de virulent mais qu’il ne se souvient pas de lui le 22 juin.
Mme
Dutartre demande si monsieur B. a vu une personne mettre le feu. Le policier dit que non.

Un des assesseurs demande s’il est possible de communiquer entre les retenus entre le CRA 1 et le
CRA 2. Le policier répond que c’est possible par les portables et si les retenus crient fort. L’assesseur
poursuit « Comment peuvent-ils se communiquer leurs numéros de portables ». Monsieur B. répond
lorsqu’ils sont déférés et s’échangent leurs numéros ou parfois ils se connaissent, ils sont de la même
famille. L’assesseur demande alors si il a été témoin de communication entre les retenus des deux
CRA le jour de l’incendie. Le policier répond qu’ils ont communiqué sur le mort de monsieur Salem
Souli.
Monsieur B raconte qu’il était avec un collègue qui parlait l’arabe et qu’il a entendu « On va mettre le
feu
 », ce dernier lui a traduit la phrase. Son collègue et lui ont alors informé leur commandant. Le
procureur souligne alors « vous voulez dire que votre hiérarchie était au courant ? ». Le policier
confirme. Le parquet demande alors si des visites dans les chambres n’auraient pas pu être
organisées. Monsieur B. répond qu’effectivement ça aurait pu être possible mais que la situation
était déjà très tendue. Le parquet demande ensuite s’il est vrai que certains retenus cachent des
briquets. Monsieur B. confirme et que cela arrive souvent au moment des visites.

La présidente demande si les visiteurs ne sont pas fouillés à l’entrée du centre. Monsieur B. confirme
mais que la fouille n’est pas poussée. Mme Dutarte souhaite un éclaircissement sur le droit de visite.
Le policier explique que les retenus ont le droit d’être visité plusieurs fois par jour, même par la
même personne. La présidente demande si les visites sont limitées dans le temps. Le policier
confirme que c’est 20 minutes par retenus, donc s’il y a plusieurs visiteurs ça peut poser des
problèmes.

La présidente suspend l’audience qui reprendra le lendemain, mardi 9 février, à 14h00, 16 ème
chambre.


Antimollusques
http://antimollusques.blogspot.com/...


Tribunal des flagrants délires - Jour 7 Procès CRA Vincennes

Lundi 8 février.

Septième jour d’audience à la 31ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. Audience prévue à 14h. 13h30, des affaires doivent être renvoyées avant que les débats commencent. Le gendarme à l’entrée de la salle filtre les entrées, demandant si l’on doit comparaître. Si la réponse est négative, on ne peut pas entrer. Dix minutes après, la porte s’ouvre. «  Dossier n°11 » annonce la présidente Dutartre. Un prévenu comparaît détenu, un gendarme derrière lui dans le box. Prises de parole de la présidente et du procureur, marmonnant.

Audience suspendue. Discussion entre une journaliste et le procureur séparés par la cloison en bois fixant la limite entre le box de la presse et le ministère public.

Arrivée de l’avocate des plaignants. Ils sont trois pour le moment.

Reprise. La présidente prononce le maintien en détention du prévenu dans l’attente de son procès renvoyé au 31 mars.

«  Nous allons reprendre notre affaire », lance la présidente à propos du CRA.

A propos de « leur » (?) affaire, et histoire d’avoir quelques repères dans cette (très longue) audience, celle-ci peut être résumée de la manière suivante :

1) Rappel du « contexte »

2) Pour chaque prévenu (retenus au CRA 2 et au CRA 1), sont présentés par la présidente :
- les chefs d’accusation dont ils relèvent (dégradations et/ou dégradations par incendie et/ou violences volontaires sur des fonctionnaires de police)
- l’ensemble de leurs déclarations au sujet de l’affaire : en garde à vue, lors de leurs auditions successives avec le juge d’instruction, lors du visionnage des bandes vidéos avec leurs avocats, lors de la confrontation avec les plaignants (les flics du CRA).
- la description des photos sur lesquelles ils figurent (« l’album photos » qui est en fait une série de captures d’écran des bandes de vidéosurveillance).
- vérification éventuelle de déclarations de certains prévenus auprès des services médicaux du CRA notamment.

