Une tribune pour les luttes

Arselio, 5 ans, le jour de son anniversaire : " Maman, tu pleures parce qu’on ne va pas nous libérer ?"

Dernières nouvelles , 21 juillet : les enfants Kuka ne sont plus en rétention !

Article mis en ligne le mardi 22 juillet 2008

Communiqué dur RESF 64 du 21 juillet 2008

Bonjour à tous,

Aujourd’hui aux alentours de 13h, la famille Kuka a été libérée par le juge de la cour d’appel de Pau : en première instance vendredi 18 juillet, la juge des libertés et de la détention n’avait pas entendu l’argumentaire de Me Hardouin et avait confirmé la prolongation de la rétention. L’appel avait aussitôt été fait de cette décision.

Me Moura a plaidé aujourd’hui et a été suivi dans sa plaidoirie par le juge d’appel. La jurisprudence porte sur un vice de procédure : la tenue de l’audience a eu lieu 1h35mn après la fin de la rétention de 48h. En première instance la juge avait considéré que la saisine du tribunal avait été faite dans les délais et que l’heure de l’audience correspondait à la fin du délai de 48h, soit 12h45.

Les avocats ont relevé l’étrangeté de l’heure : ce n’est pas une heure d’audience habituelle, et ils ont appuyé leur argumentaire sur diverses jurisprudences.

La famille Kuka est donc libre ce soir, mais nous continuons la bataille pour la régularisation.

Les sympathies et les témoignages de soutien continuent de se manifester :

l’opticien SIARI, très connu sur la place de Pau, a réparé les lunettes d’Areta Kuka pendant les quelques instants avant l’audience et à titre gracieux. "C’est ma façon de soutenir cette famille", a-t-il dit à Monique qui, spontanément, a accepté de lui porter les lunettes, quitte à ne pas assister à l’audience ;

le responsable de FR3 Pays Basque, qui ne pouvait se déplacer jusqu’à Pau, s’est enquis du résultat et a exprimé son soutien à la famille : il était très heureux de la savoir libre ce soir ;

même le procureur de la République a tenu a salué Sœur Marie Antoinette de la Pastorale des Migrants, premier soutien de la famille, toujours bon pied bon oeil du haut de ses 80 ans, et a lui signifié sa sympathie dans cette action.

Bien évidemment la très nombreuse assemblée qui se serrait dans la salle d’audience (beaucoup étaient debout) s’est largement réjoui de cette nouvelle, ainsi que tous ceux qui n’ont pu être présents.

Une nouvelle fois RESF a prouvé que la solidarité existe, que ce n’est pas un vain mot.

RESF64


18 juillet 2008

Témoignage :

Ce 18 juillet est un triste jour pour la famille Kuka, un triste jour pour les amis de la famille Kuka, un triste jour pour la séparation des pouvoirs et pour une certaine conception de la justice.

La famille Kuka, famille réfugiée à Pau, en France, depuis fin décembre 2005 parce qu’elle est menacée de mort dans son pays, est un exemple de volonté d’intégration dans notre pays, de solidarité active avec ses amis et ses voisins, de garantie d’utilité économique pour le pays, puisque M. Aleksander Kuka, le père, a une promesse ferme d’embauche dans un « secteur en tension ». L’artisan qui veut l’embaucher ne trouve pas de professionnel sur le marché de l’emploi et souhaite ardemment pouvoir embaucher M. Kuka. Il l’a écrit à la préfecture.

Le 16 juillet à l’aube, jour de prise de fonctions du nouveau préfet, cette famille est brutalement réveillée par des coups violents portés à sa porte. Les enfants terrorisés constatent que leur mère appelle RESF au secours, puis que la police aux frontières entre dans l’appartement et somme la famille de s’habiller et de les suivre.

Le 16 juillet, la préfecture des Pyrénées Atlantiques, le préfet à peine installé, sollicite l’ambassade d’Albanie pour obtenir un laissez-passer afin de pouvoir expulser la famille.

Le 16 juillet, la famille est conduite dans les locaux de la Police Aux Frontières de Billère et mise en garde à vue.

Le 16 juillet, à 12 heures 45, elle est embarquée vers le centre de rétention administrative d’Hendaye, à l’heure où d’autres enfants et d’autres parents rentrent de la plage.

Le 16 juillet, c’est la première fois que des enfants, des petits enfants, sont internés dans ce centre.

