Une tribune pour les luttes

Accord sur l’emploi : « Un jour sombre pour les droits des salariés »

+ La retraite assurée de François Chérèque, ex leader de la CFDT

Article mis en ligne le mardi 15 janvier 2013

A lire de préférence avec liens et documents :
http://www.actuchomage.org/20130112...

Samedi, 12 Janvier 2013

Comme d’habitude, les sociaux-traîtres CFDT et CFTC ont signé.
Contre quelques miettes de droits nouveaux aux salariés, le texte renforce leur précarisation en accordant plus de sécurité… aux employeurs.

Au terme d’une journée marathon et de 3 mois de discussions, la négociation sur la sécurisation de l’emploi des employeurs a abouti hier soir à un projet d’accord entre le patronat (Medef, CGPME, UPA) et trois organisations syndicales : la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. La CGT et FO ont dit non à ce texte déséquilibré, très largement en faveur du patronat.

Côté flexibilité, figurent notamment l’encadrement de feu les accords "compétitivité-emploi" permettant de baisser salaires et/ou temps de travail en cas de difficulté de l’entreprise (article 40 de la loi Warsmann), des mesures pour faciliter et "déjudiciariser" les licenciements, et la possibilité de restructurer sans plan social via une mobilité obligatoire. En contrepartie, de nouveaux droits sont octroyés aux salariés et aux chômeurs : généralisation d’une complémentaire santé, limitation des temps partiels, ou encore droits rechargeables à l’assurance-chômage.

Voici les principaux points qui, pour s’appliquer, devront être traduits dans la loi pour une promulgation fin mai.

Sécurisation des salariés et des chômeurs

surcotisation chômage patronale sur les CDD de "surcroît d’activité" de moins d’un mois (+3 pts), de 1 à 3 mois (+1,5 pts) et sur les très nombreux CDD dits d’usage, dérogatoires (+0,5 pt). Les contrats saisonniers et l’intérim échappent à la taxation. En échange, exonération de 3 à 4 mois — selon la taille de l’entreprise — pour l’embauche d’une personne de moins de 26 ans en CDI, et CDI pour les intérimaires à définir par la branche. Horizon : juillet 2013.

accès généralisé à une complémentaire santé collective, financée pour moitié par l’employeur, avec un panier "minimum" : 100% de la base Sécu pour une consultation, 125% pour les prothèses dentaires et forfait optique de 100 € par an. Mise en application : avant le 1er janvier 2016.

"droits rechargeables à l’assurance-chômage " pour que les chômeurs conservent une partie de leurs reliquats. Horizon : renégociation de la convention Unédic fin 2013. Maintien des droits santé et prévoyance pendant 12 mois pour les chômeurs. Mise en application : d’ici 1 à 2 ans.

temps partiels : minimum de 24h par semaine, sauf cas particuliers ; lissage possible sur l’année. Majoration au-delà de la 1ère heure (10% ou 25% selon cas).

"mobilité volontaire sécurisée" : avec accord de l’employeur, les salariés des entreprises de plus de 300 personnes, avec 2 ans d’ancienneté, peuvent "découvrir un emploi dans une autre entreprise" avec l’assurance du retour.

"compte personnel de formation" transférable, alimenté à raison de 20h/an dans la limite de 120h. Utilisable par les chômeurs. Horizon : 6 mois.

voix délibérative pour 1 à 2 salariés dans les organes de décision des grands groupes (5.000 salariés en France ou 10.000 dans le monde).

accès des représentants de salariés à une "base de données unique" (investissements, rémunérations, flux financiers, sous-traitance, etc.) pour "anticiper", grâce à un "dialogue renforcé", les évolutions. Horizon : 1 an.

Flexibilité pour les entreprises

• accords "de maintien dans l’emploi" : en contrepartie de l’engagement de ne pas licencier, une entreprise en difficulté peut conclure un accord majoritaire pour "ajuster" temps de travail et rémunérations, sans passer par un plan social si elle licencie au moins 10 salariés refusant ces changements. Durée : 2 ans maximum. Quand l’entreprise va mieux, elle doit "partager le bénéfice économique" de l’accord avec les salariés.

des plans sociaux facilités, "fixés" (procédure et contenu) soit par accord majoritaire avec les syndicats, soit par une homologation administrative dans les 21 jours, avec des délais de contestation maximum préétablis.

restructurations facilitées : mobilité interne obligée, à salaire ou classification maintenus, si un accord d’entreprise l’organise (conditions d’éloignement, etc). Licenciement pour "motif personnel" en cas de refus.