3) Lecture des dépositions des fonctionnaires de police

4) Lecture d’une audition d’un retenu (à charge contre les prévenus)

5) Lecture d’ « éléments de personnalité » des prévenus, soit le détail de leur éventuel casier judiciaire

6) Auditions de 3 plaignants

Voilà en gros pour l’architecture générale des débats d’aujourd’hui. Et ils furent longs, très longs, et entrecoupés de moments assez rock’n’roll/trash, notamment du côté des auteurs du bisou fougueux de mercredi dernier. (1)

1) Le « contexte » précisé par la présidente :

« Le 21 juin 2008, un retenu, Salem Souli, décédait dans sa chambre n°11 des suites d’un syndrome d’asphyxie liée à une détresse respiratoire (…) selon le rapport d’autopsie diligenté par le procureur. »

S’ensuivirent des « émeutes au cours de l’après-midi », puis « le 22 juin 2008, de nouvelles émeutes suite à une marche silencieuse organisée par des retenus ». Emeutes «  liées à ce décès d’un compatriote tunisien ». Au cours de celles-ci, des retenus « s’affrontaient avec les forces de police au CRA 1 et au CRA 2 partiellement détruit suite à différents incendies, à partir de matelas dans la cour des CRA 1 et 2 et dans certaines chambres ».

Il y a eu également des « dégradations par un certain nombre de retenus, des bris de vitres (…) ».

« Des policiers ont été chargés de diligenter une enquête. »

« Le dimanche 22 juin, le procureur se rendait sur place (…) Le constat de l’enquête a montré que dans le CRA 1, le bâtiment E avait été dégradé, le mobilier des chambres avait été dégradé, des cabines téléphoniques avaient été rendues inutilisables. Le bâtiment D a été ravagé par les flammes et la toiture s’est effondrée. »

« Dans le CRA 2, le bâtiment C a été largement détruit, selon l’enquête des enquêteurs (sic). A l’extérieur, un amoncellement de matelas a été découvert devant les portes 2 et 9. On a trouvé des traces de combustion. Suite à l’incendie et aux fumées toxiques, il y a eu 18 à 20 victimes, dont certaines ont été conduites à l’hôpital. » (…)

Selon le rapport du Laboratoire de la police scientifique de Paris, requis par le procureur, « il y a eu mise à feu délibérée grâce à des briquets et des allumettes (…) Aucune trace de liquide inflammable. Un accélérant de combustion n’était pas indispensable pour entraîner de tels dégâts. Il y a eu 4 départs de feu volontaires, des incendies délibérés, plusieurs départs de feu. »

« Il n’y avait aucune communication entre les deux bâtiments, d’où des départs de feu volontaires. »

« Les chambres d’où le feu est parti : chambres 12, 24 et 27 dans le CRA 1, la salle de détente n°2 du CRA 2 et le gymnase – ce qui n’est pas reproché aux prévenus – (sic) où les retenus ont été évacués. »

« Selon les enquêteurs, les bâtiments 1 et 2 étaient équipés de bandes de vidéosurveillance. Il a été plus facile d’exploiter les bandes du CRA 1 car elles n’ont pas été touchées par l’incendie, elles ont donc pu être visionnées dans leur intégralité. S’agissant du CRA 2, un certain nombre de caméras ont été touchées par la suie. Les policiers devaient extraire les vidéos et les exploiter après un montage – montage réalisé en fonction de l’état des bandes vidéo. »

« Différentes scènes qui ont été utiles à l’enquête : les dégradations des bâtiments, les allées et venues de retenus en train de déplacer des matelas, l’extérieur et l’intérieur, la fumée dans les chambres était intéressante pour impliquer ou non des retenus. »

« Un certain nombre de retenus sont impliqués dans des jets de projectiles voire de crachats vis-à-vis des policiers. »

Fin de la présentation du contexte par la présidente.

Elle précise qu’il existe un album photos pour chaque prévenu. Elle explique qu’un certain nombre de prévenus ont été déférés devant un juge d’instruction, trois sous mandats d’arrêt (2), un qui n’a pas été poursuivi, un qui a été «  témoin assisté » puisqu’ « il avait tenté de calmer la situation (…) il avait eu un comportement d’apaisement », « dix ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel. »

La présidente poursuit : «  Nous allons évoquer chaque situation de prévenus (sic) ».

