Une tribune pour les luttes

Compte Rendu du Forum sur la Désobéissance Civile

FÊTE MILLE BÂBORDS dimanche 8 octobre 2006

Vous pouvez trouver une meilleure définition des aquarelles qui illustrent cet article sur le site le village des facteurs d’images dans la Maison de La Glaneuse.

Merci à Malika qui a réalisé ces aquarelles en live...

FORUM DESOBEISSANCE CIVILE

FÊTE MILLE BÂBORDS

dimanche 8 octobre 2006

Le débat vu par MALIKA (aquarelle)

Introduction :

Nous avons eu envie d’ouvrir ce forum par l’affaire du purin d’ortie : une loi de janvier 2006 oblige tous les produits naturels à une homologation sans laquelle il est interdit de les diffuser, de faire de la publicité pour ces produits. Ainsi va pour le purin d’ortie et Eric Petiot en a fait les frais le 31 août par une perquisition, interdiction de son livre (écrit avec Bernard Bertrand) etc...

Nous avons mis sur le site de MB la recette du purin d’ortie...nous désobéissons !

Ainsi par une « judiciarisation » du quotidien ( ie des règlements qui passent le plus souvent inaperçus) le citoyen « ordinaire » désobéit, souvent sans le savoir ou en proclamant « NON, ce n’est pas possible » et il entre en DC.

Cet exemple est une caricature mais explique que depuis quelque temps des articles, des émissions radio reprennent ce thème, et le développent sur les plans historique, juridique, social. (Le Monde Diplo) d’Avril 2006, Politis n° 916, France-Inter « tchachtes » débat sur ce thème à la fête de l’Huma. Ce ne n’est pas une lubie médiatique mais une prise en compte que les actes de désobéissance civile sont de plus en plus nombreux ces dernières années et dans des secteurs très divers.
Pourquoi ???

Le choix de ce thème pour ce Forum correspond à notre désir d’analyser cette forme de lutte, d’informer par des témoignages d’expériences locales ou nationales et développer « une tradition de contestation créatrice » (Gandhi)

Sur la base de quelques textes et après discussion sur la question, nous essayons de poser un cadre de réflexion, non pas pour encadrer le débat qui restera évidemment ouvert à toutes interventions, mais pour démarrer sur un éclaircissement de ce concept :

Désobéissance civile ? désobéissance civique ? désobéissance sociale ? désobéissance citoyenne, résistance ?

Si nous avons opté pour « civile » ce n’est pas un choix intellectuel mais une préférence pour le terme le plus largement connu et il nous semble plus important de nous questionner sur les termes de « désobéissance » et de « luttes ».

C’est le centenaire (11 septembre 1906) de l’acte contestataire de Gandhi à Johannesbourg . Il déclarait « dire non à l’injustice, avec fermeté, publiquement, sans violence et en acceptant les conséquences judiciaires de ses actes » et posait ainsi les bases de ce que Thoreau avait nommé quelques années auparavant, « la désobéissance civile » : refus, public, de l’injustice, non-violence, responsabilité individuelle sur le plan juridique.

Désobéir c’est d’abord dire NON à une autorité.

Cette forme de lutte existe depuis toujours : de Spartacus à la lutte des femmes pour le droit à l’avortement, des faucheurs d’OGM, du RESF en passant par le refus de l’apartheid (transports publics en Afrique du Sud puis aux Etats Unis), le refus de travailler dans les plantations coloniales, le refus de servir l’armée (objecteurs de conscience, réfuzniks en Israël). De nombreuses luttes au départ basées sur un refus d’une situation injuste, peuvent évoluer vers la lutte armée, mais sommes-nous dans la DC ?.
On peut repérer 3 formes de luttes :
- luttes autorisées (droit de grève ...),
- désobéissance civile
- luttes armées.
Elles ont un point commun : la reconnaissance de droit, l’affirmation de valeur

Dans nos esprits contemporains, la DC est immédiatement associée à la lutte pour le droit à l’avortement : procès de Bobigny, déclaration publique de désobéissance de 356 femmes, action interdite (avortement) jusqu’à la reconnaissance du droit à l’avortement (Il n’est pas question de mettre sur le même plan les désobéissances « inciviques », « inciviles , violentes des opposants d’extrême droite sur ce sujet). Plus récemment les faucheurs d’OGM, le RESF..