• pour les licenciements individuels : en cas d’accord en conciliation aux Prud’hommes, "indemnité forfaitaire" à l’ancienneté (plafonnée à 14 mois de salaire pour 25 ans). Si pas de conciliation, le juge reste souverain.

prescription des contestations de licenciement après 2 ans (3 ans pour les litiges sur les salaires).

• pour les entreprises de moins de 50 salariés : expérimentation du recours direct au CDI intermittent, alternant périodes travaillées ou non, dans trois secteurs.

• l’entreprise peut "privilégier", dans "l’ordre des licenciements" économiques, la " compétence professionnelle".

Fermeture de sites rentables : le texte énonce qu’"il convient d’envisager la recherche de repreneurs dès l’annonce du projet de fermeture" d’un site, pas d’obligation.

L’accord final à télécharger en pdf

(Source : L’Humanité http://www.humanite.fr/social-eco/n...)

NDLR : Soulagé, François Hollande a aussitôt salué ce "succès du dialogue social" qui lui a évité de prendre la main sur ce dossier. Comme l’avait prédit Jean-Claude Mailly de FO, soupçonnant le gouvernement de se défausser : « Je sens bien que du côté gouvernemental, ils aimeraient bien que les syndicats acceptent de la flexibilité pour qu’ils puissent la reprendre dans la loi sans qu’ils en soient responsables ». C’est chose faite grâce à la CFDT, branche syndicale du Medef, et à la très suiveuse CFTC, deux organisations soi-disant "représentatives" des salariés, qualifiées de "réformistes" (traduire : à la compromission élevée, et au stylo toujours décapuchonné face au patronat), puisque trahir ceux que l’on devrait protéger est payant.

Comme le dit Gérard Filoche, «  il n’y a rien de "gagnant-gagnant" là dedans ! Une taxe pour les contrats courts qui ne les touchera même pas tous, qu’est-ce à côté du droit fondamental de licencier sans motif ? Qu’est ce qu’une "complémentaire" santé privée, pour moitié à charge des salariés, à coté de l’acceptation de pactes de compétitivité baissant les salaires, allongeant les durées du travail et augmentant le nombre de chômeurs ? »

L’encensement de cet « accord » par les médias ne durera pas : il est régressif et, dans les jours à venir, quand le détail des mesures sera connu et décortiqué, tout le monde découvrira que Stéphane Lardy, négociateur de FO, avait raison en déclarant que ce vendredi 11 janvier fut « un jour sombre pour les droits des salariés ».


http://www.actuchomage.org/20130104...

La retraite assurée de François Chérèque

vendredi 4 Janvier 2013

A 56 ans, l’ex leader de la CFDT échappe au sort du commun des seniors et commence une nouvelle vie à l’Inspection générale des Affaires sociales.

L’ex-secrétaire général de la CFDT — qui a quitté ses fonctions fin novembre, passant le témoin à Laurent Berger — a été nommé jeudi en Conseil des ministres "inspecteur général des affaires sociales" sur proposition des ministres Marisol Touraine et Michel Sapin. A compter du 7 janvier, ce social-traître notoire, qui estime qu’augmenter le Smic pénalise les entreprises (les salariés, il s’en fout), "évaluera les politiques sociales afin d’éclairer la décision publique"...

L’IGAS, nouvel employeur de M. Chérèque, est un service interministériel de contrôle, d’audit et d’évaluation des politiques sociales qui réunit 130 experts de la "cohésion sociale" (famille, protection de l’enfance, lutte contre l’exclusion, travail social…), de la protection sociale (Sécu, prestations…), du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et de la santé. L’IGAS est, avec le Conseil d’État, la Cour des Comptes et l’Inspection générale des finances (IGF), l’un des grands corps administratifs de l’État où la patrie reconnaissante recase ses "fleurons" : ainsi Fadela Amara, déplorable secrétaire d’État chargée de la Ville du gouvernement Fillon 2, y fut nommée en janvier 2011 avec un salaire d’entrée de 8.000 € par mois hors primes. Pour la petite histoire, un inspecteur général en fin de carrière perçoit en moyenne 124.144 € annuels.

Bref : c’est une bonne planque. Et, selon la presse, M. Chérèque devrait également prendre la présidence du think-tank Terra Nova, fondation proche du PS et longtemps dirigée par feu Olivier Ferrand.

