« Il y a encore deux mois, il n’y avait presque rien » nous dit un homme, en nous accueillant. Sous son passe-montagne, on devine un sourire triomphant. Face à nous, une grande cabane en bois divisée en plusieurs espaces dont le comedor qu’on va inaugurer, sans tarder, en allant boire un café. Les tables sentent encore le bois frais. Les fenêtres n’ont pas de vitres. Face à nous, plusieurs banderoles colorées, pour nous inviter aux nombreux événements de ce mois de décembre, qui ont pour nom « Combo por la vida » : ciné, danse, forum pour la défense de la Terre Mère, seconde rencontre des femmes qui luttent, 26e anniversaire du soulèvement. Un mois bouillonnant en perspective. Il n’y aucun doute, les zapatistes sont bien vivants avec la ferme intention de rompre l’encerclement imposé par le mauvais gouvernement.
Plus loin, sur le mur d’une maison, deux peintres s’activent pour écrire le nom du nouveau caracol. Interminable : « Espiral digno tejiendo los colores de la humanidad en memoria de l@s caídos ». « Le temps de lire le nom que tu es déjà revenu à San Cris » nous dit un compa en éclatant de rire. Mais, le plus incroyable se trouve juste en face de nous. Une construction tout en bois avec sur sa façade, une belle étoile rouge. Immense. Elle s’incline jusqu’à nous et après une volée de marches, on se retrouve au cœur du ventre de la baleine. Euh pardon… De l’auditorium. À l’intérieur, trois écrans géants, on comprendra plus tard que cela se veut la version 3D zapatiste. On est au cœur du texte du Sub. On marche dans ses mots. On rêve sa vision. On ne sait plus si ces mots sont la réalité ou si cette réalité, ce sont ces mots. On est complètement déphasé. Dans cet état de « inconformidad » dont se gausse Galeano et dont on n’arrivait pas à déceler le sens profond. Oui, aujourd’hui encore, la force, la créativité des zapatistes me laissent sans voix. De toute façon, c’est mieux de se taire pour voir un film non ?
Au pied de l’auditorium, une petite lagune et là, enfin, on la repère. Indifférente à l’agitation générale, une baleine noire flotte en compagnie d’un joli dauphin bleu. Bon d’accord, c’est des jouets gonflables mais comme annoncé, il y a bien une baleine dans les montagnes du sud-est du Chiapas. Une façon manifeste de ne jamais se prendre au sérieux. Et même que l’on peut manger des palomitas ou pop corn, selon la langue que l’on se choisit…
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