30 mars 2012
http://www.syndicat-magistrature.org/Mineurs-delinquants-des-centres.html
Après la campagne électorale présidentielle de 2002, celle de 2012 voit ressurgir une solution miracle à la délinquance des mineurs : les centres fermés.
Depuis la loi du 9 septembre 2002, dite loi Perben, 44 centres éducatifs fermés (CEF) ont été crées.
Présentés comme une véritable alternative à l’incarcération, ces centres étaient destinés à des mineurs de 13 à 18 ans, « délinquants multirécidivistes ou multiréitérants pour lesquels les différentes solutions éducatives ont été mises en échec », et allaient enfin concilier travail éducatif et privation de liberté.
Hollande surenchérit sur le gouvernement
Lorsque le gouvernement en annonce vingt supplémentaires par transformation de foyers éducatifs publics, le candidat du Parti socialiste affirme sa volonté d’en doubler le nombre, et cela à budget constant. Cette surenchère signe-t-elle la réussite du dispositif ?
Peu importe l’absence de données objectives et d’outils statistiques pour évaluer l’efficacité de la prise en charge des mineurs en CEF : on avance des chiffres fantaisistes, on invente un bilan positif et on évite tout débat sur les orientations de la Protection judiciaire de la jeunesse et les autres choix possibles.
Sans intérêt, le rapport de la Défenseure des enfants rendu public le 15 juillet 2010, avec notamment de nombreuses propositions pour mettre en cohérence le dispositif CEF avec les droits fondamentaux des enfants ?
« Recours abusif à la contrainte physique »
Sans importance, les recommandations émises par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté le 1er décembre 2010, avec par exemple le constat dans des CEF « du recours abusif, voire usuel, aux moyens de contrainte physique, laquelle est parfois érigée, dans les équipes les moins qualifiées, au rang de pratique éducative » ?
Sans pertinence, son analyse très critique dans le rapport annuel d’activité pour 2011 : atteintes aux droits, carences dans la prise en charge éducative, problème non-résolu du recrutement et de la formation des personnels (déficit d’expérience, turn-over élevé, vacances de postes...) ?
L’enfermement, loin de favoriser l’éducation, suscite la violence chez des jeunes ayant connu d’importantes difficultés familiales et personnelles, voire des troubles psychologiques non pris en charge.
Dans les centres, les incidents se multiplient
Rien d’étonnant à ce que les incidents dans les CEF et les fugues se soient rapidement multipliés. Sans surprise également, le gouvernement s’est contenté de renforcer les dispositifs de sécurité par le biais du cahier des charges : emprise clôturée avec accès unique, grillages devant comporter un retour, système de barrière infrarouge...
Dans une logique de mise à mal de la dimension éducative, il a décidé de réduire les effectifs des personnels des CEF et d’augmenter le nombre de jeunes pris en charge.
Le CEF est devenu un centre avant tout fermé, et subsidiairement éducatif, où la situation est souvent explosive. Plusieurs associations gestionnaires ont recours à des agents de sécurité. La plupart instaurent des protocoles d’admission et de sélection à l’entrée, ce qui exclut l’accueil d’urgence et écarte les mineurs les plus en difficulté et les plus difficiles : ils ne sont pas « capables d’investir le dispositif » !
Des alternatives moins coûteuses sacrifiées
Le CEF n’est pas une alternative à l’incarcération et se remplit de mineurs ayant peu d’antécédents, voire de primodélinquants, qui auraient pu être orientés vers des structures classiques beaucoup moins coûteuses.
Malheureusement, le ministère de la Justice sacrifie les moyens de ces foyers et veut en réduire le nombre, sachant qu’il faut en fermer au moins trois pour financer deux CEF.
Ces choix ne sont pas sans conséquence puisque ces mineurs qui ne sont pas des multirécidivistes et qui n’ont même pas bénéficié de toutes les mesures éducatives possibles encourent au moindre incident la révocation du placement et l’incarcération.
Le CEF est clairement un lieu à finalité d’enfermement, où le mineur qui ne s’est pas discipliné sera sanctionné par la prison.
Le gouvernement a aggravé cette sinistre évolution, notamment en allégeant les conditions de placement en CEF dans la loi dite Loppsi 2. Le meurtre de la jeune Agnès a encore relancé la démagogie et voilà que le Premier ministre veut placer en CEF tous les récidivistes jusqu’à leur jugement...
L’alternance, pour une politique ambitieuse
Le Syndicat de la magistrature dénonce ce système perverti poussant à l’incarcération des mineurs les plus en difficulté et à l’enfermement de ceux qui pourraient être accueillis dans des foyers traditionnels.
L’alternance doit être l’occasion d’une politique ambitieuse pour la justice des mineurs.
Pour commencer, au lieu de multiplier les CEF :
assurons une réelle diversité des prises en charge (foyers, lieux de vie, familles d’accueil...) ;
garantissons la continuité dans le parcours du jeune et le travail avec les familles ;
améliorons la coordination des interventions éducatives ;
développons le partenariat avec l’Education nationale, les réseaux de soins, les acteurs locaux de la prévention ;
établissons de véritables projets d’insertion sociale et professionnelle ;
et poursuivons si nécessaire l’accompagnement après la majorité...
La vie ne s’apprend pas par l’enfermement.