Le 16 juillet, c’est l’avant-veille du 18 qui est la date de l’anniversaire du plus jeune des enfants. Bon anniversaire, Arsélio : le pays des Droits de l’Homme, le pays dont les dirigeants ont signé la convention internationale des Droits de l’enfant, t’emprisonne un jour d’été ensoleillé, toi qui n’es même pas en situation irrégulière.

Le 16 juillet, c’est 146 jours après le 21 février, jour du rejet au tribunal administratif de leur contestation de l’obligation qui a été faite aux parents de quitter le territoire. Tu parles d’un flagrant délit !

C’est sans tenir compte de l’appel interjeté devant la cour de Bordeaux et dont le jugement n’a pas encore eu lieu.

C’est sans tenir compte de la demande de réexamen pour élément nouveau déposé devant la cour nationale du droit d’asile.

Mais c’est en tenant le plus grand compte des ordres du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement : faites du chiffre, arrêtez, arrêtez ; enfermez, enfermez ; expulsez, expulsez. Dieu reconnaîtra les siens.

Mais c’est en tenant le plus grand compte du message qui doit passer à l’occasion de l’arrivée du nouveau préfet : on va voir ce qu’on va voir. Et on commence par ceux que leurs soutiens pensent certainement les plus à l’abri. C’est un bon début qui permettra d’arrêter à tour de bras pendant l’été, pendant que l’école est fermée et que les parents d’élèves sont moins nombreux pour protester et s’opposer.

Ce 18 juillet, Madame Balian, juge pour enfants au Tribunal de Grande Instance de Bayonne, exerce la fonction de juge des libertés et de la détention. Elle doit décider de la réponse à donner à l’exigence du préfet de maintenir la famille en détention au centre de rétention administrative d’Hendaye.

Rappelons que c’est la première fois que des enfants sont internés à Hendaye.

Rappelons aussi que, le 14 juin 2006, Madame le juge pour enfants avait déjà négligé de répondre à l’invitation du président du conseil général qui l’invitait à participer à l’élaboration du schéma départemental Enfance-Famille 2005/2009. Un des thèmes était : « Favoriser l’adaptation des dispositifs d’insertion et de protection. »

Madame la juge pour enfants a manifestement un grand souci des enfants.

Ce 18 juillet, Me Hardouin plaide. C’est une très belle plaidoirie. On sent l’indignation de voir des enfants enfermés.

Elle évoque des éléments de délais, les heures de présentation devant le tribunal. Mais, surtout, elle évoque la convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, signée le 7 août 1990 par la France qui a été le premier pays à faire du 20 novembre une journée nationale des droits de l’enfant. (N’ont pas signé, les Etats-Unis et la Somalie, pays hautement démocratiques où les droits de l’Homme sont toujours parfaitement respectés)

Citons simplement le point deux de l’article 2 et le début de l’article 3 :

2. Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille.

Article 3

1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.

Madame la juge pour enfants en sa qualité de juge des libertés ( !) et de la rétention se retire une bonne heure après la plaidoirie pour délibérer. A son retour, elle annonce qu’elle obéit à l’injonction préfectorale et renvoie la famille en rétention pour 15 jours, le temps de laisser la possibilité au préfet d’obtenir le sauf-conduit qui lui permettra de gagner quatre points dans sa course aux chiffres d’expulsions. Et de risquer d’envoyer quelques personnes vers une mort annoncée. Elle argumente péniblement sur les délais. PAS UN MOT sur la convention internationale des droits de l’enfant. Si Madame le juge a une vision…particulière de l’indépendance des pouvoirs, elle a une vision aigüe de la dichotomie entre la juge pour enfants et la juge des libertés et de la détention, mais se mélange un peu entre la liberté et la détention.

Pourtant, il était manifeste que ces enfants ne supportaient déjà que difficilement les deux jours qu’ils venaient de passer au centre de rétention administrative.

L’intérêt supérieur de l’Etat a prévalu froidement sur l’intérêt supérieur de deux enfants albanais.

Faut-il pour autant céder au désespoir ? Il n’en est pas question.

Il faut passer sur la grande amertume de voir des innocents dont la garantie de présentation a été unanimement reconnue et des enfants maintenus en prison.

Il faut passer sur la tristesse de voir la justice avilie et bradée à un formalisme aveugle et obéissant.

Il faut poursuivre la lutte. La lutte pour défendre le droit universellement reconnu par 192 pays de protéger les enfants de violences inutiles. La lutte pour refaire de notre pays un pays dont les valeurs traditionnelles d’asile et de fraternité sont officiellement reconnues. La lutte pour redonner vie aux mots devenus creux qui continuent d’orner nos frontons républicains.

