Dans son dernier rapport, la Cour régionale des comptes dresse un bilan sans concession de la politique menée par la Soleam dans le cadre de l’Opération Grand Centre-Ville (OGCV) et confirme la plupart des critiques adressées par les associations et collectifs de quartier. Cette opération apparaît bien pour ce qu’elle a toujours été : un vaste « détournement de fonds publics » au seul profit de la spéculation et du marketing territorial dans le centre-ville. Fin 2018, seuls 50 millions d’euros avaient été engagés pour réaliser 31 logements sur 1500 programmés tandis que la Soleam empochait au passage 13 millions de rémunération. Alors que la municipalité peinait à dégager 5 millions pour rénover en urgence les écoles, la Soleam, société publique contrôlée à 100% par la métropole et la mairie, débloquait 17 millions (puis 20) pour la requalification de la place Jean Jaurès, une opération non prévue initialement par l’OGCV. Pourquoi ? Pour qui ?
En octobre 2018, tandis que le chantier venait de débuter et que les immeubles insalubres de la rue d’Aubagne n’avaient pas encore englouti leurs occupants, l’Assemblée de la Plaine dénonçait déjà depuis 3 ans les millions déversés sur ce projet pharaonique d’aménagement de la place Jean Jaurès. Elle rappelait aussi la politique d’abandon sciemment entretenu par la municipalité, la métropole et la Soleam dans une grande partie de la 2ème ville de France : taudis, écoles délabrées, équipements et services inexistants, transports publics très inégalement répartis, quartiers entiers laissés à la dérive. Elle exigeait l’arrêt des grands chantiers-vitrines, inutiles et coûteux comme celui de la Plaine, au profit d’une rénovation qui réponde aux besoins de toute la population. Un autre type de rénovation, au service de toutes les dynamiques locales, des activités sociales et économiques notamment autour du marché, de la vitalité du tissu associatif, qui participent au bien-être et l’identité de ce quartier et, au-delà, de Marseille et de son centre-ville.
La mairie, la métropole et la Soleam dénigraient ces revendications comme émanant de zadistes et de punks à chien, leur attribuant dans l’espace public des usages déviants à éradiquer de toute urgence. Sauvegarde et entretien des arbres existants ? Déviant ! Maintien de l’intégrité de la place mais avec limitation de la vitesse des voitures, piste cyclable séparée et amélioration de l’accessibilité des piétons ? Déviant ! Retour du marché avec tous les forains en mettant davantage de moyens pour la propreté ? Déviant ! Des bancs en vis-à-vis plus nombreux, des espaces et installations pour les ados, de l’espace pour les activités libres de toutes et tous ? Déviant ! Pourtant, ces revendications ne faisaient que proposer un projet de rénovation réalisable en un temps court, avec un impact limité sur la vie du quartier et beaucoup moins onéreux pour les finances publiques !
Pourtant, malgré le changement de municipalité et avec l’appui d’un collectif de prétendus riverains très arrangeant avec la politique menée par la Soleam, voilà que certaines pratiques locales, festives mais surtout indépendantes sont à nouveau qualifiées de déviantes. Parmi elles, le carnaval de la Plaine et de Noailles, tradition réinventée il y a plus de 20 ans rassemblant plusieurs centaines de personnes et saluée jusqu’au Mucem, est assimilée dans un communiqué de la mairie du 6/8 à « une fête sauvage », un « regroupement à toute heure du jour et de la nuit », une « privatisation de l’espace public par quelques-uns » ! Plutôt que reprendre un discours qui n’est pas sans rappeler ceux émanant des populistes de droite et convoquant une improbable majorité silencieuse, la mairie ne devrait-elle pas se soucier de la privatisation galopante de l’espace public à Marseille par les résidences privées ? Et plutôt que stigmatiser tous ceux et toutes celles qui fréquentent la Plaine en promettant des mesures pour juguler des « débordements » outrancièrement grossis par ses services de communication politique, la mairie ne devrait-elle pas plutôt se féliciter des multiples initiatives de solidarité portées par les associations, les collectifs et toutes les bonnes volontés individuelles de ce quartier ? Tout cela ressemble fort à une nouvelle offensive contre les nombreux opposants qui poursuivent la résistance dans les quartiers et contre des manières d’habiter la ville qui ne rentrent pas dans leurs cases. Pendant ce temps et alors qu’on nous promet une livraison de la Plaine requalifiée pour fin juin au plus tard, une musique de supermarché est diffusée par des haut-parleurs érigés à grands frais aux quatre coins de la place… Circulez, braves gens, la Soleam s’occupe de tout y compris de ce qui se trouve entre vos deux oreilles !
Face à ce bilan désastreux, l’Assemblée de La Plaine appelle à la dissolution immédiate de la Soleam et à un contrôle plus fort des marseillais.es sur tout nouvel outil d’aménagement qui sévirait sur les quartiers populaires de la ville.
L’Assemblée de La Plaine réclame des mesures de régulation immédiates pour faire face aux conséquences de cette politique d’aménagement : encadrement des loyers, plafonnement du prix au mètre carré, lutte réelle face à la AirBnBisation de Marseille… des solutions existent !
Contre la transformation de la Plaine en centre commercial à ciel ouvert, continuons à nous battre pour des villes vertes, vivantes et populaires !
Assemblée de la Plaine