Ce refus, émanant d’une conscience individuelle et/ou collective, est une protestation contre un ordre établi jugé injuste, contraire aux intérêts fondamentaux de la société, favorisant des intérêts privés.

Certains auteurs insistent sur la prise de conscience individuelle et l’acte individuel (refus de payer des impôts), d’autres sur le caractère collectif de ces mouvements de contestation. Nous pouvons dire qu’il y a un dialectique entre conscience individuelle et conscience collective. De la résistance passive individuelle, on passe à l’action militante collective tout en étant individuellement responsable devant la justice.

Cette contestation fait référence à une loi supérieure, moralement ou juridiquement justifiable : déclaration des droits de l’Homme (ou droits humains...), Conventions Internationales, ou à des valeurs fondamentales.

Dans une démocratie qui se respecte, la DC est un droit et même un devoir (procès de Nuremberg, Hanna Arendt). Or, nous ne pouvons que constater que depuis plusieurs années, ces luttes sont de plus en plus souvent criminalisées et mises au même rang qu’une délinquance ordinaire alors que, en général, non-violentes, le juge doit les reconnaître comme l’expression d’un droit citoyen .

L’augmentation des luttes sous forme de désobéissance civile et les réponses de la justice sont des symptômes d’une démocratie de papier. Le citoyen lambda est de plus en plus conscient de l’absence de débat démocratique sur des sujets de société essentiels, conscients que les règles du jeu démocratiques sont bafouées, que les moyens légaux pour faire respecter un droit fondamental sont inadaptés, bref qu’il n’a pas la parole. Pour être entendu, il entre en résistance et désobéit publiquement, avec d’autres : transport en commun, squatt, occupation de locaux,

Il faut souligner que même si l’action est collective, la sanction est individuelle.

L’objectif de ces actes, soutenus par une parole apportant d’autres connaissances et développant des valeurs, est d’obliger les décideurs (élus démocratiquement !) à revoir leurs copies. Il s’agit de contre balancer le discours dominant par des actes réfléchis,, en principe non-violents et diffusés par les médias.

Après quelques témoignages :
- Travailleurs sociaux
- Le comité anti-répression
- Faucheurs d’OGM
- Réseau d’éducation sans frontière
- Syndicat CNT

Le débat pourrait démarrer sur des questions :
- Quand peut-on parler de DC ?
- Pourquoi la lutte prend-t-elle cette forme ?
- Comment inventer de nouvelles formes de lutte pour signaler les dérives de la loi et la contourner ?
- Quels sont les risques et sanctions encourus ?
- Sommes nous prêts à faire de la prison, payer des amendes et défendre notre revendication au tribunal jusqu’au bout ?
- Quelle place donnée aux médias : risque de récupération ? diffusion de l’information ?

TEMOIGNAGES : (Résumé)

Collectif contre les lois Perben-Sarkozy :

Avec ces lois, des populations entières sont considérées par l’Etat comme potentiellement délinquantes et les Travailleurs Sociaux sont sommés de se comporter en auxiliaires de police, en délateurs. Certains, qui refusent de transmettre certaines données informatiques et entrent en résistance contre les dérives sécuritaires, sont déjà sanctionnés (exemple : 68 travailleurs sociaux du Puy de Dôme sont menacés de suspension par le Conseil Général en septembre).

Comité-anti-répression : dans des secteurs apparemment protégés comme l’Education Nationale, se développent des pratiques de harcèlement et ou de mise en accusation de personnel. Le comité qui vient de se créer revendique d’avoir effectué les mêmes actes que ceux qui sont opposés à leurs collégues.

Faucheurs volontaires d’OGM : afin d’alerter la population sur le développement et les dangers des plantations de plants transgéniques, les participants aux actions de destruction de cultures OGM se déclarent collectivement responsables de ces actes (par une auto-dénonciation) ,devant la justice. Mais la répression devenant de + en + violente, certains se sentent contraints d’agir de façon clandestine, la nuit.

La Cimade : En ce qui concerne l’immigration, face à un Etat de plus en plus policier, nous sommes contraints de désobéir à des lois injustes (qui bafouent les Déclarations Universelles des Droits de l’Homme, la séparation des pouvoirs...) donc défense d’un Etat de Droit.
Résurgence, il y a 20 ans , contre les lois Pasqua, tentait de répondre à l’urgence.