(Le détail des débats sera retranscrit le plus rapidement possible).

(1) Faites l’amour, pas des dépositions. Où l’on verra que la plaignante et le gendarme impliqués dans ce haut fait de coopération interprofessionnelle (dit « le rapprochement des corps de police et de gendarmerie ») ne sont plus tout amour en matière de dépositions et de gestion du public. (cf. épisode précédent sur « l’amour des forces de l’ordre au tribunal »)

(2) Un a été effectivement arrêté. Il s’agit du prévenu qui comparaissait détenu lors des deux premières journées d’audience. A l’issue de la troisième, il a obtenu une libération conditionnelle.

Publié par Antimollusques


Quelques nouvelles des petites pièces glauques qui se jouent au petit théâtre de la 16ème chambre du TGI de Paris.

Aujourd’hui les personnes présentes ont également pu voir comme d’habitude une multitude d’audiences prévues à la 16ème chambre et reportées pour laisser place aux audiences du procès de Vincennes, ce procès qu’il fallait apparemment placer coute que coute à ses dates là pour on ne sait trop quelles raisons....

Ces audiences repoussées, il faut savoir que ça implique des détentions provisoires allongées : ainsi quelqu’un a rempilé pour 2 mois de prison en plus en attendant d’être jugé... dans 2 mois devant cette même chambre...


Tribunal des flagrants délires

7ème audience aujourd’hui au procès des "inculpés de
Vincennes" :

La juge est revenue sur le contexte et les faits
Lecture des diverses dépositions des prévenus
Lecture des dépositions des partie civile
Lecture d’un témoignage d’un retenu (non prévenu) du
CRA

- La présidente est revenue sur les éléments de
personnalité du dossier.

3 témoignages des parties civiles à la barre

Audience suspendue à 18h00, elle reprend demain à 14h00,
16ème chambre correctionnelle. Il reste 3 parties civiles
à entendre, le réquisitoire du parquet et le plaidoyer des
avocats de la partie civile. La défense, les retenus et
leurs témoins ne seront pas entendus puisqu’ils continuent
de protester contre un procès qu’il considère
inéquitable. Les audiences pourraient donc prendre fin
demain avec un délibéré à une date ultérieure.

A noter des problèmes sont survenus cet après midi ;

Une personne aurait enregistré l’audience d’après les
gendarmes, ils l’ont fait sortir de la salle d’audience, lui
aurait confisqué son appareil enregistreur (un téléphone
portable) et serait parti pour un contrôle d’identité.
La
présidente du tribunal suite à cet incendient à demander
aux gendarmes de vérifier que les portables du public
étaient éteints et rappeler au prochain incident de ce
type, l’audience se tiendrait à huis clos.

Un gendarme a cru entendre parler deux personnes dans le
public et leur a sommé de se taire. Des échanges verbaux
entre ces personnes et le gendarme ont commencé. La
présidente à demandé aux personnes de sortir. Ces
dernières clamaient qu’elle n’avait pas parlé. Elles ont
décidé de quitter la salle. Une grande partie du public
est sorti en soutien.

Pour information, concernant le dernier incident, les deux
personnes étaient le rang derrière nous. Bien qu’il soit
habituel que le public chuchote parfois au cours d’une
audience et à chaque audience nous entendons des
commentaires, nous essayons parfois de les relater dans les
comptes rendus. Toutefois, ce n’était pas le cas cet après
midi au moment où le gendarme a cru entendre des
chuchotements, le public était silencieux et attentif au
témoignage d’une des parties civiles.

Un compte rendu sera disponible en ligne sur le site de
Migreurop demain matin.


Procès de Vincennes, tout feu tout Flam, la comédie continue cette semaine

Relaxe des inculpés de l’incendie du Centre de rétention de Vincennes

Le 25 janvier a commencé le procès de dix personnes sans-papiers accusées d’avoir participé, le 22 juin 2008, à la révolte collective qui a abouti à la destruction du centre de rétention administrative de Vincennes. Ils sont inculpés d’incendie volontaire, dégradation et violence en réunion.

