Une tribune pour les luttes

Construisons la reconductible dans le privé !

Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR)

Article mis en ligne le lundi 6 janvier 2020

Le 15 décembre 2019, notre tendance syndicale a diffusé un appel concernant la stratégie erronée qui amenait notre mouvement dans une impasse. Depuis cette date, ce que nous avions prédit semble malheureusement, se confirmer.


LA GRÈVE DÉCLENCHÉE LE 5 DÉCEMBRE, majoritairement ponctuelle ou reconductible dans certaines professions, s’enferme dans une démarche protestataire influencée par la culture institutionnelle de la gauche.

- La grève par procuration est justifiée par le recours à des caisses de grève. Ces dernières peuvent être utiles pour renforcer la grève là où elle est effective, mais elles donnent bonne conscience à de nombreux camarades qui ne se posent pas la question de l’organisation de débrayages dans les entreprises privées.

- La popularisation de la lutte passe par des actions médiatiques et symboliques. Ces initiatives ont une utilité fort réduite puisque le mouvement est déjà populaire. ’énergie dépensée est un obstacle à l’enjeu prioritaire : l’intervention des grévistes vers les travailleurs des entreprises pas encore mobilisées.

- La pratique qui consiste à distribuer des tracts sur un point fixe à des voitures devant les centres commerciaux ne prouve ni son efficacité temporelle pour le temps militant investi ni l’efficacité numérique de salariés qui rejoindraient le mouvement. Privilégions déjà les collages d’affiches devant les lieux de production, des équipes de trois pour aller tracter devant.

- La multiplication des actions à visée médiatique pour faire du coup de poing et montrer que nous sommes toujours là et les manifestations s’inscrivent dans la même logique parlementariste où le nombre de participants serait l’indicateur central du rapport de forces et le révélateur de la popularité du mouvement.

- Le corporatisme et la culture affinitaire rendent difficile l’intervention en direction des travailleurs du privé. Les assemblées générales de grévistes votent des résolutions appelant à l’action interpro, mais seulement avec les rares professions en grève. Les grévistes ne se sentent pas capables d’aller discuter avec d’autres travailleurs, entre autres ceux du privé, de leurs conditions de travail et de leurs droits.

- Le mythe des services publics comme terrain central du conflit persiste. C’est oublier qu’en juin 1936 la grève générale se fit sans la participation des fonctionnaires et des cheminots. Un oubli qui permet de justifier la « difficulté à faire grève dans le privé ».

- La cible centrale demeure le gouvernement. Ce qui nie la nature de classe de l’État capitaliste. Selon ce schéma social-démocrate, cette institution ne serait que momentanément le cerveau de la bourgeoisie alors qu’elle n’en est que le simple et constant outil (même sous un gouvernement « populaire »). Les coups portés ne le sont donc pas sur les organes de pouvoir de l’adversaire (les entreprises, les fédérations patronales, les chambres de commerce ... ), mais sur les politiciens qui servent leurs intérêts.

LA GRÈVE GÉNÉRALE NE SE FANTASME PAS, ELLE S’ORGANISE

La question centrale est désormais de donner une autre nature à la grève du 9 janvier et de la transformer en grève reconductible au cœur des structures de domination de classe : les entreprises privées.

Pour cela, dès les prochains jours nous devons préparer cette perspective en généralisant les expériences qui ont été menées par plusieurs unions départementales CGT.

- Les grévistes doivent agir en débordant les frontières statutaires imposées par l’adversaire. Une profession en grève doit agir dans le cadre du syndicalisme historique de la CGT, à savoir le syndicalisme d’industrie (intégrant tous les prolétaires d’une même branche dans un seul syndicat). Sur un site en grève, il est facile de contacter et de mettre en confiance les travailleurs de la sous-traitance (restauration privée, nettoyage externalisé, ouvriers de la maintenance, du transport ou de la messagerie ... ). Les piquets de grève et les assemblées générales, ouvertes à ces salariés, sont un tremplin à l’extension de la grève aux entreprises privées.

- Les piquets de grève doivent servir de base d’intervention sur les zones d’activité proches. C’est là que doivent s’organiser des comités locaux de grève regroupant les délégués mandatés des différentes entreprises. Les moyens matériels mutualisés ainsi que les locaux syndicaux (rédaction et tirages de tracts ... ) doivent servir à tous les travailleurs de la zone.

- Des tournées syndicales doivent être organisées afin d’aller à la syndicalisation et à l’organisation des travailleurs isolés. C’est l’occasion de les informer de l’existence de piquets de grève accessibles à tous. Ce soutien est indispensable pour les renseigner sur les modalités de la grève, de les rassurer et promettre un soutien concret en cas de non-respect du droit de grève.

Ces tournées seront aussi l’occasion de réapprendre la culture syndicale et de renouer avec une vie sociale. Nous constatons partout que la majorité des « militants » ne savent pas s’adresser aux travailleurs. La culture de l’entre-soi, des organisations affinitaires et le corporatisme sont des obstacles à l’extension de la grève. Le savoir- faire du syndicalisme de classe, interprofessionnel, ne peut être enseigné que concrètement sur le terrain avec des syndicalistes déjà expérimentés.

- Les piquets de grève doivent être visibles afin de matérialiser la grève et de favoriser les contacts. Mais c’est aussi une démonstration concrète de notre pouvoir de classe, à savoir imposer notre contrôle de l’espace public et le contester à l’adversaire. C’est un élément indispensable de la mise en confiance pour briser l’hégémonie culturelle du patronat et des institutions bourgeoises.

- De nombreux courants de gauche (plus ou moins radicaux) nous expliquent depuis des années que la lutte sociale ne s’inscrit plus en priorité dans les entreprises, ce qui justifie les stratégies individualistes (auto-entrepreneuriat, coopératives institutionnelles, travail au noir ... ). Depuis trois semaines, ces courants s’égosillent à appeler à la « grève générale » dans la plus totale schizophrénie. Leur impact sur la jeunesse a été dévastateur. C’est pourquoi nous devons appeler, en urgence, les jeunes militants à rompre avec ces élucubrations et à aller s’embaucher dans les entreprises de services, même pour quelques semaines... pour se mettre en grève au plus tôt. L’efficacité sera bien plus grande que d’appeler de façon abstraite à la « grève générale »... sans pouvoir y participer soi même !

- Les manifestations doivent servir la grève et non pas s’y substituer. Le but d’une manifestation n’est pas de se défouler, de se retrouver ou de se compter. La manifestation syndicale, c’est la fédération des professions en grève. Le matin de la grève, les travailleurs doivent donc se rassembler sur leur piquet pour se déplacer collectivement et visiblement vers le lieu de rassemblement unitaire.

La manifestation s’organise ensuite en cortèges de professions. Cette apparition permet aux non-syndiqués de se joindre à leurs camarades, de s’organiser pour ne pas se limiter à « défiler » ponctuellement. Les travailleurs d’une même profession se retrouvent dans l’action au-delà du statut et de l’entreprise de chacun. Ce qui va faciliter la structuration de la grève dans toute la profession.

Réapproprions-nous notre culture syndicaliste, celle des grandes victoires ouvrières !

Comités syndicalistes révolutionnaires - www.syndicaliste.com - syndicalistes chez gmail.com

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