Spoliation foncière : Chronique d’une résistance annoncée et fin des séquelles de l’esclavage héréditaire ?
Bref rappel : le 7 février dernier à Rkiz 13 hommes et 7 femmes Haratins, des esclaves affranchis, parmi les manifestants qui protestaient pacifiquement contre la spoliation de 93% des terres qu’ils cultivent, sont très violemment arrêtés. La spoliation est organisée par l’Etat pour que ces terres soient redistribuées à un dignitaire, propriétaire terrien et d’esclaves.
Ils sont conduits au commissariat de Rkiz où ils sont gardés à vue pendant deux semaines (une violation flagrante du code de procédure qui précise un délai de 48h, renouvelable une seule fois). Les forces de l’ordre et le parquet refusent de délivrer des réquisitions permettant, aux praticiens de la médecine légale, d’établir les motifs et la nature du traumatisme qu’endurent Mohamed Boushab et Mohamed Nouh. Le premier, frappé au crâne, a perdu beaucoup de sang. Le second souffre de la perte d’autonomie motrice de ses jambes et de ses mains.
Durant ce temps, dans des cellules insalubres, les personnes arrêtées continuent de subir des sévices corporels et des humiliations. L’une des femmes retenues, Madame Sarra Abbah est privée, depuis son incarcération, de voir et d’allaiter sa fillette de 7 mois ; d’ailleurs l’époux et père se retrouvent aussi en geôle, au titre des mêmes griefs.
Le député Biram Dah Abeid, l’une des figures de proue du mouvement abolitionniste dans ce pays, reconnu par diverses autorités politiques internationales*, est venu soutenir cette manifestation pacifique et légitime, ainsi que quatre autres membres de l’IRA. Des menaces de mort publiques, enregistrées sur un appareil audio, ont été proférées à son encontre.
Le Bureau de l’Assemblée nationale a prononcé le 20 février la levée de son ’immunité parlementaire, accusé fallacieusement d’avoir tenu des propos qualifiés de diffamatoires. De faux témoignages ont été utilisés, dans l’impossibilité de désapprouver ouvertement sa présence auprès de paysans spoliés, spoliés en dépit de l’article 1 de l’ordonnance 2000-89 qui stipule : « …que ceux qui ont travaillé la terre peuvent accéder à sa propriété et acquérir leur indépendance économique… »
Cette mesure arrive opportunément avant les nouvelles élections présidentielles qui doivent avoir lieu en juin. Ainsi Biram Dah Abeid ne pourra pas se présenter.
S’ajoutent aux manifestations locales, les réactions de plusieurs ONG de défense des droits des humains contre ces mesures injustes comme : IRA France Mauritanie mais celles d’Europe de l’Ouest, le CCRM/E/USA, Mauritanian Network for Human Rights in US, Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la Personne au Canada, les Organisations africaines de lutte contre l’Esclavage et ses séquelles, la CNDH Mauritanie, le Bureau régional de l’Afrique de l’ouest d’Amnesty international, la Cour africaine des Droits de l’Homme et des peuples, la FIDH (Fédération internationale des Droits de l’Homme….) soit par des lettres, des lettres ouvertes aux autorités politiques mauritaniennes, des communiqués, des pétitions.
Conclusion provisoire :
Dans la nuit du 11 au 12 février, les manifestants solidaires des paysans ne cessaient de rejoindre leurs camarades aux piquets. Alors, le gouverneur de la région arrive à Rkiz visite les prisonniers et plaide, devant eux, son engagement à satisfaire les revendications antérieures au déclenchement de la crise. Ils demandaient 26 hectares sur 106 au lieu des 12 qui leur étaient concédés.
Les détenus acceptèrent la proposition et quittèrent leur cellule, munis de titres de propriété.
Victoire arrachée, victoire tout de même obtenue après bien de souffrances !
IRA France-Mauritanie (Initiative de résurgence pour l’abolition de l’Esclavage)
Pour suivre l’actualité de l’IRA France-Mauritanie : irafrance-mauritanie.org
*Prix des Droits de l’Homme nations unies en 2013 ; même année il reçoit le Front Line Award Rights Defenders at Risk de l’ONG irlandaise Front Defenders ; Docteur honoris causa de la Katholieke Universität Leuven en 2019 ; Courage Award …