A noter le Manifeste des Délinquants de la Solidarité face à la criminalisation de toute aide à l’immigration irrégulière ainsi que l’Observatoire sur les Violences Policières crée avec le MRAP et la LDH.

Ligue des Droits de l’Homme : La Ligue a une longue tradition de résistance civile (affaire Dreyfus) et ces dernières années a crée l’Observatoire des violences Policières, mené des actions pour réquisitionner des logements vacants au bénéfice de familles mises à la rue, lutté pour le droit au stationnement des gens du voyage contre des maires hors-la-loi.

Le Réseau d’Education Sans Frontière : ce réseau crée en 2004 compte aujourd’hui 72 collectifs locaux regroupant chacun de nombreux enseignants, parents d’élèves et autres citoyens. Ces collectifs sont implantés dans de nombreux établissements scolaires et sont capables de se mobiliser dans l’urgence afin d’empêcher des expulsions de familles d’enfants scolarisés. Il y a eu 123.000 signataires de la pétition « nous les prenons sous notre protection », ce qui est de la désobéissance civile. Des reconduites à la frontière ont été empêchées par les mobilisations (centre de rétention, aéroports). Les parrainages ont été très nombreux dans certaines mairies.

DEBATS : (dans l’ordre chronologique)

- Application de la circulaire Sarkozy de juin 06 est totalement arbitraire, c’est une loterie.

- UJFP soutient les « résistants » israéliens comme les réfuzniks (objecteurs de conscience, les militants contre le mur à Bil’hin).

- Caracol fait un lien entre désobéissance civile en France et à l’étranger, au Chiapas en particulier et informe sur l’insurrection d’Oaxaca qui illustre les glissements entre désobéissance civile, grève et luttes armées.

- Réflexion sur une bonne utilisation des médias (Greenpeace)

- Exemple d’inventivité : En Italie, « Il Gommone » serpent protecteur des manifestants contre la violence de la police, devant un centre de rétention à Milan dont ils ont obtenu la fermeture.

- Liens pas assez exploités entre militants et artistes de rue.

- Paroles « d’anars » : rappel du refus d’un faucheur d’OGM ayant refusé de donner son ADN. Désobéir oui, être citoyen non : nous sommes acteurs de la lutte des classes. Nécessité d’entr’aide et de solidarité, soutien aux médias alternatifs. « Nos utopies sont plus grandes que vos urnes ».

- Education civique à l’école :quel contenu ? apprendre à désobéir, autogestion ?

- Doit-on laisser la police entrer dans les écoles ? Que peuvent faire les enseignants ? besoin de connaissances juridiques : jusqu’où peut-on aller ? quelles sont les conséquences judiciaires ? Création du « Réseau Universitaire Sans Frontières »

- La PJJ va être de + en + sollicitée par la police : besoin d’une formation juridique et citoyenne. Besoin des médias.

- Apprendre à ne pas consigner dans son travail des données facilitant la répression.

- Les enseignants peuvent-ils aller jusqu’à cacher les enfants ? Possibilité de faire un cordon de parents et d’enseignants autour de l’école contre les intrusions policières.

- Ballon Rouge souligne la dégradation anti-démocratique actuelle et un rapport de force particulièrement défavorable. Nécessité d’imposer un accueil convenable à la préfecture. Problème des visas , sans réciprocité, nous devons imposer la libre circulation des personnes.

- Educateur Spécialisé : nous devons revendiquer notre citoyenneté dans nos actes de désobéissance pour faire basculer l’opinion. Nécessité d’informer la population.

- Discussions sur la nature de « l’Etat de Droit ». Nécessité d’inventer au lieu d’être toujours sur la défensive.

- Nécessité de tisser des liens entre toutes les formes de résistance, sans « têtes pensantes » mais en s’informant et agissant en réseau.

- CGT marins, Collectif du 29 Mai : il faut faire de la politique dans les urnes et dans la rue. Problème du corporatisme ambiant qui explique les défaites.

- Besoin de nouveaux médias alternatifs

- Nous sommes face à un projet global,et devons élaborer un contre-projet global

- Discussion sur la nature de l’adversaire : Etat ou monde économique ?

Nous prévoyons dans les semaines à venir de continuer à approfondir notre réflexion sur cette forme de lutte par la projection d’un film « Un pas dans la nuit », suivi d’un débat.

A bientôt

Le CA

le concert de On s’fait une bouffe vu par Malika
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