La lutte pour la solidarité, valeur essentielle au moment où les puissants s’acharnent à nous diviser pour mieux régner et pour augmenter encore les profits indécents des plus riches.

Le dernier mot n’a pas été dit. Des recours et des moyens de lutter subsistent. Nous n’abandonnerons pas.

Vigilance, amis, camarades.

Jean-Jacques Le Masson

Quelques précisions encore :


Non à l’enfermement des enfants !

La famille Kuka a été arrêtée mercredi 16 juillet à 7 heures 7 et placée au centre de rétention administrative d’Hendaye.

Les deux jeunes enfants, Arselio, 5 ans, et Anisa, 7 ans, ne supportent pas l’enfermement : ils paniquent, ils ne dorment pas, ils pleurent souvent. Les parents sont terrorisés à l’idée d’être expulsés en Albanie où ils risquent de subir les conséquences du Kanoun, loi de vengeance qui réclame le sang des hommes de la famille. Aleksander, le père et Arselio, le petit garçon risquent leur vie là-bas.

Toutes les associations qui, de près ou de loin, ont été en relation avec la famille Kuka, de nombreux élus, de nombreux citoyens ont aussitôt rejoint les appels de RESF 64.

Des citoyens de Pau et de la Côte Basque, même ceux qui ne connaissent pas forcément la famille, sont allés la visiter au centre de rétention d’Hendaye. En tout premier, le directeur de l’école des enfants, un de ses collègues, deux parents d’élève. Ils n’ont pas hésité à faire 300 kilomètres pour cela. Puis, sœur Marie-Antoinette et l’abbé Jo Gatelier, une des figures emblématiques de la résistance militante à Pau, puis des camarades de la Côte, puis le frère, la belle-sœur, un cousin germain et un petit neveu. Thérèse pour la Maison des Femmes,.etc…

Tous ont conclu qu’il est inacceptable d’enfermer ces jeunes parents et de très jeunes enfants. Le CRA ne désemplit pas : jamais autant de Français n’ont franchi le portail du centre de rétention administrative. Même les policiers pensent (et disent) qu’avec un tel soutien, la famille n’a pas sa place dans ce lieu d’enfermement.

Pour ses cinq ans, vendredi, Arselio n’a pas eu son gâteau d’anniversaire, ni ses copains de vacances, mais il a eu beaucoup de cadeaux. Sa sœur Anisa n’a pas été oubliée. Seule la juge a refusé froidement, alors qu’elle en avait la possibilité, le plus beau cadeau qui pouvait lui être fait : arrêter les souffrances de l’angoisse et de l’humiliation que subissent ses parents et dont il est le premier témoin et la première victime.

RESF64 demande que toute la famille sorte du centre de rétention administrative d’Hendaye où elle n’a pas sa place. RESF 64 demande qu’Aleksander Kuka soit régularisé : le patron d’une importante entreprise de carrelage de la région veut réellement l’embaucher pour toutes ses qualités, la première qu’il a mise en avant étant ses qualités humaines. Il a déposé à la préfecture de Pau vendredi dernier un dossier où il confirme cette intention.

RESF64 demande à chaque citoyen de protester contre l’enfermement des enfants, acte indigne de la République Française, alors que les cérémonies de commémoration de la rafle du Vel d’Hiv ont lieu aujourd’hui et que l’honneur des Justes y a été rappelé.

Contacts :

Téléphone de la préfecture Pyrénées Atlantiques : 05 59 98 24 24

Fax secrétariat du préfet : 05 59 98 26 44,

du bureau des étrangers : 05 59 98 26 42 /

pierre.larroque-laborde chez pyrenees-atlantiques.pref.gouv.fr

Secrétaire général 05 59 98 24 99

Adresse électronique du préfet :

philippe.rey chez pyrenees-atlantiques.pref.gouv.fr

Fax ministère de la rafle et du drapeau : 01 77 72 61 30 et 01 77 72 62 00 Standard 01 77 72 61 00

Conseiller du ministre : patrick.stefanini chez iminidco.gouv.fr

Directeur de cabinet : thierry.coudert chez iminidco.gouv.fr

Directeur-adjoint : guillaume.larrive chez iminidco.gouv.fr

Conseillers techniques : sabrina.belkhiri-fadel chez iminidco.gouv.fr

et

geoffroy.didier chez iminidco.gouv.fr

à Matignon :

http://www.premier-ministre.gouv.fr/acteurs/premier_ministre/ecrire

Elysée : http://www.elysee.fr/ecrire/index.html

Maxime Tandonnet (conseiller immigration) maxime.tandonnet chez elysee.fr

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