On le sait, la CFDT est un peu la branche syndicale du Medef. Et le successeur de M. Chérèque affiche le bon profil : il s’est dit prêt à un compromis sur des accords réduisant le temps de travail et les rémunérations en échange du maintien de l’emploi en cas de difficultés pour des entreprises (les fameux accords "compétitivité-emploi") !

Sachant que, pour être validé, l’accord "historique" portant sur la "réforme du marché du travail" initiée par le gouvernement doit être signé par au moins deux des quatre syndicats dits "représentatifs", on est mal barrés !!! La CGT et FO ont déclaré qu’elles ne signeraient pas un texte prônant plus de flexibilité. Par contre, à l’Unedic comme ailleurs, la CFDT et la CFTC ont toujours eu la signature facile devant le patronat.

Que deux syndicats de salariés se couchent devant le Medef, c’est ce que le gouvernement attend, lui qui devra reprendre l’épineux dossier après le 11 janvier en cas d’échec des négociations. Le 31 décembre sur RFI, le secrétaire général de Force Ouvrière l’a soupçonné à juste titre de se défausser : «  Je sens bien que du côté gouvernemental, ils aimeraient bien que les syndicats acceptent de la flexibilité pour qu’ils puissent la reprendre dans la loi sans qu’ils en soient responsables »...

Parti socialiste, CFDT ou CFTC : que des lâches et des vendus ! La promotion de François Chérèque nous prouve que trahir ceux que l’on devrait protéger, ça paye.

SH

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Vos commentaires

  • Le 12 janvier 2013 à 16:39 En réponse à : Accord sur l’emploi : « Un jour sombre pour les droits des salariés »

    le contrat saisonnier est devenu très attractif.

    La Taxation des CDD courts peut paraitre pour beaucoup une avancée, les membres du forum émettent de fortes réserves sur cette mesure. En effet les contrats saisonniers sont exclus de cette taxation.
    Nous tenons à rappeler que la moyenne des contrats saisonniers est de 1 mois. De plus en plus de contrats saisonniers sont souvent signés au détriment du CDD dit « de remplacement, ». Les employeurs ayant bien compris tous les avantages qu’ils peuvent tirer de ce contrat : flexible, sans versement de la prime de précarité de 10%, sans sécurisation, et maintenant sans « la charge » supplémentaire de la nouvelle taxation des CDD. Si l’on désire faire reculer le recours aux CDD court ; il faut dissuader les patrons qui vont réussir à contourner la loi.

    Nous demandons que la prime de précarité soit versée aux contrats saisonniers qui sont des CDD.
    En 10 ans les contrats de mois d’un mois ont progressé de 120% ceux de moins d’une semaine de 80%. L’explosion du recours au CDD c’est la norme. Ils représentent 84% des contrats signés en 2010.

    Il faut que cesse l’hypocrisie. La loi doit recadrer la définition et l’utilisation du contrat saisonnier.
    De plus, ne nous leurrons pas sur l’exonération de charge pendant 3 mois, pour la signature d’un CDI pour les -26 ans. On assiste déjà à une utilisation détournée de CDI qui en réalité sont des CDD déguisés. Ces magouilles ont permis aux employeurs de faire signer ce type de contrat à des étudiants sachant pertinemment qu’ils quitteraient son travail pour reprendre leurs études.

    Le forum social des saisonniers réaffirme qu’il faut poursuivre un travail avec les différents partenaires du tourisme, syndicats, collectivités, entreprises, pouvoirs publics afin d’améliorer le statut des CDD et spécifiquement dans cette industrie celui des 800 000 saisonniers du tourisme.
    Pour ces salariés soumis à la fragilité sociale liée à leur statut, il est temps que des changements interviennent.
    Nous demandons :
    Le versement comme pour tous les CDD de la prime de précarité de 10%
    La clause de reconduction du contrat d’une année sur l’autre
    Une loi sur le logement des saisonniers pour que n’arrive plus jamais des situations dramatiques comme la mort par incendie de ces deux jeunes saisonniers à La Clusaz.
    La portabilité des droits
    La création d’une caisse pivot (retraite, santé)
    Un encadrement strict de l’utilisation de ce contrat saisonnier. (Utilisé abusivement par des stations service, des banques, des musées, des supermarchés…)

    Le forum social des saisonniers avec la diversité de ses acteurs a demandé un rendez vous aux trois ministères concernés par la saisonnalité (travail-formation, tourisme et logement) afin que s’engage un travail permanent qui aboutisse à des réelles mesures.

    les membres du forum social des saisonniers.

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