Mille Bâbords, 61 rue Consolat, 13001
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À l’heure de la crise écologique, le dogme révolutionnaire de la « réappropriation des moyens de production » ne peut plus être affirmé innocemment. Moteur humain, moteur mécanique : ce sont là les bases de l’invention capitaliste du « travail ». La croyance en la substituabilité indéfinie d’une dépense d’énergie abstraite nourrit le développement technologique et entretient une relation ambivalente avec la thermodynamique. Une conception substantialiste de la valeur, telle que développée par Karl Marx et relue par Robert Kurz, permet de réinscrire le paradigme énergétique à l’intérieur de la forme sociale capitaliste et d’en expliciter la dynamique propre. Le rapport de composition organique du capital articule en effet étroitement le « travail mort » des machines et le « travail vivant » des humains. La crise énergétique et ses retombées écologiques constituent en ce sens le mur externe du métabolisme capitaliste, l’autre mur étant la création d’une humanité superflue.
L’abolition du travail abstrait ne pourrait donc que signifier la fin des technologies qui sont la « matérialisation adéquate » du capitalisme. Seule une exigence d’émancipation portée jusqu’à cette pointe pourrait à la fois cesser de consumer sans limites le monde matériel et offrir les bases sociales d’une réinvention des techniques et des activités libérées de la compulsion de valorisation.
Sandrine Aumercier, Le Mur énergétique du capital. Contribution au problème des critères de dépassement du capitalisme du point de vue de la critique des technologies, Éditions Crise & Critique, 2021.
L’autrice
Sandrine Aumercier a étudié la philosophie et la psychologie à Paris. Elle est psychanalyste à Berlin, membre de la Psychoanalytische Bibliothek Berlin et participe à la revue française Jaggernaut. Ses recherches portent notamment sur l’histoire de la psychanalyse, la psychologie collective, la technologie et la critique de la valeur-dissociation.
Vos commentaires
# Le 3 juin 2022 à 10:33, par O’Cankly En réponse à : Le Mur énergétique du capital
Yeba à tou.te.s :
Vraiment rien de nouveau sous le soleil de l’ouest ! Dès les années 1930, la fin du travail salarié aliénant et mortifère, avec la disparition du capitalisme de sa belle mort - sans révolution sociale - et son remplacement progressif par l’automatisation, est théorisée par Jacques Duboin qui jette les bases de l’économie distributive en France. Ses successeurs, avec entre autres sa fille, Marie-Louise Duboin avec la revue La Grande Relève, Charles Loriant avec le M.F.A.-S.D. - Mouvement Français pour l’Abondance par le Socialisme Distributif -, le mathématicien marseillais Joseph Pastor avec les G.S.E.D. - Groupes de Salariés pour l’Economie Distributive - qui essaiment de Saint-Nazaire à Madagascar en passant par Marseille, sont plus que jamais d’actualité, sans le galimatias universitaire de Sandrine Aumercier.
Aïoli,
Lesley-keeryan
# Le 5 juin 2022 à 13:07, par Denise En réponse à : Le Mur énergétique du capital
salut,
et alors ?
Parce qu’une idée n’est pas nouvelle il n’est pas possible d’en parler ?
En tout cas pour des gens qui s’y intéressent, une présentation du sujet devrait être à prendre.
Mais je sais pas, on dirait que dans ce milieu le débat – même contradictoire – n’est pas une option.
Dommage.
Denise
# Le 18 juin 2022 à 08:18, par Sandrine Aumercier En réponse à : Le Mur énergétique du capital
Bonjour,
il ne s´agit pas uniquement de la "fin du travail" qui est un vieux thème en effet, mais d´articuler la question du travail abstrait à la crise énergétique. Les années 30 ne connaissaient pas la crise énergétique, bien que quelques rares auteurs l´aient pressentie. Les années 50 ont commencé à la thématiser à travers le problème du pic de pétrole, mais de manière encore confidentielle. Les années 70 en ont fait un thème massif, mais 50 ans après ça n´a servi à rien. J´estime qu´il faut aller au bout de cette question.
Salutations
Sandrine