Une tribune pour les luttes

Et voilà le travail / Chroniques de l’humain en entreprise

Bobard n°2 – « Les chômeurs ne veulent pas travailler »

Elsa Fayner

Article mis en ligne le mardi 10 mai 2011

Hervé Nathan, Nicolas Prissette


Bobard n°2 – « Les chômeurs ne veulent pas travailler », Elsa Fayner

A lire de préférence avec les liens sur :
http://voila-le-travail.fr/2011/05/...

«  Les services à la personne vont créer 500 000 emplois », «  La France est gagnante dans la mondialisation », « Il faut des stock-options pour tous », « Privatisée, l’entreprise se développera », etc. Les journalistes économiques Hervé Nathan (Marianne, ex-Libé) et Nicolas Prissette (JDD) se sont permis de douter dans Les bobards économiques. Nous présentons leurs conclusions et nous poursuivrons cette entreprise de doute. A vos claviers, si vous voulez participer (émettre des doutes, poser des questions, participer aux réponses). Bobard n°2 – « Les chômeurs ne veulent pas travailler »

Laurent Wauquiez, porte-parole du gouvernement Fillon jusqu’en mars 2007, a défendu le projet de loi « droits et devoirs des demandeurs d’emploi ». Principale disposition : l’ »offre raisonnable d’emploi » (l’ORE). Deux offres refusées conduiront à la suspension pendant deux mois des indemnités chômage, contre trois offres refusées jusqu’alors, rappellent Hervé Nathan et Nicolas Prisette.


Le mirage des « offres d’emploi non pourvues »

« Nous vivons dans un paradoxe dont ne pouvons nous satisfaire, explique le secrétaire d’État. D’un côté, 1,9 millions de personnes sont au chômage et cherchent un emploi ; de l’autre, plusieurs centaines de milliers d’offres d’emploi -vraisemblablement 500 000- ne trouvent pas preneur ».

Depuis quelques années, ces fameuses « offres d’emploi non pourvues » sont devenues le symbole de la réforme « indispensable » du marché du travail, qui ne serait pas assez «  flexible ».

Ils seraient «  vraisemblablement 500 000″, selon Laurent Wauquiez.

En fait, ce chiffre n’existe pas, expliques les deux journalistes. Aucune étude à la Dares, ni à Pôle Emploi. Ce dernier recense bien les « offres non satisfaites » : celles qui n’ont pas trouvé preneur au bout d’un mois, qu’elles aient été retirées parce que l’entreprise a renoncé à recruter ou a trouvé un candidat par un autre canal, que ce soit des fausses annonces destinées à attirer des candidats pour d’autres postes ou autre. Ce n’est donc pas un indicateur du refus à travailler. Celui-ci n’existe pas.


1000 offres refusées/mois

Seule piste : « Nous procédons à des radiations, racontait Jean-Marie Marx, directeur général de l’ANPE (devenue Pôle Emploi), auditionné lors de la préparation du débat sur la loi « droits et devoirs des demandeurs d’emploi ». Et dans 2% des cas, les radiations résultent d’un refus d’offre d’emploi. Ce qui correspond à un millier de personnes chaque mois ». Donc, 1000 personnes par mois, 12 000 par an (Lire Marché du travail : le mystère des offres non satisfaites).

Ce ne sont quand même pas ces 12 000 personnes qui auraient refusé de travailler 500 000 fois, concluent Hervé Nathan et Nicolas Prisette.

En revanche, Jean-Marie Marx livre une piste : « la plupart des offres refusées émanent de secteurs qui rencontrent des difficultés de recrutement comme le bâtiment ou les transports ». Les hôtels, cafés, restaurants également.


Des secteurs qui font envie…

Des secteurs dans lesquels les salaires restent bas, les conditions de travail pénibles, les horaires à rallonge, les sujétions nombreuses.

Le bâtiment, comme la restauration, recrutent donc beaucoup de travailleurs clandestins. En 2006, 12% des hôtels, cafés et restaurants contrôlés étaient en infraction, près du triple de l’année précédente (lire le reportage Resto Academy, sur les pratiques du secteur). Le BTP cumule de son côté 40% des cas de travailleurs dissimulés, 37% des faux statuts découverts, 52% des embauches d’étrangers sans titre de travail ou encore 89% des fraudes aux Assedic.

Et, quand les emplois sont légaux, il s’agit dans deux cas sur trois d’un CDD de moins de 6 mois. Mal payés, précaires ou à temps partiel, ces emplois sont l’objet d’un turn over considérable. On fait plus alléchant, remarques les auteurs.

Elsa Fayner

Pour démonter les bobards

* Les bobards économiques, d’Hervé Nathan et Nicolas Prissette, Hachette Littérature, 2009, 15,90 euros

* Et pourtant, je me suis levée tôt…, livre d’Elsa Fayner, Panama (écrivez-moi).

* Les Décodeurs, blog de Nabil Wakim, journaliste au monde.fr, passent au tamis quelques assertions comme “Aujourd’hui on vit plus longtemps. Il est normal, il est naturel, il est logique de prolonger le temps au travail” (Eric Woerth, 9/09)

D’autres bobards demeurent

* Bobard n°1 – « Travailler plus pour gagner plus »

* Corollaire au Bobard n°1 – « Le temps partiel permet aux femmes de gérer emploi du temps et revenu selon les besoins »

* Bobard n°2 – « Les chômeurs ne veulent pas travailler »

* Bobard n°3 – « Les services à la personne vont créer 500 000 emplois »

* Bobard n°4 – « La France est gagnante dans la mondialisation »

* Bobard n°5 – « Réduire le nombre de fonctionnaires permet de faire des économies » (nombre de fonctionnaires, etc)

* Bobard n°6 – « Il faut des stock-options pour tous »

* Bobard n°7 – « Privatisée, l’entreprise se développera »

* Bobard n°8 – « Les jeunes sont démotivés au travail »

* Bobard n°9 – « La solution au chômage : que chacun crée son entreprise » (dur de créer une entreprise, auto-entrepreneurs, free-lance)

* Bobard n°10 – « Trop de charges en France » (dur d’embaucher, dur de licencier,Licenciements : le boom des ruptures à l’amiable)

* Bobard n°11 – « L’entreprise doit grossir pour ne pas mourir » (témoignages en ETI)

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