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Tribune collective : La loi Kasbarian-Berger : les femmes mises en danger

Article mis en ligne le dimanche 18 décembre 2022

Tribune collective : La loi Kasbarian-Berger : les femmes mises en danger

« Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée.. » Ce n’est pas un hasard si l’appel de l’abbé Pierre du 1er février 1954 s’ouvre sur l’annonce de la mort d’une femme. 52 ans plus tard, la situation des femmes face à la précarité du logement n’a cessé de s’aggraver et la loi Kasbarian-Berger votée vendredi 2 décembre sonne pour beaucoup d’entre elles comme une sentence de mort.
La loi prévoit de criminaliser et d’expulser en 48h, sans décision du juge les occupant.es de logements vacants (c’est à dire de bâtiments inhabités qui sont au nombre de 7 millions en France), mais aussi les personnes qui ne sont pas titulaires d’un bail en cours de validité. Ces procédures d’expulsion ne seront pas accompagnées de relogement des locataires en difficulté et les possibilités de maintien dans le logement de locataires ayant payé leur dette de loyer seront limitées. Ainsi, des personnes précaires seront envoyées en prison (jusqu’à 10 ans) pour avoir eu des difficultés à payer leur loyer ou avoir occupé un bâtiment vide afin de se soustraire à la rue. Dans un contexte où de nombreux bâtiments sont achetés et laissés vides pour faire monter les prix et favoriser la spéculation immobilière, dans un contexte où 4 millions de personnes sont non ou mal logées en France, cette loi, profondément injuste et antisociale, va doubler le nombre de personnes sans domicile pour les bénéfices de quelques uns (fondation abbé Pierre).
Nous, associations féministes, nous insurgeons contre cette loi, car nous savons qu’elle impactera avant tout les femmes précaires qui vont être précipitées dans des situations de détresse extrême.
Les femmes sont les premières touchées par la hausse du coût du logement en France au regard de leur plus grande pauvreté et de l’ensemble des inégalités résultant du système patriarcal : inégalités salariales, surreprésentation des femmes dans le travail à temps partiel (82 %) et le travail précaire... En outre, dans 85 % des cas le parent de famille monoparentale est une femme et 46 % des enfants qui vivent avec leur mère sont pauvres.
Les femmes exposées à plusieurs formes d’oppression seront davantage affectées. Les femmes migrantes, les femmes en situation de prostitution, les femmes victimes de traite, les femmes en situation de handicap, les femmes monoparentales, les femmes en situation d’itinérance, les femmes fuyant des foyers violents et incestueux, les jeunes femmes de l’aide sociale à l’enfance seront lespremières victimes de cette loi. Contraintes à dormir dans la rue, ces femmes seront victimes de violences, de viols à répétition. Elles vivront la torture d’une mort lente. En effet, selon l’association Entourage, une agression sexuelle sur une femme SDF a lieu toutes les huit heures en France.
En criminalisant les locataires précaires et en accélérant les mises à la rue, en précarisant encore davantage celles qui subissent déjà des violences et des inégalités, en ignorant la réalité du rapport de force bailleur / locataire la loi Kasbarian Berger ouvre un boulevard aux abus de pouvoir. Des agresseurs profiteront de la vulnérabilité économique de certaines pour les exploiter et extorquer des actes sexuels. C’est déjà le cas de nombreux conjoints violents titulaires du bail ou de propriétaires qui offrent des logements contre des “paiements en nature” (France Info).
Nous, associations féministes, rappelons que l’accès à un hébergement digne et sécurisé est un préalable à toute sortie de violences. C’est l’une des premières demandes des victimes afin d’éviter de connaître ou de répéter le pire : la rue ou le retour chez l’agresseur. Les personnes qui “squattent” des logements vides ne le font pas par choix mais bien parce que leur droit à l’accès au logement n’est pas respecté, ce qui les met en danger.
Nous associations féministes, nous nous mobilisons contre cette loi dangereuse et indigne pour les femmes et nous exigeons sa censure par le Conseil Constitutionnel au nom de la dignité humaine, des droits des femmes et du respect des valeurs les plus fondamentales de notre contrat social.
Nous demandons que le gouvernement s’attaque à la crise du logement et à ceux qui en sont à l’origine afin que les femmes puissent jouir de leurs droits naturels et imprescriptibles.

P.-S.

Marche Mondiale des Femmes
Collectifs féministes

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