AVANT PROPOS
Nous rappelons que l’Assemblée Générale des adhérentes est le lieu et le moment central pour discuter du mandat que l’on donne à l’équipe des membres actifs qui se réunissent toutes les semaines et assurent tous les jours les taches qui font vivre notre association. Lors de cette AG aujourd’hui nous voulons dire aux adhérent.e.s où nous en sommes dans le questionnement issu de notre activité et les inciter à y participer aujourd’hui et dans la continuité.
La publication des articles et l’adhésion des associations nous amènent à nous interroger chaque fois sur la position à adopter : publier ou pas tel ou tel article, le publier avec en regard des positions critiques, s’associer ou pas avec telle ou telle asso, orga, mettre à disposition la salle pour les réunions de tel ou tel groupe, etc. C’est un ensemble de décisions que nous prenons sur la base d’un consensus entre les membres du Collège. Ces décisions sont sous-tendues par des principes et il n’est parfois pas évident de les mettre en cohérence avec notre pratique. D’où un débat qui ne va pas toujours sans heurts.
Par exemple, en 2007, durant la période électorale, nous avons, après un long débat interne, décidé de ne plus publier d’appel à voter pour tel ou tel candidat ni d’annonce de réunion ou meeting y appelant directement ou indirectement sur notre site [1]. Cette décision a d’ailleurs été rediscutée et entérinée par l’AG décisionnelle de 2007. Pour nous, désormais l’indépendance de notre démarche est à cette condition.
Depuis quelque temps nous avons constaté avec consternation – même si sur la question théorique de l’État, MB (son équipe et ses adhérent.e.s) est partagé – qu’il se dessine un axe idéologique qui soutient par « anti-impérialisme » des États, avec leurs armées et leurs polices, ou des forces politiques qui se mettent en contradiction avec les principes qui s’opposent à toutes formes de domination, de répression, d’exploitation. Et les moyens corrompent les fins.
OUVERTURE ET LIMITE
MB a un parti pris d’ouverture et de pluralisme. Mais l’inclusion détermine aussi par définition sa limite – de toute façon « à gauche » dans sa pluralité. Si l’expression « gauche » est assez floue pour inclure des forces politiques ou sociales très diverses voire contradictoires, l’esprit de notre orientation peut s’appuyer sur cette approche de ce qu’est le mouvement social : « toutes les pensées et mouvements engagés dans une critique et une lutte contre les différentes formes d’exploitation, d’oppression, d’injustice, d’aliénation physique et morale ».
Sur cette base, nous pensons qu’il n’est plus possible de cautionner dans le silence d’une publication sans critiques des positions qui prétendent s’inspirer de principes, classés « à gauche », d’« anticapitalisme », d’« anti-impérialisme », d’« anticolonialisme » et soutiennent des États qui commettent des exactions liberticides, meurtrières, guerrières jusqu’aux pires formes de barbarie envers un peuple ou une partie d’un peuple, « ceux d’en bas ».
Là, pour nous, la limite est atteinte ; nos convictions les plus profondes sont heurtées. Nous ne pouvons plus avoir de débat fraternel avec les tenants de telles positions.
MILLE BÂBORDS EST UN PROJET
Il se réalise par et dans sa mise en pratique et se modifie de fait depuis sa création. Ce changement au fil des années est porté principalement par l’équipe qui coordonne et fait vivre le projet dans sa continuité. Mais ce projet contient la nécessité d’une participation à tous les niveaux de l’activité de ceux et celles qui y adhèrent. Nous faisons le constat en regard de 14 années d’existence que cette participation est insuffisante et que l’interaction entre les assos et les adhérent.e.s n’a pas fait émerger un débat à la hauteur du projet. C’est bien sûr à nous tou.te.s de créer les conditions d’une meilleure communication entre l’équipe des membres actifs, les adhérent.e.s, les lecteurs-trices, les rédacteurs-trices, les administrateurs-trices.
CHARTE ET STATUTS
Nous nous sommes décidé.e.s à entreprendre une relecture critique de la charte et des statuts. Même si l’adhésion ne se fait pas seulement sur la base de ces textes mais aussi sur l’activité effective de MB, nous sommes convaincus qu’un éclaircissement, un approfondissement, une formulation plus explicite nous permettra de réactiver la participation de tou.te.s, individus et associations, au projet commun sur des bases plus soldes.
LE MOUVEMENT SOCIAL
La référence centrale au mouvement social implique pour nous de favoriser sa visibilité, son expression et son action mais aussi les réflexions et actions des forces sociales ou politiques qui l’accompagnent sans se substituer pour autant à lui.
Si MB est un lieu de débat « politique » au sens de la « vie de la cité », c’est avant tout l’acteur collectif social permettant le changement réel qui est notre référence et non les organisations politiques qui prétendent le représenter. C’est en dernier lieu toujours le mouvement social qui est l’évaluateur d’un État ou de toute autre forme de domination. Ils sont de nature différente et n’ont pas les mêmes intérêts ou logiques.
C’est le point de vue de ce mouvement qu’il s’agit de considérer en priorité car il porte les possibilités du changement social.
MB N’EST PAS UNE ORGANISATION POLITIQUE
Le projet doit prendre en compte la diversité et l’unité des contraires. La question n’est pas simple et nécessite un minimum de méthode et l’acceptation là aussi d’une limite. Le projet n’est pas d’élaborer un contenu théorique précis, mais de mettre en regard et/ou confrontation différents points de vue dans le cadre d’une volonté de changement social. MB n’est pas la somme des assos orgas et individus, mais l’ensemble des personnes en accord sur les limites du débat qui inclue les différentes positions. La mise en relation des « Mille gauches » suppose que les positions de chaque orga ou individu se mettent en jeu dans le débat. Comme dans tout dialogue, une des conditions est d’accepter que les propositions ou positions des interlocuteurs soient amenées à changer, à « bouger » ; c’est l’enjeu de tout débat réel.
L’exercice de ce débat suppose une méthode à adopter. Il ne doit pas créer un discours spécifique mais une parole qui mette en évidence la contradiction, le questionnement, les problématiques en se référant aux événements actuels ou historiques.
La visibilité de positions contradictoires ne suppose pas forcément une résolution en interne, sur le site de MB ou dans les positions publiques de MB. C’est le mouvement social dans sa capacité à supprimer les conditions actuelles d’exploitation et de domination qui aura le dernier mot. À nous d’en saisir le sens.
AG du samedi 29 mars 2014