Le procès mené par la juge Nathalie Dutartre et ses deux assesseurs est à l’image de l’instruction, menée exclusivement à charge pendant un an par le magistrat instructeur, Mr Alain N’guyen The. La quasi totalité des demandes de la défense (circonstance de la mort de Salem Souli la veille de la révolte, expertises techniques des matériaux des bâtiments, rapport des pompiers...) a été rejetée. Seule a été acceptée la demande de visionnage de la totalité des bandes de vidéosurveillance, mais en audience. Cette décision qui apparaissait comme une concession a en fait porté atteinte aux droits de la défense en imposant, sans concertation et du jour au lendemain, aux avocats et aux prévenus trois semaines d’audience consécutives.

Ainsi depuis le 1er février, le procès se poursuit entre personnes de connivence : les juges, le procureur Gilbert Flam, les avocats des parties civiles, à savoir l’Etat, qui vient de réclamer, à la veille du procès, l’argent perdu du fait de la destruction de sa prison, ainsi que les policiers du centre. Les inculpés et leurs avocats ont quitté le procès, ces derniers affirmant ne pas avoir les moyens de la défense et ne voulant pas être « la caution de cette comédie ».

Ces imbroglios juridiques qui sont détaillés dans des comptes rendus (sites migreurop, antimollusque, indymedia) montrent, on pouvait s’en douter, qu’un Etat ne peut pas laisser une de ses prisons partir en fumée sans chercher à fabriquer et punir des coupables. Des coupables pour l’exemple et pour dissuader quiconque de se révolter. Qu’elle soit rendue dans des apparences « équitables » ou pas, la justice est là pour maintenir la société telle qu’elle est, faire perdurer l’exploitation par le travail, protéger la propriété privée et réprimer d’autres moyens de survie, transformer des révoltes collectives en actes individuels isolés et décontextualisés, ce procès n’échappe pas à cette règle. C’est cette même justice qui, validant les mesures de reconduite à la frontière et l’enfermement dit administratif, cautionne et encadre les centres de rétention, les expulsions, et envoie en prison ceux qui se révoltent ou font
échec à leur expulsion.

Nous n’avons donc pas d’illusion sur la justice, pour autant nous pensons qu’exprimer notre solidarité peut permettre aux inculpés de s’en sortir au mieux face à la machine judiciaire. Lors de ce procès où les inculpés de la révolte de Vincennes risquent dix ans de prison ferme, nous sommes solidaires de ces hommes, sans chercher à savoir s’ils sont coupables ou innocents. La seule responsabilité réside dans la politique de contrôle des flux migratoires qui décide où nous devons vivre, survivre ou mourir et qui fait que chaque année des milliers de personnes meurent en essayant de franchir les frontières.

Suite à un appel à une semaine de solidarité avec les inculpés de Vincennes du 16 au 24 janvier, partout en France et ailleurs, des personnes ont exprimé leur solidarité de diverses façons (cf. ci-dessous la liste des actions de solidarité) : soutien aux inculpés, dénonciation de l’existence des prisons pour étrangers, de la machine à expulser et des entreprises qui dénoncent les sans papiers.

Ces actions que chacun a organisées selon ses réalités et les moyens qui lui semblent appropriés ont précédé la semaine de solidarité pour certaines et elles ont bien évidemment continué tout au long du procès. Ne doutons pas qu’elles se poursuivent dans les semaines à venir, que ce soit pendant les dates imposées de ce procès ou plus largement tant que des milliers de personnes seront pourchassées, raflées, enfermées au prétexte qu’elles ne disposent pas de papiers administratifs que l’Etat nous impose d’avoir.

FERMETURE DES CENTRES DE RETENTION !

LIBERTE DE CIRCULATION ET D’INSTALLATION !

Collectif de solidarité avec les inculpés de Vincennes

liberte-sans-retenue chez riseup.net


Lire également Antimollusques

Tribunal des flagrants délires - Jour 8 Procès CRA Vincennes
http://antimollusques.blogspot.com/...


Voir Mille Bâbords13274, 13239, 12708

Retour en haut de la page

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Thèmes liés à l'article

Répression c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 1270