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Fraude fiscale : l’ardoise s’alourdit ; les entreprises sont championnes, et l’Etat est complice

Article mis en ligne le mardi 22 janvier 2013

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Mardi, 22 Janvier 2013

Estimée d’ordinaire à 30/50 milliards de manque à gagner annuel pour nos finances publiques, l’ex SNUI vient de réviser sa fourchette à la hausse, de 60 à 80 milliards/an.

Les « différentes formes d’évasion et de fraude fiscales » relevées dans le dernier rapport du syndicat Solidaires-Finances publiques (fusion du Syndicat national unifié des Impôts et de SUD-Trésor), publié ce mardi et dévoilé par Le Parisien, font froid dans le dos...

Pour donner la mesure du phénomène, Le Figaro a choisi un titre percutant : « Un euro sur cinq. C’est ce que représenterait le manque à gagner pour l’État des diverses combines de fraude et d’évasion fiscales », écrit-il, alors que le gouvernement est à la recherche de nouvelles recettes en cette grave période de crise.

Nous ne vous rejouerons pas le couplet des 50 milliards d’euros de niches fiscales et sociales « inefficaces » ou « peu efficientes », recensées en 2011 par l’Inspection générale des Finances (IGF) à la demande de François Fillon, que le gouvernement "socialiste" pourrait faire en sorte de récupérer, au lieu de continuer à les octroyer en pure perte à des segments de population qui peuvent tout à fait s’en passer, tandis qu’il accule des ménages en difficulté.

Nous ne vous rejouerons pas non plus la chanson de la « grande réforme fiscale » promise par le candidat Hollande, depuis tombée aux oubliettes... Pourtant, il y a urgence ! Mais au nom de la « stabilité fiscale » réclamée par les « agents économiques » dont le Medef fait partie, le sinistre du Budget Jérôme Cahuzac l’a dit le mois dernier sur le plateau de "Mots Croisés" (fRance 2) : la fameuse réforme fiscale aurait déjà été votée dans le cadre de la loi de finances 2013, fermez le ban.

Les entreprises, championnes de la fraude toutes catégories

Revenons au rapport de Solidaires-Finances publiques.

Premier constat : « Du travail au noir à l’encaissement de TVA sans la reverser à l’État, en passant par la création de sociétés fictives ou la domiciliation, pour les grands groupes, des bénéfices dans des filiales à l’étranger, les entreprises sont les championnes des manœuvres pour échapper au fisc. Résultat : ces escroqueries réduiraient de 23 à 32 milliards d’euros les recettes de l’impôt sur les sociétés, de 15 à 19 milliards celles de l’impôt sur le revenu, et d’un même ordre de grandeur celles de la TVA », résume Le Figaro. Alors, bien sûr, le célèbre quotidien de droite leur trouve des excuses : « Il faut dire qu’avec une charge fiscale de 65,7%, l’Hexagone fait partie des pays du monde qui taxent le plus leurs entreprises, selon un récent rapport de la Banque mondiale et du cabinet PwC. » Donc, ce n’est pas de leur faute si elles sont tentées de frauder, mais la faute à l’Etat qui les saigne beaucoup trop… CQFD ! Sauf que les entreprises les moins taxées sont aussi les plus grosses et que les plus petites ont moins la possibilité de contourner le système (idem pour les particuliers : plus on est riche, plus on peut s’adonner aux joies de « l’optimisation »).

« La fraude économique ne se résume pas à la fraude fiscale », rappelle le syndicat qui a réservé un chapitre à la fraude sociale. Deuxième constat : sur ce point, les entreprises sont toujours les championnes avec 15 à 20 milliards d’euros de fraude aux cotisations, contre 540 à 808 millions d’euros de fraude aux prestations. Une fois de plus, la conclusion est nette : la petite fraude des « assistés » n’est rien à côté de celle des patrons, que le gouvernement précédent s’employait à planquer derrière un écran de fumée.

L’Etat, détroussé consentant

Troisième constat : « La Direction générale des Finances publiques (DGFiP) aura perdu plus de 18% de ses effectifs entre 2002 et fin 2013 (soit 26.000 emplois) dont une part dans le contrôle fiscal », déplore le rapport. A noter que le SNUI alerte sur cette situation depuis plusieurs années. En vain. A l’instar de ses prédécesseurs, le gouvernement Ayrault a annoncé en novembre un renforcement de l’arsenal législatif anti-fraude fiscale censé récupérer… 1 milliard de plus. Pour Solidaires-Finances publiques, « ce renforcement est demeuré très national et n’a pas non plus comporté de mesure générale qui aurait véritablement rééquilibré le contrôle fiscal face au développement de la fraude ». Selon des chiffres communiqués par le ministère du Budget, « la lutte contre les erreurs ou la fraude permet actuellement à l’État de récupérer un peu plus de 16 milliards d’euros chaque année » : une goutte d’eau face au poids de la triche !

Il ne vous échappe pas qu’on marche sur la tête. Alors que l’Etat s’appauvrit — ayant depuis quatre ans sauvé les délinquants de la finance sur le dos de la collectivité (cela s’appelle « socialiser les pertes ») sans les punir ni même placer de garde-fous pour éviter qu’ils recommencent —, son système fiscal continue à distribuer de l’argent aux plus riches sans contrepartie ni contrôle, et les effectifs du contrôle fiscal, censés lutter contre la fraude et l’évasion, sont peu à peu décimés. Même chose du côté de la lutte contre le travail au noir : l’Inspection du travail est, elle aussi, réduite à l’impuissance.

Nous pouvons donc en déduire que ces dysfontionnements sont voulus. Donc, que blanc-seing est donné par l’Etat lui-même à ces escroqueries. Donc que l’Etat, supposé défendre l’intérêt général, en acceptant de se laisser ainsi dépouiller, est bel et bien complice des intérêts privés qu’il engraisse de bon cœur, au détriment de l’activité économique du pays et du bien-être de la majorité de ses citoyens.

SH

Lire aussi :

13/12/2012 - Avec Hollande, pas de justice fiscale
http://www.actuchomage.org/20121213...

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Vos commentaires

  • Le 24 janvier 2013 à 12:29, par Christiane En réponse à : La crise, Goldman Sachs ne connaît pas

    latribune.fr | 19/01/2013,

    Goldman Sachs ne connaît pas la crise. Et il en va de même pour ses chefs de file. D’après des avis boursiers publiés vendredi, la banque d’affaires américaine a octroyé aux douze membres de son équipe dirigeante quelques 707.634 actions de bonus pour l’exercice 2012, représentant 102,2 millions de dollars.

    Cette annonce fait suite à la publication des très bons résultats de Goldman Sachs. Mercredi, la banque d’affaires a fait état d’un doublement de son bénéfice sur l’exercice 2012, à 7,3 milliards de dollars, soit 14,63 dollars par action alors que les analystes de Wall Street tablaient en moyenne sur 12,20 dollars. De même, le chiffre d’affaires s’affiche en hausse de 19%, à 34,2 milliards de dollars, un bond essentiellement du aux solides performances des activités de banque d’investissement et d’opérations de marché pour compte propre.

    De quoi réjouir Lloyd Blankfein, qui s’est félicité de "la solidité de notre modèle d’activité et l’accent mis sur une gestion rigoureuse ont généré de bonnes performances pour nos actionnaires", bien que "les conditions économiques soient restées difficiles".

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